La paix au Gabon n’est pas un mythe
L’index global de la paix dans le monde 2012 (Global Peace Index 2012) vient confirmer un véritable atout pour le Gabon, même si de nombreux points, et non des moindres, restent à améliorer.
Alors que les discussions vont bon train sur la démocratisation du Gabon, sur ses avancées et ses reculs en tant qu’État de droit et sur ses progrès économiques encore incertains, voire imperceptibles aux yeux du plus grand nombre, il est un indice international, et non des moindres, où le pays fait office, sinon de modèle, en tout cas de bon élève, c’est celui de la paix.
Après des années d’affichage glorieux et d’autocongratulation sur le sujet, il est rassurant de découvrir que des instances internationales indépendantes se font une image plutôt positive du Gabon. La paix, ce n’est certes pas tout, mais ce n’est pas rien !
Le Gabon reste un pays pacifique
75e sur 158 pays, le Gabon se situe certes dans la moyenne mondiale, mais en observant le détail des critères pris en comptes dans le calcul de cet indice, la situation est à la fois plutôt satisfaisante… et plutôt insuffisante suivant le point de vue où on se place. Car cet Index global de la paix dans le monde ne prend pas en compte que la paix dans l’idée de «non-guerre» mais bien la pacification globale du pays, y compris le sentiment de sécurité de ses habitants et donc le taux d’homicides ou la compétence de ses services de sécurité.
Du simple point de vue de la communauté internationale, le Gabon a progressé sensiblement depuis 2011, passant de la 81e place à la 75e et, étonnamment, le rapport affirme : «Le Gabon a connu la troisième hausse en importance pour la paix [dans la région subsaharienne], avec une baisse de l’échelle de terreur politique et une probabilité réduite de manifestations violentes, liée, en partie, à la victoire écrasante du Parti démocratique gabonais (PDG) en décembre 2011 aux élections législatives et au renforcement de la position du président Ali Bongo Ondimba.» Remarquons toutefois que cette hausse importante se traduit par une baisse de 12,13% si on se réfère à 2009 (le classement de 2009 n’indique pas grand chose puisque de nombreux pays ont été introduits par la suite dans cet index) et revient au niveau de 2007, à quelques unités près. Il faudra donc attendre l’index 2013 pour savoir si cette progression correspond à une évolution réelle ou s’il ne s’agit que d’un retour «à la normale» après 3 années d’élections contestées.
Alors que l’Afrique subsaharienne perd, enfin, sa première place de région la plus conflictuelle dans le monde (au profit du Moyen-Orient et de l’Afrique du nord), la Gabon se classe à la 14e place sur 43 pays en Afrique, ce qui est tout de même un score enviable. Devant lui, on trouve, dans l’ordre, le l’Île Maurice, le Botswana, le Mozambique, la Namibie, le Ghana, la Zambie, la Sierra Leone, le Lesotho, La Tanzanie, le Burkina Faso, Djibouti, le Malawi et la Gambie. Derrière lui, tous les autres, y compris l’Afrique du Sud, mais surtout, tous les pays d’Afrique centrale.
Une violence interne plus élevée que la moyenne et qui se dégrade
Le plus intéressant dans ce rapport est la mesure des divers critères qui sont pris en compte pour établir ce classement. Pour certains d’entre eux, le Gabon est un vrai champion de la paix : Les importations et exportations d’armes, les actes terroristes, les morts consécutifs à une guerre civile ou à des conflits internes, les personnels de service armés, les personnes déplacées, la participation à des conflits militaires et les morts lors de conflits extérieurs sont inexistants ou négligeables.
Même constat, à peine dégradé, pour le taux de population incarcérée, les expéditions militaires, la participation aux forces de paix de l’ONU et l’équipement en armes lourdes. Cela se dégrade un peu avec les crimes violents et les relations avec les pays voisins, la «terreur politiques» (en fait nous appellerions plutôt cela en français “répression politique”) et l’instabilité politique, qui restent tous, toutefois, dans la bonne moitié de la moyenne mondiale.
C’est moins glorieux, et c’est évidemment sur ces points que de gros efforts restent à faire, pour ce qui est du sentiment de sécurité des populations, de la fiabilité des officiers de sécurité et de police et en particulier de leur faiblesse face aux forces militaires de la Garde républicaine, de l’accès aux armes, des risques inhérents aux conflits internes, des démonstrations de violence et des capacités militaires (bien que cet indice soit très dépendant du fait qu’il en soit fait usage ou non). Le plus mauvais point est clairement, pour le Gabon, le taux d’homicides, d’autant que cet indice s’en très fortement dégradé depuis 3 ans.
