N’étant ni la Cour des comptes ni la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite, une entité de la présidence de la République a commis un cabinet basé en France et supervisé par des experts-comptables Béninois pour auditer le Trésor public. Entre mélange des genres et mise en place d’un dispositif de canaillerie financière.

© Gabonreview/Shutterstock

 

Trois semaines déjà que le Trésor public est l’objet d’un audit… presque secret. Fait étonnant, l’opération est menée par un cabinet privé. Est-ce à dire que la Cour des comptes, investie de missions de contrôle des finances publiques, a failli quant à celles-ci ? Plus haute juridiction de l’État en matière de contrôle des finances publiques, l’institution cornaquée par Gilbert Ngoulakia est, en effet et selon la Constitution, chargée de vérifier «la régularité des recettes et des dépenses décrites dans les comptabilités publiques et (de) s’assurer, à partir de ces dernières, du bon emploi des crédits, fonds et valeurs gérés par les services de l’ État ou par les personnes morales de droit public». Comment donc expliquer que ces missions constitutionnelles échoient à une structure privée ?

La stupéfaction est d’autant plus grande que selon des sources bien introduites, l’établissement chargé de cet audit est basé à Neuilly-sur-Seine en France. Immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Nanterre comme Martial Kpochan Associés & Partenaires, il a pour raison sociale KAP Sahara. Drivé par Martial Kpochan, expert-comptable et commissaire aux comptes en France et au Bénin, le cabinet serait supervisé au Gabon par un certain Gérard Fanou. À 39 ans, celui-ci est présenté par certaines indiscrétions comme un conseiller du président Ali Bongo. Ainsi, de fil en aiguille, on en arrive au cabinet présidentiel qui serait le commanditaire de cet audit irrégulier.

S’il étonne pour se substituer au travail de la Cour des comptes, l’audit en voie de conclusion au Trésor public du Gabon cache mal une entourloupette financière. À quel montant est-il facturé ? Qui surfacture et s’en met plein les poches au passage ? Dans la pratique, il est connu qu’au Gabon, on n’attribue pas un tel marché sans intérêt. Il est même arrivé que les rapports issus de ce type d’audit soient transformés en moyens de chantage envers certains décideurs. Ce qui amène à un autre questionnement : à qui les conclusions de cet audit sont-elles destinées ? Le Trésor public pourra-t-il les appliquer ? Ne finiront-elles pas comme celles livrées, en 2016, après l’audit du secteur pétrolier gabonais par le cabinet Alex Stewart international (ASI) ? Ici les conclusions permirent littéralement de faire du chantage à certaines compagnies pétrolières. Le rapport d’audit avait même fini par fâcher la Direction générale des Hydrocarbures (DGH) au point que celle-ci préconisa de repasser derrière l’auditeur international pour examiner les redressements des compagnies pétrolières.

Si l’audit d’Alex Stewart international avait été commandité par le gouvernement, celui de KAP Sahara est visiblement commandité par une main noire tapie au sein du cabinet du président de la République. N’étant ni la Cour des comptes ni la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite (CNLEIL), l’opération verse indubitablement dans le mélange des genres et outrepasse, en l’absence du chef de l’exécutif, les prérogatives du cabinet en cette période de « vacance provisoire » du pouvoir. Mais on s’achemine visiblement vers une situation presque conflictuelle puisque, selon des sources internes, la Cour des comptes devrait lancer son propre audit dans les tout premiers jours ouvrables de l’année 2019. Affaire à suivre.

 
GR
 

7 Commentaires

  1. Jean Gaspard Ntoutoume Ayi dit :

    Si le Directeur Général des Services du Trésor laisse un Cabinet privé avoir accès aux comptes de l’Etat cela constitue un faute.

    Chaque fonctionnaire est placé sous l’autorité de la loi et elle seule.

    Il revient à chaque agent du Trésor de refuser toute forme de collaboration avec ce cabinet pour que cette imposture ne prospère. Faire le contraire c’est se faire complice de cette violation de la législation financière de l’Etat.

  2. Ikobey dit :

    « effluves fripons  » comme vous y allez ! l’article n’apporte aucun fait de malhonnêteté ni d’irrégularité ! ne faites pas courir des rumeurs malveillantes. Les journalistes doivent vérifier les informations qu’ils diffusent.
    Le recours a un Cabinet privé n’est nullement une faute, et souvent une preuve d’impartialité.

    • Nelson Mandji dit :

      Donc, pour vous, la Cour des Comptes est partiale et ne sert à rien ? Pourquoi donc ne pas refuser l’audit qu’elle va entreprendre dans quelques jours au Trésor ? Pourquoi payer cher un service dont dispose déjà l’Etat ? Pourquoi ouvrir les cahiers des comptes du pays à des étrangers ? Avez-vous jamais entendu parler de l’audit du Trésor d’un pays par la Beac ou la Banque mondiale ? Il y a des limites que seuls l’es émergents franchissent. Vivement le ravin qu’on finisse avec tout ça pour recommencer dans le respect des normes et principes. Et si ce sont des béninois, cela signifie-t-il que Maixent Accrombessi continue dans ses manigances pour siphonner l’argent du Gabon ? Cette affaire soulève trop de questions. Il ne faut pas la prendre à la légère comme vous faites, cher Ikobey. Il y a bien de la friponnerie derrière ce micmac.

      • Tout fonctionne dit :

        En fait comme tout fonctionne à merveille, nul besoin de contrôle « extérieur », n’est ce pas ?
        Ceux qui en décidé de cette « mise en place d’un dispositif de canaillerie financière » auraient ils quelques doutes sur l’intégrité des dispositifs existant ?
        Et dès qu’en Gaboma on parle de Béninois, direct c’est Maixent qui se cache derrière, comme quand on parle de Nanterre c’est la France à Fric, etc.
        Tout fonctionne à merveille, on vous dit, ne touchez à rien

  3. Heinz-Levy dit :

    Quelques interrogations s’imposent chers compatriotes..
    Qui est derrière cette manoeuvre le PR n’étant pas là?

  4. Ikobey dit :

    @mandji
    Je ne connais pas le Cabinet d’Audit cité. Pour ma part, je suis favorable de faire auditer nos « honorables » institutions gabonaises par des organismes internationaux qui ne prendront pas le risque de se mouiller pour un »petit-pays-d’afrique-équatoriale-que-personne-ne-connait » .

  5. Tata dit :

    SVP ,,,, A-t-on vraiment décidé de brader le pays? Sans être juriste de formation, je constate qu’il y a vice de procédure. Comment un cabinet privé peut-il auditer un trésor public ? Comment le DG du trésor a-t-il pu accepter une telle intrusion? Et pourquoi le Bénin mon Dieu? Je regrette le temps de Ngari… Arrêtons de faire ce qu’il ne faut pas pour ce pays. Le Gabon est-il encore un état souverain ? La grande DGR qui est aux affûts des Gabonais ne pouvait pas arreter cela et Ngoulakia l’inamovible président de la Cour de comptes doit s’expliquer. C’est anormal…ou bien les Béninois nous ont vraiment mis dans la bouteille, du moins nos dirigeants. Que ces derniers retiennent qu’aucun pouvoir ne peut avoir des puissances qu’on ne lui attribue. Si le Bénin agit sur eux, c’est parce qu’ils pensent que Sa puissance est supérieure à la nôtre. Ce qui est complètement faux. Alors revenons à la Raison

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