Crise au Barreau : Gisèle Eyue clame son innocence
Apres la charge du bâtonnier, Maitre Gisèle Eyue a réagi le 16 novembre au sujet du report de la prestation de serment d’une trentaine de jeunes avocats. Estimant avoir été maladroitement jetée en pâture, elle a retourné le tort à Lubin Martial Ntoutoume pour n’avoir pas communiqué les pièces sollicitées.
Un jour après avoir été accusée d’être responsable du report de la prestation de serment d’une trentaine d’avocats, du fait d’une requête déposée au Conseil d’Etat, Gisèle Eyue a livré sa version des faits, le 16 novembre. Dès sa prise de parole, l’avocat a précisé qu’elle a une parfaite connaissance de règles essentielles de son métier et son doctorat en droit lui assure une certaine aisance dans ce champ de compétences.
Restituant les choses dans leur contexte, Gisèle Eyue a relevé avoir reçu, le 28 septembre, comme ses confrères, une lettre du bâtonnier informant les avocats du report de la conférence des barreaux, l’inscription sur le petit tableau de plusieurs postulants et le report de l’Assemblée générale élective, sous réserve de la levée de la mesure de l’Etat d’urgence sanitaire.
Ayant constaté que la date de la convocation approchait, l’avocate a entrepris d’écrire au bâtonnier afin de solliciter les décisions. Malheureusement, elle n’a pas eu de réponse. C’est ainsi qu’elle a décidé d’introduire une requête d’heure à heure aux fins de communication de la décision du Conseil d’Etat et de la décision du Conseil de l’ordre, statuant sur l’admission en stage.
Partant de cette précision, maitre Gisèle Eyue estime que «contrairement aux allégations du bâtonnier et de certains confrères, elle n’a jamais réclamé une quelconque délibération du Conseil de l’ordre mais plutôt une décision». Quelques jours après sa saisine, une audience a été programmée par le Conseil d’Etat le 4 novembre. Par l’entremise du secrétaire général de l’ordre, maitre Tony Minko, le bâtonnier a sollicité un renvoi par écrit, conformément aux articles 143 et 144 du Code des juridictions.
Ne pas permettre de fouler la loi au pied
Après des brèves plaidoiries, le Conseil d’Etat a mis l’affaire en délibéré au 5 novembre. Advenue à cette date, la juridiction a ordonné le renvoi au bâtonnier, reçu la constitution de ses avocats et ordonné à titre conservatoire le report de l’audience de prestation de serment, en application de la délibération du Conseil de l’ordre dont notification était sollicitée.
À la suite de toutes ces précisions, pour expliquer sa démarche, l’avocat a préféré se servir de ces trois questions : un avocat inscrit au barreau peut-il demander au bâtonnier la communication de la décision admettant les postulants en stage? Un avocat qui se heurte à un refus explicite ou tacite de communication d’une décision du Conseil de l’ordre peut-il saisir la juridiction administrative? Cette juridiction peut-elle ordonner le report de la cérémonie de la prestation de serment des postulants à la profession d’avocat?
Gisèle Eyue assure que l’article 65 de la loi de 2015 alinéa 2 permet à «tout avocat intéressé de se voir communiquer la dite décision». Mieux, a-t-elle insisté, «l’article 23 de la même loi relève que les décisions du Conseil de l’ordre statuant en matière d’admission en stage, à un caractère administratif. Par conséquent, elle est susceptible de recours devant le Conseil d’Etat». S’agissant de la décision de la juridiction administrative, l’avocat soutient que la «réponse est contenue dans l’article 145 du Code de juridictions administratives».
Par conséquent, «prétendre que le Conseil d’Etat a prononcé, à titre conservatoire, le report de la prestation de serment des postulants sans qu’une demande ne fut formulée en ce sens, c’est faire preuve d’une méconnaissance totale des réalités factuelles, juridiques du dossier». S’agissant du fond de son recours, Gisèle Eyue précise avoir demandé le sursis à l’exécution de toutes les décisions sollicitées. «C’est donc à tort que le bâtonnier affirme le contraire», a lancé l’avocat, avant de se prononcer sur la qualité des candidats retenus.