Il est important de préciser que ces indices tiennent compte de la réponse judiciaire dans le pays et que c’est sur ce point précisément que le Gabon est défaillant au vu des indices les plus négatifs : sentiment d’insécurité, manque de confiance dans la police, homicides…
Des notions à manipuler avec précaution
Alors, certes, le Gabon est plus pacifique que ses voisins, certes, c’est un pays qui a moins de chance que d’autres de devoir subir un conflit armé ou de connaître les affres de la guerre civile, mais personne n’aura oublié que ce qui fut le slogan principal des 10 dernières années du règne de feu Omar Bongo Ondimba, n’a pas été suffisant pour donner au pays l’abondance et le niveau de vie que sa population est en droit d’exiger. La paix sans la nourriture, c’est à dire sans le travail, sans l’indépendance énergétique et agricole, sans la santé et la liberté d‘expression, sans la réduction des écarts de fortune entre les plus riches et les plus pauvres, reste un acquis très fragile.
Tandis que les partisans du pouvoir annoncent des jours meilleurs, bientôt, que les opposants durcissent leur discours et dénoncent une «dictature sanguinaire», tous ces rapports indépendants, qu’ils soient économiques, sociaux ou politiques, nous montrent une réalité beaucoup plus timorée, ni tout à fait catastrophique, ni vraiment glorieuse, dont on sent bien, pourtant, qu’il ne faudrait pas grand chose pour basculer d’un côté ou de l’autre. Un «pas grand chose» qui semble si mystérieux à nos hommes politiques de tous bords que personne ne répond au cri, pourtant puissant et persistant, de tout un peuple qui se sent fragile, exposé et au bord de la déchéance sur bien des sujets existentiels. Au point qu’on se demande si, parmi eux, il en existe quelques uns qui ont le sens de l’État, le sens du devoir, ou simplement le sens de la compassion.
Le GPI est le premier indice international de mesure de la paix dans le monde, conçu par l’Institute for Economics and Peace (IEP – Institut pour l’économie et la paix). Il évalue les conflits internationaux et nationaux actuels, les niveaux de sûreté et de sécurité dans la société, ainsi que le militarisme, au sein de 158 pays, en tenant compte de 23 indicateurs distincts. Les améliorations de l’Échelle de la terreur politique (qui mesure les niveaux de violence et de terreur politique) et les progrès de plusieurs indicateurs du niveau de militarisme (les six des pays ayant effectué les dépenses militaires les plus élevées – Brésil, France, Allemagne, Inde, Royaume-Uni et États-Unis – ont tous réduit leur budget alloué à la défense en 2011) résultant des restrictions du budget de la défense liées aux mesures d’austérité ont été les deux facteurs principaux qui ont contribué à rendre le monde plus pacifique en 2012, selon le dernier Global Peace Index (GPI 2012). Cela inverse la tendance des deux années précédentes, durant lesquelles le GPI avait indiqué un déclin de la paix mondiale. Selon les estimations, si le monde avait été totalement en paix, l’apport à l’économie mondiale aurait été de 9 000 milliards USD au cours de l’année dernière (ce qui correspond à la taille combinée des économies allemande et japonaise).
16 Commentaires
Ah, ça ! Je souscris totalement à la conclusion de cet article et ça me rappelle un autre article du même auteur : https://www.gabonreview.com/blog/le-gabon-a-t-il-les-hommes-politiques-quil-merite/
Dans un si petit pays, comment fait-on pour être si médiocres ?
La paix, c’est bien. On peut se faire tuer pacifiquement dans ce pays. Ca rassure…
Voyez-vous, c’est comme lorsque votre enfant rentre du college ou du lycee avec son bulletin semestriel. Selon l’ambition que vous avez pour lui et le niveau auquel vous pensez qu’il devrait pretendre.
Certains parents sont parfois heureux de savoir que leur enfant passe en classe superieure avec une moyenne de 09,60/20, et disent fierement qu’il est passe avec un « neuf fort ». D’autres parents, plus exigents ou plus ambitieux, diront qu’ils sont decus parce que leur rejeton n’est que 6e de la classe avec une moyenne de 16/20 alors que le premier a 16,75/20.
Le Gabon est classe 75e sur 158 pays. Et chacun, en fonction de son niveau d’exigence peu apprecier differement ce classement qui en soit n’est pas contestable.
Mais la question de la paix n’a jamais ete evoquee autrement au Gabon qu’en terme de preservation de celle-ci. Nous avons, depuis l’independance herite d’un pays en paix. Il n’y a aucune contestation de nos frontieres par nos voisins. Il n’existe aucune tentation separatiste dans le pays. Ces deux aspects qui sont les principaux facteurs de conflit dans les pays ayant la meme histoire et la meme structure que notre pays.
