Reconcentrés au détour de la tournée républicaine d’Ali Bongo Ondimba, le 8 août dernier à Port-Gentil, Steeve Ngadi, le représentant du Collectif des licenciés de Baker Hugues Gabon SA, revient sur leur situation qui attend toujours une solution.

Les représentants des licenciés de Baker Hugues Gabon SA lors du meeting de la tournée républicaine d’Ali Bongo à Port-Gentil. © Gabonreview

Les représentants des licenciés de Baker Hugues Gabon SA lors du meeting de la tournée républicaine d’Ali Bongo à Port-Gentil. © Gabonreview

 

Gabonreview : lors du meeting du président de la République à Port-Gentil, dans le cadre de la tournée républicaine, on a vu que vous teniez absolument à remettre un message au chef de l’État. Qui êtes-vous ?

Steeve Ngadi : Je suis un ancien employé de Baker Hugues Gabon SA, parti de l’entreprise pour des raisons économiques le 31 décembre 2015. Je suis le représentant du Collectif des licenciés de cette entreprise.

Steeve Ngadi, représentant du Collectif des licenciés de Baker Hugues Gabon SA. © Gabonreview

Steeve Ngadi, représentant du Collectif des licenciés de Baker Hugues Gabon SA. © Gabonreview

Vous dites que vous avez été licenciés pour des raisons économiques. Que s’est-il réellement passé à Baker Hugues Gabon SA  et qu’est-ce que cette entreprise ?

Baker Hugues Gabon SA  fait partie des entreprises phares non seulement au Gabon, mais également dans le monde notamment dans le secteur pétrolier, plus précisément dans les services aux pétroliers. Ce type d’entreprises vient en support aux majors du pétrole en leur proposant leurs services dans le forage et tous les autres secteurs du domaine pétrolier.

Ce qui s’est passé, c’est que dès le mois de février 2015, l’annonce a été faite par notre direction générale à travers le monde, bien sûr. Parce que les licenciements, il faut qu’on se le dise, ne sont pas seulement l’objet du Gabon. C’est quelque chose qui se passe à travers le monde et nous l’avons accepté. Nous, les employés, contrairement à ce qui se dit, nous l’avons accepté. Ce qu’on a demandé à notre entreprise, c’est de pouvoir adhérer aux exigences de la loi, du Code du travail gabonais : c’est-à-dire de justifier le licenciement économique comme il se doit. Malheureusement, nous n’avions pas pu nous entendre sur ces aspects et c’est pourquoi, dès le début de juin, les choses sont allées un peu dans tous les sens. Une partie du personnel est partie en obtenant des autorisations, mais le licenciement n’a pas été fait dans les normes, malheureusement. On le dit et on le répète depuis : nous avons compris la situation de l’entreprise. Malheureusement, ce qui s’est passé, c’est qu’outre le fait d’être licenciés, en nous envoyant dans une situation précaire, nous et nos familles, nous avons encore été ponctionnés pratiquement d’1/3 de ce qui devrait nous revenir comme droit. Ces tiers est parti dans les taxes.

Quelles démarches avez-vous entreprises pour résoudre cette équation et rentrer définitivement dans vos droits ?

Nous avons vraiment fait du bruit. Nous sommes allés à Libreville. Nous avons rencontré des personnalités. Nous avons exposé notre situation. Nous avons écrit au ministre de l’Économie. Nous avons également écrit au directeur général des Impôts et nous avons vu le directeur des contentieux et le directeur général des Grandes entreprises. Toutes ces personnes ont été très sensibles à la situation. D’ailleurs, non seulement au cas de Baker Hugues, mais de toutes les autres entreprises qui ont répondu présents, pour dire qu’il fallait rétrocéder aux employés, aux anciens employés qui vivaient dans une situation de précarité, toutes ces taxes. Malheureusement Baker Hugues ne l’a pas fait.

Déjà, il faut bien l’expliquer : la première vague qui a été licenciée en juin 2015 (quinze personnes) est partie en ayant été retenue de 100% de leur taxe alors qu’ils ne devaient pas le faire. Ils ont été ponctionnés totalement. C’est-à-dire que toutes les taxes ont été prélevées, ils n’ont pas été exonérés alors que dans le Code général des impôts, dans son article 91, le dit clairement. Quand la séparation d’avec ses employeurs vient de l’entreprise, les employés sont exonérés totalement. Mais ces quinze personnes sont parties. Elles n’ont pas été exonérées. Elles sont revenues pour poser leurs problèmes parce que cela est de la faute de Baker qui n’a pas réagi jusqu’à présent. Ensuite ceux qui ont été licenciés en décembre 2015, pratiquement les 90% de l’entreprise, environ 80 employés, ont d’abord été ponctionnés de 100%. C’est-à-dire que 100% de taxes ont été prélevées. Quand nous nous sommes levés, nous avons écrit aux autorités compétentes, ces autorités de l’administration ont consenti, dans un premier temps, à nous renvoyer les 50% qui ont été payés. Entretemps Baker avait déjà reversé les autres 50% au Trésor public.