Elle soutient en effet que «certains d’entre-eux n’ont pas le diplôme de master ou maitrise en droit ou un diplôme jugé équivalent, tel que défini par l’article 2 du règlement intérieur. Par ailleurs, aucune enquête de moralité n’a été effectuée par la DGR comme l’a désormais décidé une décision du Conseil de l’ordre. Aucun cabinet d’accueil n’a été visité par les membres du Conseil de l’ordre. Certains avocats ayant moins de 5 ans au grand tableau ont présenté des postulants. Certains dossiers de postulants n’ont pas été examinés alors qu’ils ont également le profil pour devenir avocat». «Tous ces manquements graves aux dispositions légales, nécessitent qu’on s’y attarde et que le Conseil d’Etat puisse exercer son contrôle», a insisté l’avocat qui s’interroge : «Pourquoi le bâtonnier ne veut-il pas communiquer les décisions demandées ? Que cachet-il?» admettant que ces jeunes postulants ont longtemps attendu, avant de prêter serment, Gisèle Eyue estime que cette raison n’autorise pas de ne pas respecter la loi qui leur permettra de devenir avocat.
La désignation d’un bâtonnier intérimaire
Reconnaissant également que le marché a besoin de nouveaux avocats, Gisèle Eyue assure que seule la loi doit guider la profession. «Le barreau est une institution qui se veut forte et solide à l’instar de la magistrature. Les nouveaux avocats doivent être admis dans le strict respect des conditions prévues par la loi et du règlement intérieur du barreau du Gabon. Il ne suffit pas de passer plusieurs années dans un cabinet d’avocat pour devenir juriste comme tente de le dire le bâtonnier», a-t-elle insisté. Car, «respecter les dispositions susmentionnées est une nécessité et une exigence impérieuse pour un barreau fort, efficace et prospère. Un barreau qui répond aux nombreux défis auxquels la profession est confrontés quotidiennement afin de contribuer, de manière objective à la réalisation de la justice au Gabon. Nous ne pouvons pas nous permettre de fouler la loi au pied quand par ailleurs, nous exigeons son respect dans les prétoires».
Gisèle Eyue ne craint pas de se présenter devant le Conseil de discipline, comme l’a suggéré le bâtonnier. Elle estime avoir exercé «un droit légitime, le droit à l’information» et a promis de se «défendre avec ses moyens», tout en relevant qu’en «deux ans, aucun conseil de discipline ne s’est jamais réuni alors que plusieurs plaintes contre les confrères indélicats sont pendantes au parquet et malgré la saisine du bâtonnier, il n’y a jamais répondu».
Pour conclure, maitre Gisèle Eyue affirme qu’elle n’a jamais «empêché les 32 jeunes de prêter serment» car «elle n’a pas les moyens de le faire». Si le «bâtonnier avait communiqué les pièces et s’il n’avait pas ajouté à l’arrêt du Conseil d’Etat la mention sous réserve de la levée de la mesure de l’Etat d’urgence sanitaire, nous n’en serions pas là». Elle a par ailleurs exprimé une crainte sur la prochaine Assemblée générale élective du 24 novembre. «Nous nous acheminons vers une crise qui nécessité la désignation d’un bâtonnier intérimaire, vu que Lubin Ntoutoume n’a pas pu convoquer les avocats au plus tard le 24 octobre 2020, conformément à l’article 59 de la loi de 2015», a lancé l’avocate.
2 Commentaires
« Son doctorat en droit lui assure une certaine aisance dans ce champ de compétences »
On vous a dit que quand on docteur on est forcement competent ?
Gardez vous de telles affirmations grotesques.
Ça se saurait si tous nos docteurs étaient competents. On en verait les effets dans nos universités, nos centres de recherches et nos hopitaux.
Nous sommes fatigués de ces titres ronflants (au propre comme au figuré) qui ne nous servent à rien, ou mieux qui ruinent nos vies et celles de nos enfants.
Et vue la légerté avec laquelle Mme le Docteur a géré ce dossier, permettez moi de douter de ses « compétences »