Par contre, et le rapport semble le confirmer, le probleme du Gabon est celui de la democratie et de la liberte d’expression qui sont facteurs de paix interieure.
Vous avez tout à fait raison.
Et que dire de ces commanditaires de ‘crimes rituels’, qui sont protégés, et qui narguent quotidiennement les familles de leurs victimes ?
Quand le peuple souffre en silence, est-il vraiment en paix ?
On peut se féliciter de la stabilité de notre pays par rapport aux autres régions à travers l’Afrique et le monde, cependant soyons conscient que cette stabilité est due en grande partie aux consciences politiques et humaines des gabonais.
En d’autres terme, les gabonais sont des gens plus ou moins pacifiques, n’aimant pas la violence pour se faire comprendre, préfèrent des marches pacifiques et des recours en justice pour se faire entendre.
Mais je me dis souvent, est ce que cette stabilité (paix) que nous jouissons est elle certaine à long terme? ma réponse est plutôt pessimiste.
Car comme le dit un proverbe « on peut tromper le peuple un moment, mais on ne pourra pas tromper le peuple à tout moment » illustre bien m’a pensé que si les autorités qui nous gouverne n’installent pas au plus vite la démocratie dans notre pays, on risque de se retrouver dans une situation politique de type Côte d’Ivoire!
Les pays en Afrique dont le risque d’instabilité politique pour moi reste très faible sont les pays comme le Botswana, le Ghana, l’Île Maurice dont la démocratie est confirmée.
la paix ne saurait exister sous la peur meme de de reclamer ses droits
L’absence de guerre n’est pas synonyme de paix!!!
C’est une très juste remarque, et je regrette que l’article n’ai pas commencé par lister tout ce qu’on peut mettre derrière le mot paix.
« La paix la paix la paix. Est ce qu’on mange la paix? » J’entend encore cette femme à un meeting le crier si fort..
On appelle cela une paix déguisée; aucune réelle paix dans les âmes des Gabonais qui souffrent en silence! Une paix dans la terreur. La dictature, c’est la paix, diront certains. En Corée du Nord, à part l’éternelle querelle avec les frères du Sud, posez la question aux citoyens de ce pays et ils vous diront, malgré eux(sous la terreur), que tout va bien, grâce, évidemment, au guide éclairé Kim Jon Un. Est-ce cela la paix qu’on veut au Gabon? C’est quoi réellement une paix dans la terreur et l’intimidation comme au Gabon?
J’ai parfois le sentiment que certains ne lisent pas l’article avant de commenter… Ou alors qu’ils oublient ce qu’ils ont lu au moment d’écrire. Je vous trouve un peu outrancier, ou peut-être inconscients lorsque vous comparez le Gabon avec un pays en guerre… Comme si vous n’aviez aucune idée de ce qu’est la guerre. Moi j’ai connu la guerre, à Dolisie en 1998. J’étais adolescente et j’ai passé de longues semaines dans la forêt, terrorisée par les bruits de la nuit, les bombardements lointains, le son des hélicoptères de combat, le crépitement des armes automatiques. J’ai vu tomber des amis, des parents… je porte encore des cicatrices qui me rappellent le calvaire de ceux que j’aimais. Alors aujourd’hui, j’apprécie de vivre dans un Gabon en paix.
Ça ne me fait pas oublier tout ce qui ne va pas, la justice partiale et vendue, la vie chère, la parole parfois étouffée (mais pas tant que ça, vous en êtes la preuve) et les souffrance de ceux que je croise dans la rue. J’ai la chance de vivre dans un quartier résidentiel, mais mes amis sont aux Akébé, à Nzeng Ayong, au PK5… Je veux, comme vous, voir le Gabon devenir ce qu’il devrait être depuis longtemps et je n’ai aucune confiance dans les promoteurs de l’émergence. Mais j’ai du mal à vous trouver crédibles avec vos diatribes insensée comme comparer le Gabon à la Corée du Nord. Avez vous même la moindre idée de ce que c’est que de mourir de faim ?
En lisant cet article, j’y ai vu ce que vous éclipsez : une critique forte des conditions de sécurité dans le pays, des forces de l’ordre corrompues, de la justice achetée. Mais je sais aussi que de pouvoir laisser ma fille aller à l’école sans me demander si elle sera encore en vie le soir, même si pour cela je ne la laisse pas traîner seule dans la rue, est un luxe que je n’échangerait pour rien au monde.
