Le président français a choisi de s’exposer aux regards croisés de trois générations d’Africains. Il a aussi pris le pari de soumettre son projet pour l’Afrique à des lectures antagonistes du passé, du présent et de l’avenir. Mais, il aurait intérêt à considérer l’économie sous l’angle de la gouvernance démocratique. Va-t-il s’y résoudre ?

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Depuis son arrivée à l’Elysée, Emmanuel Macron suscite la curiosité des populations africaines. Sa tournée sur le continent sera naturellement analysée sous tous les angles, sous toutes les coutures : la forme sera regardée sous le prisme des principes diplomatiques, le fond sera décrypté à l’aune des valeurs démocratiques. Fidèles à leur stratégie de la fuite en avant, les élites mettront l’accent sur les questions économiques. Désireux d’élargir leurs espaces de liberté, les jeunes se pencheront sur le défi démocratique. Les uns se feront les hérauts du développement du secteur privé et de la coopération, les autres se poseront en chantres de l’Etat de droit. Peu importe la tonalité de ses propos, le président français joue à quitte ou double : il va non seulement s’exposer aux regards croisés et critiques de trois générations d’Africains, mais il va également soumettre son projet pour l’Afrique à des lectures antagonistes du passé, du présent et de l’avenir.

Économie politique  ou politique économique ?

Pour autant, les attentes des différentes catégories peuvent se rejoindre, notamment sur les questions de forme. Mieux, au-delà des aspects protocolaires, Emmanuel Macron pourrait réconcilier ses différents publics sur au moins trois points : le développement d’une coopération gagnant-gagnant, la quête de transparence dans la conduite des affaires publiques et le désir d’une justice indépendante. Malgré la survivance de certains conservatismes, il gagnerait à prendre les élites au mot. En dépit de l’activisme de réseaux obscurantistes, il aurait intérêt à considérer l’économie sous l’angle de la gouvernance démocratique. S’il venait à parler du capital humain, des références à l’inclusion sociale ne seraient pas de trop. S’il se résolvait à aborder le climat des affaires, des développements sur la justice ou les institutions constitueraient une plus-value. S’il choisissait d’évoquer le développement des infrastructures, des suggestions sur les passations de marchés ou l’accès à l’information publique seraient un plus. Pour ainsi dire, une approche d’économie politique aurait, sans doute, des chances de faire mouche. A contrario, un propos axé sur sa politique économique pourrait déboucher sur bien d’incompréhensions.

S’il entend ménager la chèvre et le chou, le président français sera confronté à un seul défi : livrer une compréhension holistique et sans fioriture de la notion de climat des affaires. Cela suppose dénoncer les réseaux affairistes et promouvoir l’attachement à la règle de droit. Dans cet exercice, il devrait s’adresser en priorité à deux publics : les grands groupes français et les gouvernements africains, partenaires de son pays. Aux premiers, il devrait exiger davantage d’éthique et de responsabilité. Quand la plupart d’entre eux s’appuient sur des relations directes avec les chefs d’Etat pour s’affranchir de toute contrainte juridique ou institutionnelle, il serait inspiré de les inviter au respect des procédures. Vis-à-vis des seconds, il aurait tout à gagner à se poser en chantre de l’intégration. Il pourrait ainsi suggérer deux choses essentielles : la transposition du droit des communautés économiques régionales dans les législations nationales et le respect des critères de convergence. De cette manière, il pourrait, tout à la fois, projeter son pays vers l’avenir et offrir de nouvelles perspectives de coopération, plus en phase avec l’esprit des Accords de partenariat économique voulus par l’Union européenne.

De toute évidence, les différentes interventions d’Emmanuel Macron sont très attendues. A ce jour, ses différentes sorties sur l’Afrique n’ont été du goût de pas grand monde. Bien au contraire, entre des jeux de mots douteux sur les Comoriens, une sortie hasardeuse sur le franc CFA et des assertions scientifiquement erronées sur le lien entre démographie et vitalité économique (lire «Bas le masque»), il a laissé le sentiment d’avoir la condescendance facile ou de ne pas cerner les véritables enjeux. Entretemps, il s’est attaché les services d’un inédit Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA), censé l’appuyer dans la définition de sa politique africaine (lire «À la croisée des chemins»). C’est dire si ses prochaines interventions auront valeur de test. L’Elysée a annoncé un discours-fondateur ? On verra bien…

 
GR
 

5 Commentaires

  1. Martin Edzodzomo Ela dit :

    L’Elysée a annoncé un discours-fondateur ? Ainsi à chaque Président de la Vème République française un discours fondateur. La Françafrique est présentée avec de nouveaux habits. Mais en réalité, le monstre renaît de plus belle. On n’en voudra pas à des Présidents français de rappeler quelques vérités que les Africains se doivent d’intégrer justement dans leur approche des relations avec la France. Mais on s’étonnera du ton condescendant, nombriliste et plutôt impérial avec lequel ils parlent aux Africains. Ainsi, ils démontrent sans vergogne une vérité communément admise, et qui perpétue la domination du « pouvoir de fait » qu’est la France sur ce qu’on appelle son pré carré africain : « On a enlevé le casque, mais la tête reste coloniale », comme dit le philosophe Régis Debray..

    Aujourd’hui, tout nous place, la France et les Etats issus de ses anciennes colonies, devant cette interrogation que nous ne saurons escamoter : quelles relations devons-nous établir et quels efforts sommes-nous prêts à consentir pour cela ? Aujourd’hui, « l’immense majorité des Africains sans avoir connu la période coloniale » n’est pas amputée de l’histoire de ses parents. Elle a en présence ce père ou ce frère qui a combattu pour la France contre les nazis, ou encore en Indochine et en Algérie sous le drapeau français. Il est vrai, c’était avant 1950. Ces jeunes Africains à qui on prétend s’adresser aujourd’hui connaissent malheureusement pire : la période actuelle des potentats africains placés au pouvoir et soutenus par la France. Avec la complicité de cette France, ces potentats spolient, bradent les richesses des pays et affament les peuples. De plus, ces jeunes qui constituent l’immense majorité des Africains aujourd’hui sont chassés de cette France et où ils sont traités de « racaille » alors qu’une part de leur sang a été versé pour la libérer de la dictature nazie. Ils vivent dans leurs pays le néocolonialisme de la Françafrique, prédateur des ressources de leurs pays.
    so

  2. Ngouss Mabanga dit :

    Viens nous chanter la marseillaise!

  3. la joie dit :

    venir en Afrique Centrale, Nada! Niet pour macron car « Si l’on n’est pas brûlé par le feu, on est noirci par la fumée ». Ce dernier refuse de ternir sa réputation avec les potentats d’afrique centrale dont parle Monsieur Edzodzomo Ela

  4. Kazolias dit :

    C’est un non sense de nier que l’explosion démographique n’est pas un problème économique. On n’arrive pas à s’occuper du monde qu’on a. Sans une maîtrise de la démographie, il n’y aura pas de développement économique. Il faut éduquer les enfants, libérer les femmes, trouver du travail pour ceux qui sont là. Pour quoi voudrait-on deux milliards en Afrique? Ou 12 milliards dans le monde?

    Bien sûr ça veut dire commerce équitable, juste prix et aide au développement. J’en ai assez d’entendre que beaucoup d’enfants font de la croissance. Si cela fut le cas vous serez pas dans la merde dans laquelle vous êtes et les allemands, avec une faible démographie, la premiere puissance exportatrice du mone.

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