Le dispositif anti-délinquance financière se renforce : après la Cour des Comptes que préside Gilbert Ngoulakia depuis 1991, après l’Agence nationale d’Investigations financières (ANIF) que dirige Patrick Assélé Ondjiani depuis près de quatre ans, et après la Commission nationale de Lutte contre l’Enrichissement illicite (CNLCEI) que dirige Alexandre Odounga Awassi depuis 2013, le Conseil supérieur de la Magistrature vient de créer, lors de sa dernière session, le Tribunal Spécial de Lutte contre la délinquance financière et économique !  

Sidonie-Flore Ouwé, ex-Procureur de la République. © D.R.

Sidonie-Flore Ouwé, ex-Procureur de la République. © D.R.

 

«Il est vrai que pour interpeller, arrêter et incarcérer tous les détourneurs de deniers publics que compte le Gabon, il en faut, des institutions !», ironise un haut magistrat en service au Conseil d’Etat. On peut être surpris de la création d’une telle avalanche d’institutions chargées de traquer et de mettre hors d’état de nuire les délinquants en col blanc, ces auteurs de crimes économiques et financiers qui font si mal au pays ; une criminalité au sujet de laquelle l’ex-président de la CNLCEI (2008-2013), Vincent Lebondo-Le Mali, avait révélé, en 2011, que la corruption, les détournements de fonds publics, l’enrichissement illicite coûtaient, au bas mot, 500 milliards de francs CFA chaque année aux caisses de l’Etat ! Fallait-il en rajouter ou simplement «améliorer l’existant» ? En tout cas, le dernier Conseil supérieur de la Magistrature, présidé par Ali Bongo le 24 août dernier, a désigné Sidonie-Flore Ouwé comme Procureur de la République auprès de cette instance.

Sidonie-Flore Ouwé Itsiembou Koumba, Procureur auprès de ce Tribunal Spécial

Si l’on en croit donc le communiqué final de la dernière réunion du Conseil supérieur de la Magistrature, c’est Steeve Ndong Essame Ndong, jeune magistrat de 34 ans, qui est le nouveau Procureur de la République au Tribunal de Première Instance de Libreville. Il remplace Sidonie-Flore Ouwé, qui va dorénavant servir dans le nouveau Tribunal sus-cité. L’on en est à se demander si cette nomination est une promotion pour la «Dame de Fer» de la magistrature gabonaise, ou une réduction de ses pouvoirs. D’une manière générale, dans l’opinion, on croit savoir que son «portefeuille d’interventions» est fortement réduit, car il ne va se concentrer que sur les crimes économiques et financiers, alors qu’auparavant, son portefeuille était tout de même beaucoup plus large.

Parce que Sidonie-Flore Ouwé, 44 ans, a mené tous les combats. Contre les hommes politiques d’abord. Elle avait, par exemple, signé l’interdiction de sortie du territoire d’André Mba Obame en 2011 après son départ du siège du PNUD au moment où celui-ci voulait aller se soigner en Afrique du Sud d’une hernie discale. Depuis les années Emergence, elle a interdit de sortie du territoire les adversaires du pouvoir, notamment les anciens Premiers ministres Jean Eyéghé Ndong et Casimir Oyé Mba, Jean Ping, l’ancien chef de la diplomatie gabonaise et ancien président de la Commission de l’Union africaine, l’opposant Pierre-André Kombila et les responsables de la société civile Annie-Léa Méyé et Marcel Libama. Elle a également fait convoquer Paulette Missambo poursuivie sur la question relative au forage des puits dans le département de Mulundu qui devait être réalisé lors des fêtes tournantes de l’Indépendance. Ensuite, lorsque, comme Jean Ping, en janvier dernier, était l’objet d’une agression, l’ancien porte-parole du mouvement étudiant dans les années 90 considérait que c’est l’opposant qui était fautif parce que l’ancien vice-Premier ministre avait, selon elle, «usé d’agressions volontaires et de séquestration» sur une quinzaine d’individus. Avec elle, la légitime défense n’existe pas.

