Patricia Ozounguet : un patrimoine francophone
Récemment présentée au public francophone par le Programme canadien des bourses de la Francophonie (PCBF) comme une de ses meilleures réussites, Patricia Ozounguet épouse Otchangalt, ancienne directrice des programmes et de la production à la télévision Gabon 1ère, revient dans cette interview sur son passage à l’École nationale de l’administration publique de Québec (ENAP). Actuellement directrice de cabinet du ministre de la Promotion de la bonne gouvernance, de la Lutte contre la corruption et de l’Évaluation des politiques publiques, elle raconte sa conversion et exprime sa gratitude au gouvernement canadien.
Gabonreview : Depuis votre retour, quels sont les éléments marquants au niveau de votre carrière professionnelle ?
Patricia Ozounguet épouse Otchangalt : Je suis rentrée du Canada en mai 2019. Comme il est d’usage, après un retour de stage vertical, j’ai entamé les démarches nécessaires auprès de mon administration afin que mon diplôme et mon nouveau profil soient pris en compte dans la gestion de ma carrière. Par ailleurs, je n’ai pas hésité à réseauter, à l’ENAP on nous dit bien qu’il faut doit se donner les moyens de faire connaître ses compétences et surtout se tenir informer des postes disponibles.
C’est ainsi que j’ai assisté à certains évènements au cours desquels j’ai fait de belles rencontres professionnelles. C’est dans cette dynamique qu’au mois de février 2020, soit 8 mois après mon retour au Gabon, j’ai été nommé Secrétaire général adjoint (équivalent de sous-ministre adjointe) du tout nouveau ministère de la Promotion de la bonne gouvernance, de la Lutte contre la corruption et de l’Évaluation des politiques publiques. Un bond dans ma carrière, car avant mon départ pour le Canada, j’occupais le poste de directrice des programmes et de la production à la chaîne de télévision nationale.
Le ministère a été créé en décembre 2019 et a de nombreux défis à relever : le recrutement du personnel, la mise en œuvre des procédures et bien sûr la satisfaction des besoins et des attentes aussi bien des usagers que des autres administrations. C’est riche de cette nouvelle expérience professionnelle qu’une nouvelle mission m’a été donnée au mois d’octobre 2020, celle de diriger le cabinet du ministre en tant que directrice de cabinet. En effet, à la gestion administrative s’est ajouté l’aspect politique, là encore l’ENAP m’a donné tous les outils pour y parvenir.
Il est certain que sans ma maîtrise obtenue à l’École nationale de l’administration publique de Québec je n’aurais pas eu le bon profil pour accéder à ces fonctions.
Quels sont les facteurs qui ont été les plus déterminants de votre succès tant dans votre parcours au Canada que depuis votre retour dans votre pays ?
Ma détermination se nourrit de deux facteurs essentiels : le goût du défi c’est-à-dire le dépassement de soi et le soutien indéfectible de ma famille. J’ai pu faire une pause dans ma carrière parce que la bourse du PCBF offre des conditions exceptionnelles. Cela ne s’est pas sans sacrifice puisque j’ai quitté ma zone de confort professionnel et surtout mon environnement familial. On ne renonce pas à tout ça sans avoir une réelle détermination.
En outre, une des clés du succès est liée à l’encadrement du Programme. L’équipe très disponible soutient les étudiants dans leur intégration dans leur nouvelle vie canadienne d’une part, et leur adaptation dans le système académique d’autre part. Les boursiers savent où trouver de l’aide en cas de difficulté, toutes les conditions sont réunies pour favoriser la réussite.
Par ailleurs, mon séjour au Canada a renforcé ma confiance en moi aussi bien sur le plan personnel que sur le plan professionnel. Particulièrement, les cours sur le développement personnel ont eu un impact sur la gestionnaire que je suis devenue, plus à l’écoute et plus sereine. Il s’avère que grâce à mon diplôme j’ai élargi mon domaine d’intervention, ce qui m’a permis à mon retour d’envisager un changement de carrière et de m’ouvrir à d’autres horizons.
Le poste que vous occupez actuellement fait de vous un modèle pour les femmes en général et plus particulièrement pour les jeunes filles, comment vivez-vous avec cette nouvelle célébrité ?
