Coordinateur général du Samu social lancé le 3 juillet dernier à Libreville, l’expert en santé publique est revenu avec Gabonreview sur le bien-fondé de cette médecine mobile d’urgence, entièrement gratuite.

Le Coordinateur général du Samu social, Wenceslas Yaba le 5 juillet 2017. © Gabonreview

 

Gabonreview : Qu’est-ce qu’un Samu social ?

Wenceslas Yaba Il faudrait d’abord relever deux choses primordiales. La première est que le chef de l’État, Ali Bongo Ondimba, a apporté un soutien constant à ce projet comme aux autres projets que j’ai menés ici. Je suis cosignataire de la convention-cadre qui a été faite avec le Samu social international. Et je me réjouis que le ministre Emmanuelli ait accepté de venir au Gabon, avec une équipe importante composée du directeur de SOS Médecin Paris et de la directrice médicale du Samu de Paris.

Un Samu, c’est la médecine mobile d’urgence. Sauf que dans le cas d’espèce, il s’agit du Samu social, nous y intégrons l’exclusion, la pauvreté et la précarité qui sont les maux centraux de ce mandat du chef de l’État qui sont mis sous l’angle du pacte social, de la rénovation de l’accompagnent social. Nous avons le seul Samu social polyvalent d’Afrique. C’est un aboutissement qui mérite d’être encadré et améliorer les aspérités de ce projet.

Le centre d’appel du Samu social gabonais. © Gabonreview

Pourquoi son lancement au Gabon ?

Son lancement est favorisé par plusieurs points, d’abord un point indéniable, qui est l’enquête Mc Kinsey. 38% des Gabonais seraient pauvres avec 17% à Libreville, notamment dans les quartiers sous intégrés de la capitale qui regorge 56% de la population gabonaise. Vous imaginez Libreville qui est le plus grand centre urbain du Gabon avec autant de pauvres, de miséreux, de personnes incapables de se prendre en charge, des personnes exclues, des enfants dans la rue, des personnes qui n’ont que le ciel et la terre quand il y a un problème. Il fallait réduire considérablement la frontière entre l’État et les Gabonais. Il n’est pas normal qu’une femme qui a subi un incendie, une intempérie liée à la pluie, avec ses deux enfants de moins de six ans, se retrouve dans un coin de sa maison et ne puisse pas composer le 1488 pour être hébergée le temps d’une nuit, ou appeler un service social pour venir s’occuper d’elle. Que quelqu’un qui est chez un tradipraticien et qui ne peut être libéré depuis six mois parce qu’il n’a pas payé son traitement, ne puisse pas appeler l’État pour dire venez me chercher, je suis en train de mourir parce que la maladie n’est pas terminée.

Quelle différence existe-t-il entre le Samu social et le Samu médical?

Le Samu médical est payant et c’est 50.000 francs CFA quand vous appelez. Or, le Samu social lui, il est gratuit. Le Samu social ne s’occupe pas que des malades physiques, il s’occupe également des malades psychosociaux. Une femme qui a une détresse psychologique, parce qu’elle a trouvé son mari avec sa propre petite sœur dans son lit et qui veut se suicider, peut appeler le Samu social ou un voisin peut appeler le Samu social pour signaler ce cas. Nous envoyons nos psychologues cliniciens pour la prendre en charge.

Quelques ambulances du Samu social gabonais. © Gabonreview

Comment fonctionne le Samu social ?

Nous sommes dans mon bureau et devant vous, il y a une table vide, si on me dépose quelque chose d’imparfait dessus et on me demande d’attendre 10 ans pour obtenir quelque chose de parfait sur cette même table, je dirai donnez-moi la chose imparfaite et je l’améliore, que d’attendre 10 ans. Pourquoi, je vous le dis? Bien sûr que le Samu-social gabonais n’a pas les ressources financières requises. Nous avons eu une petite enveloppe budgétaire pour faire le lancement, mais il est préférable pour moi, professionnel du sanitaire social gabonais, de lancer un outil qui s’occupe de ceux qui souffrent vraiment, au lieu d’attendre les milliards. Ou on est humaniste ou on ne l’est pas. Et quand on l’est, on fait avec peu et on attend les résultats.

