12 milliards de FCFA de perte sur l’autre gisement de fer du Gabon
Secrétaire général du Collectif des opérateurs économiques acheteurs et exportateurs des rebuts métalliques (COEAERM), Rodrigue Iloumbi dénonce un certain je-m’en-foutiste et mainmise des Indiens des ’’Chaudronneries du Gabon’’ sur la filière des rebuts ferreux et non ferreux. Voyant son activité menacée, il décline les tenants et aboutissants d’un dossier qui comporte de gros enjeux financiers et de nombreux emplois supprimés.
Gabonreview : Interdiction d’exporter les rebuts ferreux et non ferreux en République gabonaise. Mais encore ? Quelle est cette mesure et de quoi s’agit-il ?
Rodrigue Iloumbi : En août 2013, l’Etat gabonais, par l’entremise du ministère de l’Economie, a pris un arrêté portant interdiction de l’exportation des rebuts ferreux et non ferreux en République gabonaise. Aux dires des autorités, cet arrêté visait deux objectifs. Le premier était d’assainir le secteur et d’avoir une idée précise des activités de chaque opérateur. Le second était de sécuriser les ressources valorisables pour les industries locales. Après la publication de cet arrêté, nous nous sommes rapprochés des autorités afin de discuter des modalités d’exportation des déchets ferreux non valorisables. Car nous avons eu vent de ce qui s’est passé au Cameroun et au Congo, où les industries qui avaient l’exclusivité du marché ne valorisaient que des chutes de ferraille au détriment d’alliages spéciaux comme les blocs de moteur. Tout en saluant l’initiative du gouvernement, qui garantissait le développement de l’industrie locale, nous voulions cependant nous assurer que l’interdiction d’exportation ne frapperait que les alliages valorisables.
C’est sur cette base qu’un accord a été conclu avec le gouvernement. Nous étions pour l’assainissement du secteur. Partant de là, un nouvel arrêté a été pris pour définir les conditions effectives d’exportation et de développement des activités liées à la collecte, à l’achat et à l’exportation. Nous nous sommes donc conformés aux dispositions de ce nouvel arrêté et nous avons obtenu des agréments techniques, condition sine qua non au développement des activités. Alors que la filière comptait 600 emplois directs et 300 indirects, soit 900 emplois pour une soixantaine d’entreprises, nous avons, par ailleurs, rappelé aux autorités que si elle n’était pas structurée, elle s’effondrerait. Naturellement, elles nous ont fait savoir que ce n’était pas leur souhait.
Qu’est-ce qui vous courir alors ?
Près d’un an après l’entrée en vigueur de cette mesure, la filière se porte mal ! La mesure d’interdiction des exportations a contraint plusieurs entreprises du secteur à cesser leurs activités. Face à ce constat, nous nous sommes rapprochés des autorités, en janvier dernier, qui nous a assuré que l’industriel, Les Chaudronneries du Gabon, devait commencer les campagnes d’achat. Nous nous sommes donc, une fois de plus, retrouvés avec le gouvernement pour définir les modalités d’achat. Car, pour nous, le prix du fer dépend de la collecte, du pesage, de l’empotage, du transport et du stockage. Sur cette base, nous avons également signifié que le prix du fer est intimement lié aux cours international et sous-régional du marché.
Par ailleurs, l’industriel ayant obtenu l’exclusivité de l’achat de la ferraille valorisable, nous souhaitions également savoir de quel type de ferraille il avait besoin. «De tout type», nous avait-il assurés. Or, aujourd’hui, les faits prouvent le contraire, plusieurs cargaisons de ferraille nous ayant été retournées. Les fours des Chaudronneries du Gabon, dans leur configuration actuelle, ne peuvent valoriser les alliages spéciaux comme les moteurs, mais uniquement de la simple ferraille. Pire, pour se faire une idée de l’impact de cette mesure sur nos activités, il faut se dire que sur une période de 11 mois, nos pertes sont estimées à 12 milliards de francs dont 1/3 serait revenu à l’Etat aux titres de taxes et impôts. Un montant très largement supérieur au chiffre d’affaires réalisé par les Chaudronneries du Gabon.
Quelles actions envisagez-vous face à cet état de fait ?
Notre souhait est que soit levée la mesure d’exportation. Du moins des alliages spéciaux qui ne peuvent être valorisés par les Chaudronneries du Gabon. Car, à la longue, il arrivera que l’industriel exporte les alliages qu’il ne peut valoriser sur place, s’appropriant ainsi notre activité. Nous ne sommes pas contre la réglementation mise en place par l’Etat, mais nous disons que celle-ci doit tenir compte du droit du commerce. Sinon cela reviendrait à nous spolier et nous priver de nos emplois, comme c’est déjà le cas. En parlant d’emplois, le gouvernement nous avait assuré que l’industriel, entendez les Chaudronneries du Gabon, embaucherait des Gabonais. Vous serez surpris de savoir qu’il n’y a aucun Gabonais en poste dans cette entreprise, mais uniquement des Indiens.
Nous avons donc adressé une correspondance au ministre du commerce dans laquelle est décliné l’ensemble de nos activités. Et si rien n’est fait, nous comptons nous attaquer aux arrêtés qui ont été publiés qui, sont faussés dans leur esprit, car les exigences sont les mêmes pour l’ensemble des opérateurs de la filière, alors que ceux-ci ne sont pas au mêmes niveau. Nous entendons également suspendre l’approvisionnement à l’industriel en métaux valorisables.
De plus, nous assistons à une violation par l’industriel, de l’injonction des pouvoirs publics. Lors de notre dernière réunion avec le ministre, nous nous sommes entendus sur le fait que les campagnes d’achat ne démarrent pas avant que ne soient rendues les conclusions des commissions techniques sur les modalités de vente. Et alors que ces commissions ne se sont pas encore réunies, l’industriel s’est permis de lancer les campagnes d’achat. A compter de la semaine prochaine, nous comptons lancer un certain nombre d’action pour interpeller le gouvernement sur les dysfonctionnements de cette filière porteuse.
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