Selon des informations publiées par le site Médias 241, le maire de la commune de Libreville pourrait rejoindre son prédécesseur à «Sans-Famille», le pénitencier de la capitale gabonaise. Eugène Mba est accusé d’avoir signé des factures et mandats de paiement pour le décaissement, en 2 jours, d’environ 338 millions de francs CFA pour des travaux d’assainissement non effectués dans les 6 arrondissements de Libreville.

D’aucuns attendent que le maire de Libreville explique sa démarche. © Facebook/Eugène-MBA-Maire-de-Libreville

 

Les faits remontent au 30 avril dernier. Eugène Mba, le maire de Libreville, signait la lettre de commande numéro 0006, relative aux travaux de curage des caniveaux en zones inondables et des bassins-versants non pris en compte par l’Etat. L’opération s’inscrivait, selon des documents consultés par Gabonreview, dans le cadre de l’amélioration de l’enceinte de l’Hôtel de ville, après un état des lieux réalisé par la direction générale de l’Environnement de la Mairie de Libreville.

Avec Jeta Groupe comme entreprise adjudicataire, le règlement devait selon la lettre de commande, se faire «de manière ponctuelle sur présentation de la facture après service fait» et «certifié par la direction générale de l’Environnement ou la direction générale du Cadastre, de l’habitat, des aménagements urbains, des transports et des infrastructures urbaines». Le résultat de la prestation devait faire l’objet d’une réception technique par la directrice générale de l’Environnement et le directeur général du Cadastre, de l’habitat, des aménagements urbains, des transports et des infrastructures urbaines. Ce pour une durée de prestation estimée à 2 ans.

Le hic ? Les 30 avril et 4 mai, le maire Eugène Mba et Jeta groupe signent une douzaine de factures, soit 2 par arrondissement pour les 6 arrondissements de la capitale gabonaise, portant sur lesdits travaux. Était apposée sur chaque facture, la mention «certifié service fait, bon pour engagement» et transmission pour engagement à la direction des Finances. A la clé, Des mandats de paiement de ces factures ont été envoyés au Receveur percepteur principal pour «règlement services faits», à créditer à Jeta groupe. Le montant total de toutes ces factures, 337, 9 millions de francs CFA, étaient à décaisser alors que, dans les faits, les travaux n’étaient pas encore réalisés et ne le sont pas encore.

La mention « certifié service fait » qui fait jaser

Anomalie procédurière qu’a fait remarquer la directrice générale des finances, Gisèle Yolande Mombo, à travers le courrier N°0295. Rappelant les conditions de réception des prestations, elle soulignait que les closes n’ont pas été respectées, signalant au maire de Libreville la nécessité de remplir les conditions afférentes au paiement. Une remarque que n’aurait pas digérée le maire. Si les services de la Mairie n’ont pas encore confirmé la sortie de cet argent à l’initiative du maire, le site Médias 241 qui a lancé l’alerte, estime que le maire Eugène Mba, et plusieurs de ses proches collaborateurs sont sur la bonne voie pour rejoindre « Sans famille » où se trouve l’ancien maire accusé de détournements de fonds.

Alors que la publication d’un tel article devait susciter une situation de crise au sein de l’administration concernée, les sources contactées par Gabonreview pour obtention de la version du Maire n’ont pas été promptes à réagir, indiquant vouloir faire vérifier au préalable l’authenticité des documents ayant fuité. Il reste en tout cas qu’aucune procédure judiciaire n’étant officiellement lancée, la mairie pourrait toujours livrer sa part de vérité le moment venu.

Du fait qu’Eugène Mba est reconnu comme étant un homme respectant l’orthodoxie financière étant lui-même un ancien banquier, d’aucuns s’interrogent tout de même sur sa démarche. Sauf inauthenticité des documents, pourquoi avoir apposé les mentions «certifié service fait», «bon pour engagement» ? S’est-il fait rouler en signant lesdites factures et mandats de paiement ? A-t-il voulu accélérer les paiements de Jeta Groupe pour contourner les retards souvent observés en la matière ? Il gagnerait en tout cas à s’expliquer.

 
GR
 

12 Commentaires

  1. Patrick ANTCHOUET dit :

    Bizarre que de tels faits apparaissent dans la presse et les réseaux sociaux juste après le limogeage de Mme la DG et M. le DGA des Finances qui viennent d’être remplacés par d’autres compatriotes, Zeph Étotoa et Diouf ! L’opinion comprend que le fait de partir de ces postes que l’on dit juteux est loin de leur plaire. Alors, ils décident de casser la baraque.

    • Paul Bismuth dit :

      On devrait consacrer comme principe général de droit public le fait que les personnes publiques ne peuvent payer les sommes qu’elles ne doivent pas.

      Le règlement des marchés publics étant soumis à la règle du service fait, si Eugène MBA a vraiment mandaté cette dépense alors que le titulaire du marché n’a réalisé aucune des prestations prévues par le contrat, il y a effectivement anguille sous roche. On devrait donc lui réserver sa suite à sans famille.

      Plus il y aura de vigilance et de sanctions relatives à la manipulation des deniers publics, mieux le Gabon se portera.