Contre les étudiants enfin. Les condamnations et humiliations d’étudiants font également partie du menu de ses actions au Tribunal de Libreville. Plus que son prédécesseur Jean-Bosco Alaba Fall, Sidonie-Flore Ouwé aura été, pour un grand nombre d’observateurs, un véritable «père fouettard», «le procureur de la répression», «le symbole de la partialité de la justice gabonaise». Son départ du Parquet de Libreville a dû faire plaisir à plus d’un, et notamment d’abord parmi les membres de sa corporation qui la jugeaient un tantinet condescendante… Jeudi et vendredi derniers encore, dans certains bureaux du Tribunal de Libreville, et notamment au Parquet, beaucoup de ses collègues parlaient de cette éviction avec une joie non dissimulée. A sa décharge, certains observateurs reconnaissent le rôle qu’elle a joué dans la sensibilisation des éléments de la Police judiciaire et des commissariats pour le respect des droits des personnes interpellées et/ou gardées à vue. Elle s’est battue contre les actes de torture dans les services de Police et de Gendarmerie. Et, il faut le reconnaître, c’est un bourreau de travail, une femme qui suit ses dossiers…

Sa présence quasi-hebdomadaire dans les journaux de 20-heures va lui manquer

C’est donc dans le nouveau Tribunal spécial de Lutte contre la délinquance financière et économique que cette magistrate originaire de la Ngounié va aller démontrer l’étendue de son expertise dans le domaine judiciaro-financier. Il va lui falloir définir ce qu’est un délinquant financier, ce qu’on nomme un délinquant économique. Quand bien même un grand nombre de ses amis et fréquentations pourraient être qualifiés de «délinquants financiers», «il va lui falloir, plus que par le passé, faire montre d’un peu moins de partialité pour sa propre crédibilité et pour donner à cette nouvelle structure une image d’impartialité, parce que, pour le moment, l’image qu’elle a donnée d’elle est celle d’une magistrate qui n’est là que pour défendre un bord politique quelles que soient les circonstances et quels que soient les dossiers», pense un ancien directeur général de l’Ecole nationale de Magistrature (ENM). En tout cas, ce qui semble le plus réjouir ses contempteurs, c’est que, espèrent-ils, Sidonie-Flore Ouwé va être contrainte à la discrétion, car même si ses nouvelles responsabilités lui donnent tout de même de la «visibilité», il n’en demeure pas moins vrai qu’elle sera moins exposée que dans le passé. On peut presque parier que sa présence au journal de 20-heures, presque toutes les semaines, va certainement manquer à cette femme qui adore la médiatisation, les feux de l’actualité, et qui est, à ce qu’il semble, narcissique.

 

 
GR
 

18 Commentaires

  1. lufock dit :

    beaucoup de ses ami et fréquentations pourraient être qualifiés de délinquants financiers….! attention; elle même pourrait s’en prendre des boules…

  2. Lepatriote123 dit :

    (…) Il va lui falloir définir ce qu’est un délinquant financier, ce qu’on nomme un délinquant économique. Quand bien même un grand nombre de ses amis et fréquentations pourraient être qualifiés de «délinquants financiers» (…)

    Effectivement, Maixent Accrombessi son mentor, est à la fois délinquant économique et financier pour les seuls motifs mais suffisamment condamnables à perpétuité pour séquestration de la principale caisse du Trésor public dans son bureau au palais présidentiel, prise illégale d’intérêts et participations dans les marchés publics, corruption, blanchiment et transfert illégal de fonds publics détournés par ses soins.

  3. Jean Charles mba dit :

    L’outil juridique étant un facteur de développement, cette nouvelle instance de justice rassure les populations de ce que le phénomène des crimes financiers et de la corruption sera réduit. Afin de hisser notre pays parmi celle où l’investissement étranger se fera sans crainte, la justice est l’un des piliers du président de la république dans sa vision de faire du Gabon un pays émergents en 2025.

    • TARAMEK dit :

      @Jean Charles mba,

      Je vous souhaite longue vie, et nous verrons ce que cette instance accouchera comme condamnation. Je pense plutôt qu’elle essayera de faires ses flasques car il lui faudra une prison spéciale.
      au fait, qu’a-t-on fait du rapport de l’audit financier de M. GOULAKIA de la cours des comptes? Des rapports du CNLCEI de M.Vincent LEBONDO-LE MALI? Et vous pensez que c’est machin là qui viendra tout arrangé? Pitié de vous continuez à rêver tous les autres émergents sans rien dans le ciboulot.

  4. ali dit :

    g swi content qu’une autre ethnie soit enfin procureur general de la republique mem si c un piege pr ce jeune et novice procureur general qui herite des pots cassés d’Owé com on a piégé abogue ella de la cenap afin qu’on dise:<>.
    Or,toutes les institutions citées plus haut sont dirigées par les ressortissants de la mem province.coincidence ou fait expres?jusqu’à quand?apres la douane,l’oprag,la marine marchande,le cgc,la caistab,le budget,l’economie,les affaires etrangeres,les corps habillés,c’est le tribunal et tout sont ministere qui dont detenus depuis les années 90 par cette mem province.pensez aux autres provinces.c pourquoi les autres se replient indentitairement.Ca fait 50 ans!