Un peu de mesure vous crédibiliserait je crois. Pour le moment, vous me faites l’effet d’extrémistes plus que de militants raisonnables. Sans vouloir vous vexer, car je suis bien souvent d’accord avec vous CLG par exemple, mais là vous allez trop loin.
merci lisiane ,
merci de nous remettre sur les rails. je ne supporte plus la condescendansce avec laquelle les gabonais ont tendance a se dénigere. on a un serieux probleme d’appréciation et avant j’étais aussi de celles qui se plaiganit de tout et de rien. aujourd’hui je commence a apprécier. avant je relativisais la guerre et pour moi le gabon n’était pas enviable jusqu’a ce qu’un ami congolais me dise de ne jamais souhaiter la guerre dans son pays. il m’a relaté un peu ce qu’il a vecu et des lors je ne parle plus comme ca. j’ai mon conjoint ivoirirn qui encore aujourd’hui a des fois des cauchemars par les coups de balles quil avait entendues a abidjan et quil pensait que c’était des bandjers. je trouve que le trois quart du temps les gabonais sont immatures. il faut arreter cela et merci de nous avoir partagé une parcelle de ta vie. dieu garde le gabon
Lisiane, ma critique n’est pas une comparaison entre le Gabon et les pays en guerre ou la Corée du Nord. Il ne s’agit pas d’une comparaison, mais d’une illustration qui permet de faire attention à l’analyse qu’on doit faire de la situation de paix relative qui prévaut Gabon.
Nul besoin de rappeler que personne ne souhaite vivre la guerre au Gabon comme d’autres l’ont vécu ailleurs. Je suis le premier qui compathie avec toute personne sur cette terre ayant vécu la guerre et l’oppression. C’est justement parce que nous ne souhaitons pas nous rendre à ce niveau que nous demandons aux politiciens verreux qui pillent le Gabon de ne point s’asseoir sur la fameuse paix pour continuer à se foutre de ce même peuple qu’ils trouvent bien paisible. Au fond, ils sont bien contents que le peuple gabonais soit paisaible et ne revendique rien; ce qui leur permet de continuer à se servir avec impunité des ressources qui appartiennent à tous.
L’exemple de la Corée du Nord permet de démontrer qu’un peuple asservi, humilié, bailloné par une dictature peut très répondre à un sondage que tout va bien et que le pays est en paix. Qu’est-ce ce que cela signifie? Que vaudrait une telle « opinion » du peuple lorsqu’on sait c’est quoi la réalité dans ce pays? Bref, c’est une analogie, et non une comparaison systématique; elle permet de prendre avec un grain de sel ou de porter un regard critique sur certaines éloges de notre fameuse « paix » au Gabon.
L’article peut contenir des lignes plus critiques sur « les choses à améliorer », il n’en demeure pas moins que son titre laisse entrevoir certaines interprétations dont je suis contre. Pour moi, la paix au Gabon est toute relative et l’absence de guerre ne signifie pas automatiquement qu’il y a la paix. Donc il y a un certain mythe (pas un mythe certain) dans la notion de paix au Gabon.
la paix, je suis d’accord avec CLG est une notion tout à fait relative.si elle peut se définir d’une certaine manière comme l’absence de guerre, elle ne se limite pas à cela car ce serait voir les choses de manière étriquée! Peut-on dire qu’on soit en paix quand on est frustré parce que on a fait des études et qu’on chôme ou qu’on n’est pas rémunéré à la hauteur de ce qu’on vaut? qu’on ne peut manger à sa faim ou se loger décemment?quand on vit dans un pays où on fait la promotion des cancres au détriments de la compétence? où il y a une justice partiale exercée à double vitesse? en somme où la plus grande majorité du peuple croupit dans la misère alors que les richesses du pays ne profitent qu’à une infime partie de personnes, toujours plus assoiffées d’argent?le peuple gabonais est un peuple pacifique, mais faudrait par que les dirigeants là qui asservissent les gabonais nous prennent pour des ploucs!Il vaut mieux ne pas réveiller le chat qui dort! ils gagneraient de ce fait à corriger toutes ces inégalités qui n’ont que trop perduré!
N’est ce pas ce que dit l’article ?
Mr Lemaire, nous sommes en communications média. Vous savez très bien que le titre pèse lourd dans un article. Je vous fais pas la leçon, car je sais très bien que vous le savez mieux que plusieurs d’entre-nous les internautes.
Dans ce cas d’espèce, le titre porte à interprétations. Ne soyons pas étonnés que les réactions portent surtout vers la prétention de ce titre, même si l’article prend certaines tournures pour relativiser. Il demeure que plusieurs vont croire que effectivement, la paix au Gabon n’est PAS mythe et pourtant, elle contient, au mieux, un certain mythe; ce qui fait qu’une affirmation comme celle du titre fait réagir, parfois fortement.