Là, les ambulances fonctionnent 24H/24, le centre d’appel répond au 1488 24h/24, nous soignons les gens depuis soixante-douze heures. Je suis même ému de redécouvrir les gens qui n’ont rien. C’est ce que les Gabonais devraient faire dans tous les secteurs. Faites d’abord. Ne vous demandez pas d’abord comment vous mettrez du temps, ne vous ostracisez pas mentalement en vous disant si je fais, on va m’attaquer. Quand il n’y a pas, on fait et après on apprécie. Pensez-vous que l’État gabonais qui a soutenu le projet dira, les Gabonais sont maintenant habitués à bénéficier du Samu social, je ne finance plus ce dispositif-là qui calme la population ? Non je ne pense pas. L’État gabonais est structuré et organisé. Le chef de l’État est derrière ce projet.

Je souhaiterais d’abord vous dire qu’on ne fait jamais ce qu’on n’a jamais vu. Moi, je viens de France où j’ai été chef de projet, directeur au cabinet du ministère français de la Santé, j’ai vu des choses et le chef de l’État m’a demandé de rentrer au pays, de travailler au pays, j’ai obéi comme un vrai citoyen qui croit en son chef. Mais, vous savez que les pays à ressources limitées ont beaucoup de pesanteurs, liées aux différents problèmes que nous avons. Nous sommes très pessimistes et quand nous ne sommes pas pessimistes et quand ça marche, on a tendance à détruire ce qui est beau. Parce que nous sommes devenus Pavloviens.

Concernant les moyens, de fois, il faut réfléchir un peu avec les compatriotes, savoir transmettre la passion. J’ai appelé des médecins fonctionnaires qui travaillent à l’hôpital et je leur ai dit : écoutez, vous aviez déjà un salaire, moi, je n’ai pas l’argent pour recruter des médecins qui ne travaillent pas et leur donner des salaires d’un million et plus, l’État n’a pas cet argent. Vous êtes fonctionnaires, vous travaillez à l’hôpital de 7 h 30 à 15 h 30, est-ce que vous aviez fait vos doctorats en médecine pour ne rien faire après 15 h 30 ? Je leur ai proposé de venir travailler au Samu social après 15 h 30 où ils percevront une petite gratification. C’est ce que j’ai fait. Dans mon équipe, j’ai 10 médecins, j’ai 11 infirmiers diplômés d’État polyvalents de l’INFAS, j’ai 8 psychologues hospitaliers, du personnel dans le centre d’appel et quatre ambulances. C’est ce panel là qui fait la masse de personnes qui travaillent au Samu social. Il faut savoir expliquer les choses, il faut être honnête. C’est une œuvre sociale, c’est la santé et le social qui se croisent pour le bien de tous et pour tout le monde.

Une des chambres d’un des centres d’hébergement du Samu social. © Gabonreview

Quel est l’objectif à court terme comptez-vous atteindre ?

Plusieurs objectifs. Mais le premier dans quelques semaines, il y a une dizaine de psychiatres qui arrivera ici avec des médicaments pour que nous nous occupions des problèmes de personnes ayant des troubles mentaux qui trainent dans nos rues. Nous allons les injecter, ils vont s’endormir, le jour même, ils seront perfusés et une fois un peu lucides, ils seront nettoyés, habillés et nourris pendant quelques jours et après les psychologues du Samu social s’entretiendront avec eux pour comprendre leurs problèmes. Un traitement leur sera prescrit à la fin. Nous ne nous substituons pas à l’hôpital psychiatrique de Melen. Nous souhaitons simplement intervenir pour juguler ce phénomène de personnes qui errent dans les rues, il faut terminer avec cette image de Gabonais insensible.