  5. Ken dit :

    Une juridiction de plus dans le contrôle des finances, ainsi qu’un suivi copieux de celui-ci permettra d’attirer des investisseurs pour construire notre pays

    • Iboundji dit :

      Vous enfoncez les portes ouvertes avec trop de force !!! Vous risquez d’effrayer les investisseurs qui doivent « construire notre pays ». Finalement c’est donc vrai le séidisme ne paye pas autant de mal fait aux gens pour finir dans 1 job fantôme… Avis aux amateurs !…
      Mvèng za dure alu [la pluie hâte la tombée du jour] Proverbe Fang

  6. Roberto dit :

    Un Tribunal spécial pour on lutter contre l enrichissement illicite : ce dispositif anti délinquance financière va t il s appliquer à Acrombessi et consorts ?

  7. Papangoye dit :

    1 foultitude d’institutions qui coûtent cher au contribuable gabonais et qui ne servent à rien. Les plus gros délinquants sont au sommet (Ali, Acrombessi, Louembet,Manf10, TPG et autres). Trêve de plaisanterie!

  8. kombila dit :

    Quelle est cette nouvelle manigance d’Ali ? Son pouvoir est-il agonisant ? Car, comment et pourquoi peut-il instituer une telle juridiction sachant que les siens pourraient figurer au premier rang de ceux qui risquent d’être promptement indexés ? Quelle est la crédibilité de cette nouvelle juridiction ? Par exemple, lorsqu’on interpelle à Paris un individu d’origines bénino-franco-gabonaise, poursuivi en tant que « délinquant financier », dans le cadre d’une ou plusieurs affaires de malversations financières, traitées depuis plusieurs années par les limiers de Tracfin, dont Ouwé n’a pas d’équivalent en dépit de tout son arsenal juridique et policier, les autorités judiciaires gabonaises en tête desquelles Ouwé, sont restées bouche cousue tandis que notre gouvernement dont ce n’était pas le rôle ici, se fendait d’un communiqué menaçant contre la France. A présent, tout le monde s’attend à ce que ce nouveau procureur dise tout sur cette affaire des biens mal acquis, tant ici au Gabon qu’à l’étranger ; … qu’il dise comment et pourquoi la fortune personnelle d’un concitoyen, fût-il président de la République, peut avoir atteint des sommets aussi vertigineux sans qu’il justifiât d’un passé de magnat du cacao ou du bois, ni d’un autre patrimoine financier reconnu et conséquent, composé entre autres de plantations ou d’usines industrielles ou de quelques autres sources de revenus que son salaire mensuel ? Ouwé a du blé à moudre mais ses compétences valent-elles autant que celles de ses collègues français qu’elle va devoir se confronter aussi régulièrement que possible ? En a-t-elle les moyens, puisque : a) il s’agit essentiellement ici de dire le droit et non simplement de signer un acte d’interdiction de sortie du territoire à l’encontre d’un citoyen ; b) la CNLCEI, chargée elle aussi de traquer les indélicats financiers et économiques, se torture les méninges sur ce même thème depuis des décennies, sans résultat palpable : leurs supérieurs hiérarchiques sont aussi ceux qui ont « les pieds profondément enfoncés dans la boue de l’enrichissement illicite » ? c)

  9. Bassomba dit :

    Des jeunes hommes et femmes qui ont à peine la trentaine roulent dans vx ou tx et habitent des maisons à près de 30 millions, alors qu’ils sont fonctionnaires comme moi; expliquez moi?

  10. doukdouk dit :

    Sisi, félicitation- pour la promotion, mais y voir de près, ALI aurait pu te nommer à un autre poste mais celui-ci, c’est pour te demander d’attaquer les néo opposant- C’est pour te créer des emmerdes- il croit qu’il est malin- mais à ce jeux la, sois plus maligne, commence par attaquer les MANF10 et ses amis les plus proches qui détournent- Au Cameroun, cette Cour fait très mal, car il n’y a plus des détourneurs- Regarde aussi au Trésor Public où ces véreux embêtent les operateurs économiques avec les 10% de leurs factures- car c’est aussi un moyen subtil d’extorquer l’argent pour lequel ils n’ont trimé- bonne chance. Que Dieu te garde.

  11. PATRICK dit :

    COURAGE, Dieu t’aidera , c’est un service qi te demandera beaucoup de patience, soyez vous même , je vous connais travailleuse , laisse parler les gens ,dans ce monde , l’autre est toujours mauvais , signe d’égoïsme à l’Africain, courage et va de l’avant ad Multos Annos Proficiat

  12. le Miroir de la petite émergence dit :

    out!

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