Quand la décision de l’exonération à 100% est venue se rajouter, malheureusement ce prélèvement-là avait déjà été fait. Ensuite, parce que le président lui-même était intervenu dans ce dossier, l’administration fiscale avait décidé de revenir à 100%. C’est-à-dire que malgré les 50 % qui nous avait été reversés, il fallait reverser aux employés, aux anciens employés les autres 50% et ça faisait 100%. Parce que cet argent avait effectivement déjà été versé au Trésor,  Baker a demandé des garanties. Ce que l’administration fiscale, le ministère de l’Économie et la direction des Grandes entreprises ont fait. Les courriers ont été d’ailleurs transmis aux autorités tout en leur montrant cette démarche. Des garanties ont été données à Baker. Malheureusement, cette entreprise n’a pas tenu à ses engagements. C’est pourquoi aujourd’hui nous nous levons encore une fois pour souligner cette situation, non seulement auprès des différents ministères, mais surtout auprès du président de la République parce que nous savons que seul lui a la clé de cette situation, la résolution de ce problème.

Cela fait environ un an qu’une centaine de personnes, anciens de  Baker Hugues à Port-Gentil,  êtes au chômage. De quoi vivez-vous aujourd’hui, puisque que vous devez être sans travail dans cette ville où l’on décrie la hausse du taux de chômage ?

Nous sommes sans travail depuis un an. Nos familles souffrent et beaucoup d’entre nous, je peux vous le dire, sont obligés de survivre des quelques économies qu’ils avaient et qui sont en train de s’épuiser. Certains ont peut-être eu la présence d’esprit de créer quelques petites activités, question de survivre pendant cette période en espérant que les beaux jours reviendront. D’autres, je peux vous le dire, sont dans une précarité extrême. C’est vrai on peut se dire qu’ils sont dans le monde du pétrole, ils ont eu énormément d’argent… jusque-là c’est vraiment très compliqué si on entre dans les détails. Beaucoup avaient des crédits bancaires  et ils ont été ponctionnés totalement. Ils se retrouvent sur la paille.

Aujourd’hui, le président a un discours qui met en exergue l’égalité des chances entre tous les Gabonais. Malheureusement, il y a certaines personnes qui ne le comprennent pas de la même oreille parce qu’on a l’impression que les entreprises ont pris le dessus sur la loi gabonaise. Aujourd’hui, une entreprise qui demande des garanties et à qui les autorités du pays donnent ces garanties, ne veut pas se conformer à la loi. Elle ne veut pas tenir parole, ne veut pas exécuter ce que la plus haute autorité de l’Etat a demandé de faire. Aujourd’hui, ce que nous constatons simplement c’est que le discours du président n’a pas le même écho chez tout le monde. Il y a des Gabonais qui, malheureusement, ont donné toute leur vie dans cette entreprise et qui se retrouvent aujourd’hui dans la précarité la plus totale, la plus absolue.

Vous avez assisté à ce meeting de la tournée républicaine de Port-Gentil. Était le prétexte pour adresser votre lettre au président ou êtes-vous là parce que vous êtes militant ?

Avant tout, nous sommes tous Gabonais et nous sommes appelés à faire notre service civique. C’est-à-dire aller aux urnes et choisir notre président. Aujourd’hui, nous sommes présents non seulement pour écouter le message du président de la République, mais également pour savoir ce qu’il y a en plus de celui que nous savons déjà sur l’égalité des chances et un Gabon émergent. On voulait savoir ce qu’il y avait de plus, ce qu’il avait à proposer au Port-Gentillais qui, aujourd’hui, il l’a si bien mentionné, vivent dans la précarité, souffrent et dans l’absolue désolation.

Je vous le dis : il y a au moins 80 sinon 90% de chômeurs parmi tous ceux qui étaient présents là. Aujourd’hui, la situation de Port-Gentil est préoccupante. Le message du président n’est malheureusement pas perçu de la même manière par tout le monde à Port-Gentil. Si le président veut vraiment avoir Port-Gentil avec lui, il a intérêt à se pencher sur cet aspect, l’aspect de l’emploi parce que Port-Gentil est à 80 ou à 90% au chômage. Un exemple simple, l’entreprise à laquelle j’appartenais avait environ 130 employés locaux. Aujourd’hui, il n’en reste pas plus de dix. Vous pouvez voir et le cas de Baker Hugues n’est qu’un cas isolé. C’est quasiment le cas de la majorité des entreprises. Si les employés n’ont pas été mis à la porte, ils sont au chômage technique avec moins de la moitié de leur salaire. C’est déplorable pour un pays comme le nôtre.

 

 
GR
 

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