Indicateurs africains d’intégrité : Pas crédibles la justice gabonaise et l’opération Mamba
La gouvernance publique de nombreux pays africains est évaluée depuis quelques année par un projet de recherche dénommé African Integrity Indicators (AII). Dans le tout dernier rapport, publié mi-avril par Global Integrity, le système judiciaire du Gabon, entre autres, et sa spectaculaire opération Mamba n’y récoltent pas du tout des lauriers. Quand l’incarcération de Brice Laccruche sert d’indication.
Au terme de plusieurs mois de recherche, la 9ème édition des Indicateurs d’intégrité vient d’être publiée. Dénommée African Integrity Indicators (AII), l’étude est réalisée par Global Integrity, une organisation indépendante à but non-lucratif d’observation des tendances en matière de gouvernance et de corruption à travers le monde. En collaboration avec la Fondation Mo Ibrahim, la structure publie ses rapports depuis 2013. Elle évalue, à travers plusieurs dizaines d’indicateurs collectés, de nombreux aspects de la transparence, de la responsabilité et du développement social.
Le Gabon, en dessous de la moyenne des 54 pays africains examinés
Les dernières notes du rapport qui couvre la période septembre 2018 à septembre 2019, classent d’une manière générale le Gabon dans la catégorie des pays ayant un score de 25. Autrement dit, le pays est en dessous de la moyenne des 54 pays africains examinés ; le top étant un score de 100 et la moyenne, naturellement, de 50. Un tableau peu reluisant pour le Gabon.
L’Africa Integrity Indicators 2021 livre également sur le Gabon des commentaires qui fâcheront plus d’un, notamment ses gouvernants. Il relève des faits contredisant l’indépendance théorique du système judiciaire gabonais. «Hormis dans les cercles proches du pouvoir, il fait consensus que le pouvoir judiciaire au Gabon n’est pas perçu comme indépendant. En outre, le mode de nomination des magistrats, désignés par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), est-lui-même sujet à caution en raison de la composition du même CSM, présidé par le chef de l’État», peut-on lire en cliquant sur la carte du Gabon sur la page «Data» synthétisant l’étude.
L’opération Mamba, jugée non crédible
L’opération anti-corruption Mamba, lancée depuis le sommet de l’État et affichant une préférence pour les proches de certains anciens directeurs de cabinet du président de la République, notamment Maixent Accrombessi (y ayant échappé), et Brice Laccruche Alihanga (mordu), trouve peu de grâce dans les commentaires du rapport : «Avec le déclenchement de vastes opérations de lutte contre la corruption sur la période 2019-2020, uniquement dirigées contre des personnes récemment tombées en disgrâce du pouvoir, et l’absence de garanties légales fournies aux détenus en attente de leur jugement, la question de l’absence d’indépendance de la justice est révélée avec une acuité toute particulière pour cette période.»
Justifiant ses allégations quant à l’opération Mamba, l’étude de Global Integrity souligne : «Le cas le plus emblématique de cette campagne de lutte contre la corruption reste celui de Brice Laccruche Alihanga, ancien chef de cabinet du chef de l’État, arrêté le 03 décembre 2019 et qui est toujours en attente d’un hypothétique procès. Les droits de sa défense n’ont pas été respectés, aussi bien durant son arrestation que depuis son incarcération, ce dont l’ambassade de France à Libreville s’inquiète, Laccruche étant citoyen franco-gabonais.»
Magistrats sous influence
Le rapport cite des «commentaires d’évaluateurs pairs», de membres de la société civile et d’acteurs de la sphère médiatique dont il assure préserver l’anonymat. L’un d’eux, par exemple note : «le président de la République est aussi le président du Conseil supérieur de la magistrature. On retrouve également en son sein, deux membres du Parlement et deux représentants de l’Assemblée nationale. Il y a donc forcément des influences qui se jouent et pour que les magistrats accèdent aux postes prestigieux, ils doivent nécessairement avoir des soutiens politiques.»
Dans l’indice concernant uniquement le système judiciaire, cette dernière remarque fait pencher le Gabon dans la catégorie inférieure : celle ayant un score proche de zéro. Ce niveau est celui des pays dans lesquels «l’autonomie des juges en matière d’interprétation et de révision des lois existantes est occasionnellement limitée». Les juges, précise l’étude « sont occasionnellement soumis à des incitations politiques négatives ou positives (par exemple, les juges sont rétrogradés/promus ou déplacés vers des bureaux plus ou moins bons en représailles/récompenses pour avoir pris certaines décisions)».
Un tableau comportant plusieurs dizaines d’autres critères et indices ainsi que tous les pays examinés est téléchargeable, aux formats .xls et .csv au bas de la page de présentation générale de l’étude.
1 Commentaire
Voilà un rapport qui confirme ce que nombre de compatriotes savent déjà : la justice est aux ordres du pouvoir au Gabon. Cependant Ali et ses flagorneurs s’entêtent à faire croire le contraire. C’est peine perdue. Car si le tyran peut avoir le contrôle sur les individus, il ne peut avoir d’emprise sur leur conscience.