  2. Lavue dit :

    Le détournement des deniers publics est un sport national. Tant que les « Gros poissons » ne seront pas mis hors d’état de nuire afin de montrer l’exemple, les choses ne ralentiront pas. Faut faire comme au Cameroun voisin. Là-bas ce sont les ministres, les DG des boîtes publiques qui croupissent et meurent en prison. Il est temps que l’appartenance au PDG ou plus fort encore aux loges maçonniques cesse de servir de protection absolue. ALI n’a rien à perdre en jetant en taule ces gens qui pillent dans son dos et qui ne seront jamais responsables devant le peuple (ils diront qu’ils n’ont jamais géré le pays, il n’y a que les BONGO).
    Pendant des années et même aujourd’hui encore, le seul modèle de personnes riches, ayant réussi qu’on présente aux jeunes, c’est celui du passage par la politique et la haute administration avec pour raccourci les détournements. Le pays n’a pas d’hommes d’affaires dans l’industrie, l’agriculture, l’élevage, le commerce, les médias, etc, comme on peut le voir ailleurs.
    Tout ce qu’on a servi comme exemple aux gens c’est faire du Oyé, oyé , oyé , soutien, chercher à être élu, comme député ou sénateur, même en trichant. La contrepartie de tout ça c’est la pauvreté et le déchirement pour le gâteau rentier qui devient de plus en plus petit au fil du temps.
    Les tenants du systèmes ont toute leur part de responsabilité dans ces agissements. Peuvent-ils seulement le comprendre? Les jeunes ont besoin d’autres modèles, d’autres exemples. Malheureusement le système PDG ne sait en créer. On est restés dans les années 70, avec la politique du ventre comme seule stratégie.

    Dommage!

  3. diogene dit :

    Dépeint comme un corrompu de la pire espèce, le maire est ensuite assimilé à un crétin qui signe sans les lire les documents qu’on lui apporte, enfin arrive l’éloge d’un banquier modèle !
    Comment voulez vous nous éclairer en épaississant le mystère !

  4. Steed dit :

    Nous devons reconnaitre à la vérité que l’Etat lui-même ne respecte pas du tout ses propres règles en matière d’engagement et de paiement. Un contrat signé doit être liquidé selon l’échéance contractuelle lorsqu’il n’y aucun retard. Il ne peut en être autrement.

    Hors la règle observée est : La date de paiement contractuelle est juste un décor qui n’est d’aucune contrainte pour les responsables en charge des règlements. Techniquement, il s’agit au mieux d’un abus de confiance, et au pire, de grivèlerie (le fait de ne pas être capable de payer après avoir mangé). Et cela est très très grave.

    Sinon, comment expliquer l’existence de ces centaines d’entreprises en difficultés financières pour avoir contracté avec l’Etat et réalisés les prestations régulièrement engagées?

    Si l’Etat était soumise aux lois de l’OHADA, il y a longtemps, très longtemps que sa mise en faillite aurai été déclarée.

    Alors oui, je peux comprendre ces chefs d’entreprises qui exigent un paiement intégral avant le début des travaux. L’Etat n’est pas un partenaire sérieux, mais pas du tout, en matière de respect de ses engagements financiers.

    Et le système bancaire étant très frileux pour accompagner les entreprises gabonaises dans leurs activités, alors oui, il est mieux pour les chefs d’entreprises que l’Etat paya intégralement avant le début des travaux. Quitte à séquestrer cet argent chez un notaire et à mettre un lien avec l’organe de l’Etat qui fait les recettes pour autoriser les paiements.

    L’Etat paie les turpitudes de ses propres responsables qui passent leur temps à détourner et à l’impunité qu’il leur donne.

    Nul ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude, l’Etat doit restaurer la qualité de sa signature ou payer au « cul du camion ».

    • Paul Bismuth dit :

      @ Steeve

      Je comprends ce que vous dites. L’Etat est effectivement un très mauvais payeur.

      Cependant si ces opérateurs estiment que l’Etat n’est pas un partenaire contractuel crédible, il est peut être souhaitable pour eux de ne pas contracter avec lui.

      Par ailleurs, on ne peut cautionner la violation du droit au motif qu’il faut donner des gages aux entreprises avec lesquelles l’Etat passe des contrats.

      De plus, en demandant à l’Etat de payer avant de bénéficier des prestations qu’il sollicite, on accroît le risque d’avoir, soit une inexécution défectueuse du marché, soit une pure inexécution de celui-ci. Et je ne parle même pas de la corruption que cela pourrait encourager.

      Bref, la solution la plus efficace serait de rendre la justice indépendante, de sorte que tout manquement de l’Etat à l’égard de ses obligations soit sanctionné. Mais c’est un travail de longue haleine et parsemé d’embûches qui s’inscrit dans la construction générale de l’état de droit, donc de la démocratie.

      • jean blémont dit :

        bien parlé!!!

