Conflit homme/faune – Révolte des populations de Mékambo : Pour une gestion participative
Nulle part au monde, même aux Etats-Unis d’Amérique, on ne peut dissocier les impératifs écologiques ou économiques des préoccupations sociales.
La conservation de la nature se fait-elle au bénéfice des hommes ? Tel est le fin mot des événements de Mékambo, en périphérie du parc national de Mwagna. Faisant une lecture partielle des traités internationaux, les ayatollahs de l’écologie se confondent en dogmes : la protection de la faune est un des piliers de la stratégie nationale de développement. Se livrant à une exégèse partiale des textes, ils en rajoutent à la confusion : toute battue est assimilée à du braconnage. Jouant les légitimistes, certains sectateurs détournent le débat : loin d’être la conséquence de la déprédation des cultures, la colère populaire résulte d’une manipulation politicienne.
Mettre en œuvre des programmes cohérents
Aux uns et aux autres, on rappellera un pilier : la conservation de la nature s’inscrit dans une dynamique de développement durable. Les activités y relatives doivent concilier des impératifs de trois ordres ; écologique, économique et social. Nulle part au monde, on ne peut les dissocier. Dans aucun parc national, la gestion se fait au mépris des intérêts des populations alentours. Partout, l’on s’efforce de respecter les prescriptions du principe 22 de la Déclaration de Rio : «Les populations (…) ont un rôle vital à jouer dans la gestion de l’environnement (…) du fait de leur connaissance du milieu et de leurs pratiques traditionnelles. Les Etats devraient reconnaître (…) leurs intérêts, leur accorder tout l’appui nécessaire et leur permettre de participer (…) à la réalisation d’un développement durable.» Autrement dit, l’approche participative donne aux populations un droit de regard sur la gestion des ressources naturelles.
D’ailleurs, les lois relatives aux parcs nationaux, à la protection de l’environnement et aux forêts le disent et le consignent : la protection de la faune ne dépend ni de la mise à l’écart des populations ni du pouvoir de répression. Elle découle de la capacité de l’Etat à mettre en œuvre des programmes cohérents alliant aménagement des zones rurales, recherche scientifique, communication et appui aux populations. Eu égard à l’échec des stratégies interventionnistes préconisées dans le passé, la gestion participative reste la mieux adaptée. Et, les conflits homme/faune ne l’invalident nullement. Bien au contraire. Où l’on en revient à la question de fond : l’Etat reconnaît-il les intérêts des populations, leur apporte-t-il l’appui nécessaire, leur permet-il de contribuer aux activités de conservation de la nature, leur offre-t-il l’opportunité d’en tirer des bénéfices ? A Mékambo, comme ailleurs dans le pays, la réponse est négative.
Tenir compte des besoins vitaux et droits des populations
Partout ou presque, les populations se plaignent de la difficile cohabitation avec la faune. Révélatrices de choix gouvernementaux inconséquents, ces plaintes ne peuvent être comprises comme une marque de défiance. On ne faire comme si les parcs nationaux préexistaient aux villages. On ne peut agir comme si l’arrière-pays était un no man’s land. On ne peut ignorer le lien des populations avec la forêt. Surtout, on ne peut sous-estimer leur contribution à la préservation du capital naturel. A l’inverse, on doit tenir compte de leurs besoins vitaux et de leurs droits. Le rappeler n’est ni une façon de s’opposer aux politiques publiques ni un moyen de mettre à mal l’autorité de l’Etat. Les populations de Mékambo ont-elles été trop loin en s’attaquant aux symboles de la puissance publique ? Si cela peut s’entendre et se soutenir, leur réaction peut s’expliquer et se comprendre.
Se pose ici la question des responsabilités. Bien entendu, le gouvernement peut toujours accuser les protagonistes de choses et d’autres. Mais, a-t-il un seul jour songé à évaluer la pertinence de ses options stratégiques ? A-t-il seulement réfléchi à l’amélioration de sa gouvernance ? Depuis de nombreuses années, les populations rurales dénoncent le saccage de leurs cultures par les éléphants. En 2016, un plan national de gestion des conflits homme/faune fut conçu et mis en œuvre. Sans succès. Les victimes doivent-elles s’en satisfaire ? Au lieu de sombrer dans le tout-répressif, le gouvernement ne devrait-il pas donner une chance à la conciliation ? Ne devrait-il pas commencer par rechercher les raisons de son échec ? Au risque de prêter le flanc aux accusations de toutes sortes, n’a-t-il pas intérêt à mieux intégrer les populations dans la conception et l’exécution des politiques de conservation de la nature ? Une fois de plus, là réside le vrai débat.
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