Nonobstant, cet objectif immédiat, nous souhaitons répondre favorablement aux sollicitations. Circonscrire les problèmes médicaux, psychologiques, avoir une certaine médecine d’urgence et de proximité vis-à-vis des populations les plus vulnérables. Il est indécent pour quelqu’un qui a les moyens de payer ses soins, qui a un dispositif d’assurance-maladie pour payer ses soins, ne puisse appeler le Samu social parce qu’il y a des personnes qui en ont vraiment besoin. Il faut réduire la pauvreté.

Samu social à l’intérieur du pays ? Si oui, pour quand ?

Le Samu social sera lancé à l’intérieur du pays à partir du quatrième trimestre 2017. Pour tout projet, il y a des paradigmes que vous ne maîtrisez jamais. Il y a des choses que je vais forcement découvrir. Les compétences, nous en avons au service social ; l’argent, nous n’en avons pas beaucoup, mais ce n’est pas grave. Il est indéniable qu’il sera rapidement mis en place à l’intérieur du pays. Libreville est un bon échantillon à titre exploratoire. Les Librevillois testeront le projet, ce qui fait que si c’est bon à Libreville, ce serait encore mieux à l’intérieur du pays.

Pour finir ?

Notre pays, c’est un million et demi d’habitants. Nous vivons des choses ici que nous pouvons régler avec ou sans argent. Il y a plusieurs synergies qui doivent se mettre autour des projets qui sont mis en route. Or, il se trouve malheureusement, et je le déplore, trop d’énergie, de chapelles et de lobbies sont constitués pour qu’aucun projet ne fonctionne. À la limite, pour que quand quelque chose se fait, qu’on le détruise, qu’on l’éteigne. Mettez-vous au tour de ceux qui dirigent le Samu social, de ceux qui ont conçu ce projet pour le Gabon, des partenaires internationaux puissants reconnus. Je profite de cette occasion pour préciser le rôle imminent  joué par le ministre d’Etat, ministre du Développement Social et Familial, de la Prévoyance sociale et de la Solidarité nationale, Paul Biyoghe Mba, pour la réussite de ce projet.

 
GR
 

3 Commentaires

  1. Léon Mba dit :

    Henri Emmanuelli, vieille figure de la gauche, viendra faire le genre de « travail » qu’avait Kouchner avant lui pour se faire des sous pour ses vieux jours. Le pouvoir est réduit à embaucher ce Type de personnage sans avenir politique dans leur pays et qui leur donne l’illusion de pouvoir faire du lobbying pour lui.

    Il ne reste plus qu’à prévenir ce Monsieur que le gabon est une dictature avec à sa tête un « apprenti dictateur » dixit le journal le monde.

  2. diogene dit :

    M Yaba n’oublie pas de passer la brosse à reluire au dictateur mais ne donne pas le numéro d’appel du SAMU Social, ni ne dit si les appels sont gratuits .

    Bravo pour la fibre sociale : les médecins sont corvéables à souhait, après huit heures en centre hospitalier, ils ne doivent pas se reposer, ni prendre soin de leur famille, ni avoir une activité musicale, sportive, politique ou sociale, non, ils doivent aller travailler pour les beaux yeux d’un parvenu qui lui ne travaille pas plus de deux heures par jour (faire la sieste,lire son journal dans son bureau , recevoir des ami(e)s, boire et manger ne sont pas comptabilisés dans les heures de travail.)

    La misère, l’exclusion progressent à une telle vitesse, et surtout leurs causes se multiplient avec chômage, licenciements, absence de politique sociale, politique démographique délirante…Que le SAMU social ressemble à un pansement sur une jambe de bois. Opération de propagande : nous sommes aussi moderne que les autres. Assertion fausse qui ne satisfait que quelques courtisans en mal de prébendes.

  3. Anti-démagogie dit :

    Henri Emmanuelli? Akié, pourquoi on est comme ça?

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