[Tribune] Concours interne de l’ENS : où est passée la loi n°21/2011 ?
Annoncé par le ministère de l’Éducation nationale le concours de l’École normale supérieure (ENS) risque de ne pas tenir toutes ses promesses. La non-application des dispositions de la loi n°21/2011 du 14 février 2012 portant Orientation de l’Éducation, de la Formation et de la Recherche ne serait pas de nature à améliorer la formation des enseignants et des encadreurs pédagogiques, estime, dans la tribune libre ci-après, Michel Ndong Esso. Professeur certifié de philosophie, celui-ci est également le secrétaire général adjoint de l’Entente Syndicale de l’Éducation nationale (ESEN) chargé de l’Enseignement Secondaire.
Appelé à cor et à cri par les syndicats de l’éducation, le concours interne d’admission à l’ENS pourrait avoir lieu dans les semaines qui suivent. Ainsi, le Pr Mouguiama Daouda serait sur le point de répondre à une des revendication phares des cahiers de charges des partenaires sociaux. Un éclairci dans le ciel de l’éducation nationale, pourrait-on dire. Pourtant, des interrogations demeurent sur la non-application des dispositions de la loi n°21/2011 du 14 février 2012 relatives à la formation des enseignants et encadreurs pédagogiques.
Rappel des faits
Le Gabon dispose depuis quelques années d’un nouvel outil juridique en matière de gouvernance scolaire, par le biais de la loi n°21/2011 du 14 février 2012 portant orientation générale de l’Education, de la Formation et de la Recherche. Dans la continuité des Etats Généraux de 2010, cette loi s’inscrit dans le processus de perfectionnement du système éducatif gabonais. Ainsi prévoit-elle d’arrimer la formation des enseignants et des encadreurs pédagogiques aux normes universitaires, comme le stipulent les articles 74, 75 et 76. Concernant précisément les encadreurs pédagogiques de l’enseignement secondaire, l’alinéa 3 de l’article 76 introduit une innovation fondamentale avec la suppression du grade de Conseiller pédagogique. Il stipule que l’enseignement secondaire est ouvert à toute personne « En qualité d’encadreur chercheur du secondaire général, de grade d’inspecteur pédagogique, ayant satisfait à une formation doctorale en matière de recherche appliquée à l’enseignement secondaire général, et ouvrant droit, en cas de mention suffisante, à l’entrée dans le corps d’enseignants chercheurs ou de chercheurs, comme spécialiste pour la formation des futurs professeurs des collèges et lycées«
Subtile mais profonde, la remarque vaut son pesant d’or. Le grade de Conseiller pédagogique est inexistant dans la nouvelle nomenclature régissant l’enseignement secondaire. La loi n°21/2011 ne prévoit en effet que le grade d’Inspecteur pédagogique. Or, la tutelle semble accuser du retard dans l’application de ces dispositions. D’abord, le projet de l’université des sciences de l’éducation est resté au point mort. Ensuite, et c’est là le point névralgique du problème, les formations proposées aux stagiaires de l’Ecole Normale Supérieure sont aux antipodes des standards internationaux et surtout en déphasage avec la norme. Sinon, sur quel support légal le Ministère de l’Education Nationale envisage-t-il de former des Conseillers pédagogiques de l’enseignement secondaire alors que ce grade est inconnu de la loi n° 21/2011?
Au nom de la compétitivité du système éducatif
Nous l’avons dit, les dispositions de la loi n°21/2011 ci-dessus évoquées sont d’autant plus pertinentes qu’elles font corps avec les actes des Etats Généraux de 2010. Surtout, elles sont en droite ligne avec l’engagement du Chef de l’Etat, celui de « générer un système éducatif d’excellence. »(Cf. Discours d’ouverture des Etats Généraux de l’Education, de la Recherche et de l’adéquation Formation-Emploi, lundi 17 mai 2010) Or, l’excellence d’un système éducatif se mesure par la performance scientifique des formateurs. Autrement dit, mieux les formateurs sont outillés, plus le système éducatif tend vers l’excellence. Cette vérité universelle oblige la tutelle à prendre ses responsabilités. Elle doit revoir l’offre de formation à destination des stagiaires de l’ENS.
Fort de son expertise internationale, le Pr Mouguiama Daouda sait mieux que quiconque les enjeux du monde contemporain sur le plan scientifique. Universitaire de renom, il se doit de tirer le système éducatif gabonais vers le haut. Après tout, le Gabon ne peut se résoudre à évoluer en marge de la norme universelle. Ceci pour dire que le prochain concours de l’ENS ne doit pas être une simple formalité administrative. Au-delà de la volonté de contenter les partenaires sociaux, il doit se faire dans le respect de la loi n°21/2011. La formation des enseignants n’étant pas une option mais un impératif, il revient au Gouvernement de tenir ses engagements.
Michel Ndong Esso
Professeur certifié de philosophie,
Secrétaire Général adjoint de l’Entente Syndicale de l’Education Nationale (ESEN), Chargé de l’Enseignement Secondaire
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