      • asphalt dit :

        C’est normale qu’une entreprise ne signe pas de contact avec l’Etat si elle constate que l’Etat est mauvais payeur, cependant on ne crée pas une entreprise pour resté assis et se tourner les pouces, il faut bien avoir des marchés pour travailler et faire tourner la boite. Dans notre pauvre Gabon là il n’y a que l’Etat qui attribue des marchés conséquents aux entreprises, ce n’est pas comme si elles avaient le choix.
        Pour pallier un peu à tous les manquements de l’Etat et des entreprises adjudicataires des travaux, souvent les contrats sont fait de manière à ce que le paiement se fasse par niveau des travaux effectués c’est-à-dire première à 50% des travaux effectués, deuxième tranche 75%…après évaluation bien sur mais même ça l’Etat est incapable de respecter ses engagements.

  5. Chevalier Clotaire dit :

    La gouvernance par sans famille est aveu d’incapacité à avancer.

  6. Steed dit :

    @Paul Bismuth

    D’abord « Payer au cul du camion » est une pratique autorisée en situation de risque important. Ce qui est le cas lorsque l’on contracté avec l’État.
    Ensuite,devrait on uniquement cautionner des violations au droit uniquement lorsqu’ils sont le fait de l’État ?

    Et je vous fais observer que nous n’avons pas attendu que l’État paye avant l’exécution des prestations pour avoir les titres et les honneurs en matière de corruption.

    Donc la question n’est pas  » l’État doit il payer avant l’exécution des prestations? », mais comment faire pour que le paiement libéré corresponde à une exécution de service réel? La solution est simple : le compte séquestre.

    Bien entendu, je vous entends hurler d’ici. Mais avez vous conscience qu’il y’a un problème extrêmement grave dans la qualité de la signature de l’État au bas du chèque?

    Les violations permanentes de l’État lui-même de ses propres règles devraient vous interpeller bien plus que l’exigence de payer au « cul du camion ». La solvabilité du plus grand opérateur économique et employeur du pays est en question.

    Et ce n’est pas en rappelant le droit ou la loi, que l’État ne respecte pas lui-même, que nous y arriverons.

    • Paul Bismuth dit :

      @ Steed

      À aucun moment je n’ai dit qu’il est normal que l’Etat ne satisfasse pas à ses obligations légales et contractuelles. Je dis juste que votre solution consistant à demander à l’Etat de payer avant que son partenaire contractuel ne remplisse ses propres obligations le place dans une situation de vulnérabilité vis à vis de ce dernier. L’Etat étant le garant de l’intérêt général, une telle situation ne saurait être acceptée.

      Cependant j’entends qu’il faille des garanties pour les entreprises. Celles-ci jouent un rôle considérable dans la création de la richesse du pays et de l’emploi. C’est pourquoi la solution qui me semble la mieux adaptée aux intérêts de toutes les parties est de réellement rendre la justice indépendante (mais vous n’y avez visiblement pas prêté attention dans mon précédent post).

      Vous savez, même dans les pays les plus développés on n’est pas à l’abris de ce que l’Etat n’honore pas ses engagements. En France (pays que je connais bien et dans lequel je vis) l’Etat (collectivités territoriales y compris) traîne parfois la réputation de « mauvais payeur ». De plus, dans ce pays le droit reconnaît à l’Etat, pour ses contrats administratifs, de très importantes prérogatives (pouvoirs exorbitants lui permettant par exemple de modifier unilatéralement ce type de contrat) le plaçant dans une position très favorable par rapport à ses partenaires Contractuels (normal il est le garant de l’intérêt général).

      Pourtant, ces prérogatives exorbitantes et ce côté « mauvais payeur » ne sont pas un frein pour les entreprises dans ce pays qui recherchent à contracter avec l’Etat. La question qu’il convient alors de se poser est de savoir comment cela se peut.

      La reponse est simple : outre les indemnités qui sont dues par l’Etat à son partenaire contractuel chaque fois qu’il intervient dans le contrat entraînant des charges financières supplémentaires pour l’autre partie, la justice n’hésite pas à le condamner à des dommages intérêts quand il n’honore pas ses obligations contractuelles ou légales (j’ai lu des tonnes de décisions du conseil d’Etat français condamnant l’Etat à indemniser des entreprises pour manquement à ses obligations contractuelles lesquelles incluaient le non respect des délais de paiement).

      C’est à cette situation (et la seule qu’on puisse envier aux gaulois) qu’il faut qu’on aboutisse au Gabon, car elle créera un meilleur environnement des affaires en poussant l’état à davantage donner de valeur à sa signature (ce que vous souhaitez). Mais une telle situation n’est possible que dans la mesure où la justice est réellement indépendante. Or une justice indépendante est un marqueur de l’Etat de droit qui, lui-même, est indissociable de la démocratie.

      Le Gabon aura fait un pas de géant en tant que pays démocratique et pour ses entreprises le jour où un « makaya » issu des tréfonds de la plèbe pourra faire annuler un décret de l’Etat et faire cracher à celui-ci quelques sous pour manquement à ses obligations contractuelles ou extracontractuelles devant les juridictions compétentes du pays.

      Le compte séquestre est une solution homéopathique. Et honnêtement je ne suis pas adepte de l’idée de laisser à un notaire, en dehors de tout processus juridictionnel, le soin de conserver des deniers publics.

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