Actuellement, je suis directrice de cabinet du ministre de la Promotion de la bonne gouvernance et de la Lutte contre la corruption, seulement 10% de femme occupe ce poste au sein de l’administration gouvernementale. Je me sens en effet privilégié de cette marque de confiance de la part des décideurs.
Il s’agit d’un travail exigeant, mais avec de l’organisation et la gestion participative, je parviens à traiter mes dossiers et atteindre mes objectifs.
Je suis souvent la seule femme dans des réunions de haut niveau, j’ai toujours pris cela comme un avantage. D’abord parce que j’apprends beaucoup, mais également avec l’expérience je sais que dans une discussion il n’y a pas de mauvaise intervention, bien au contraire la diversité d’opinion enrichit le débat. Donc j’assume parfaitement mes points de vue.
Certes, il existe encore des inégalités entre les deux sexes. Cependant, je dirai aux jeunes filles de se faire confiance. Le secret de la réussite c’est la formation. Apprendre libère des plateaux de verre. Malgré les obstacles, la compétence finit toujours par trouver son chemin.
Que représente pour vous le PCBF, le programme de soutien financier aux étudiants francophones, mis en place par le gouvernement canadien ?
Le gouvernement du Canada à travers le Programme canadien de bourses de la Francophonie contribue de manière très concrète au leadership en Afrique, pour ne citer que le continent. Le PCBF ne permet pas seulement de jouir d’une formation diplômante dans les meilleures conditions, mais il donne l’opportunité d’ouvrir une fenêtre sur le monde et d’y vivre, ainsi voir et envisager de faire les choses autrement pour le développement de son pays. J’espère très sincèrement que ce programme va se poursuivre, car il mise sur l’essentiel à savoir le capital humain. Je souhaite que d’autres personnes puissent être aussi chanceuses que moi. C’est juste incroyable, des retombées dont j’ai pu bénéficier moins d’un an après mon retour au Gabon.
J’adresse mes sincères remerciements au gouvernement du Canada pour l’investissement qu’il met sur nos modestes personnes, et toute ma reconnaissance à l’endroit de l’équipe du PCBF pour ce sentiment d’appartenir à une grande famille internationale. PCBF un jour, PCBF toujours !
Comment s’est déroulé votre passage à l’ENAP ?
J’ai repris mes études, 20 ans après la Fac. Autant dire que j’avais beaucoup d’appréhensions, parce que je me suis remise dans la peau d’une jeune étudiante (rire) : le stress de la note, la remise en question sur mes capacités, les règles du système académique… mais très vite toutes ces inquiétudes se sont atténuées grâce à l’équipe du service des étudiants de l’ENAP et je souhaite particulièrement remercier Mme Geneviève Cantin-Chartré, une professionnelle formidable qui fait preuve d’une grande disponibilité. Le corps enseignant est là aussi pour accompagner l’étudiant tout au long de la session dans le souci de le voir réussir à son examen.
Il y a aussi la qualité des cours, des enseignements donnés, les conditions d’apprentissage, l’environnement convivial de l’école. L’ENAP ce n’est pas seulement le parcours académique, c’est également ma rencontre avec la culture québécoise. J’ai vécu des expériences uniques, de véritables amitiés se sont tissées, un collègue est déjà venu à Libreville chez moi.
Bien sûr que l’ENAP est un tournant essentiel pour ma carrière ; pour la professionnelle que je suis devenue et même la femme que je suis. Toute ma gratitude aux enseignants et à l’équipe pédagogique de cette prestigieuse École.
Qu’est-ce qui vous caractérise aujourd’hui après ce passage au Canada ?
«Adaptabilité-Flexibilité-Créativité». Tel est mon credo aujourd’hui pour poursuivre ma carrière professionnelle. Je me sens prête à relever les défis qui se présentent à moi, car la curiosité et l’ouverture d’esprit font partie de ma vision du management. Lorsqu’on prend conscience de son potentiel, on aborde les situations avec le recul du professionnalisme, on n’est plus dans l’émotion, mais plutôt dans la prise de décision.
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