Si les institutions de la République sont chahutées par les populations, c’est d’abord en raison de leur pratique quotidienne. Une bonne partie de l’opinion publique ne croit plus en elles. Faut-il être à ce point arrogant pour ne pas y voir un danger réel pour notre pays ?

© cour-constitutionnelle.ga

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«Nous étions juste en train de nous échanger les mémoires, qu’une décision nous a été notifiée. En plus, tous les juges constitutionnels ne sont même pas là. La Cour est allée au bout de sa bêtise».  Attribué à l’avocat de Jean Ping, ce propos peut paraître dur et sans appel. Mais, au vu des commentaires entendus et lus çà et là, il semble recueillir l’assentiment d’une large part de l’opinion. Manifestement, une frange non négligeable de la population n’accorde plus aucun crédit à la Cour constitutionnelle. Dans les chaumières, la présidente de cette institution est désignée tantôt par «Madame irrecevable» tantôt par «Appelez-moi Dieu», deux pseudonymes éloquents à souhait. Plus inquiétant : pour le citoyen lambda, les décisions de cette juridiction sont toujours prévisibles, systématiquement courues d’avance. Faut-il être à ce point coupé de la réalité, attaché à des intérêts bien compris ou satisfait d’une logique d’enfermement pour ne pas y voir un réel danger pour notre pays ? «Les institutions passent par trois périodes : celle des services, celle des privilèges, celle des abus», disait Chateaubriand. Sommes-nous à l’ère des abus ou à une autre, hybride, fondée sur les privilèges ? Avons-nous seulement connu l’ère des services ?
Pour l’heure, le rejet de l’ultime recours de Jean Ping met en lumière une certitude largement partagée: l’ensemble de l’édifice institutionnel national est discrédité pour longtemps. Les liaisons incestueuses et collusions institutionnelles étant manifestes, plus rien ne peut susciter l’adhésion populaire. Jusque-là, l’espoir pouvait se fonder sur l’usure du temps. Mais, au regard du climat de défiance populaire ayant prévalu tout au long du mandat échu, plus rien ne peut laisser penser à un retour de respectabilité. L’efficacité de la logique du fait accompli s’est émoussée au fil du temps. Désormais, les frustrations accumulées dictent leur loi. Les dernières armes des institutions constitutionnelles – le pouvoir de nomination, la corruption et la coercition – pourraient ne plus suffire pour rallier l’opinion à leur cause.
Humour jaune
Définitivement coupée du peuple depuis les Accords de Paris en 1994, la Cour constitutionnelle a progressivement entraîné les autres institutions dans les abîmes du discrédit. Elle a laissé le sentiment de faire les présidents de la République en lieu et place du peuple. Son implication, en amont et en aval, de l’ensemble des élections politiques a ruiné le crédit du pouvoir législatif et des collectivités locales. Sa prééminence, si ce n’est sa domination, sur les autres juridictions a déteint sur l’image de l’autorité judiciaire. Au lieu de se contenter du contrôle de constitutionnalité et du contentieux de la présidentielle, elle s’est avancée sur tous les terrains, au risque de donner dans le confusionnisme. Trop soucieuse d’apparaître comme le «régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics», elle s’est muée en clef de voûte de l’architecture institutionnelle. Avec l’hardiesse, l’imprudence et la prétention propres à Icare, elle a supplanté le président de la République, confisquant ensuite la souveraineté nationale.
La défiance populaire vis-à-vis des institutions tient, pour une large part, à l’omnipotence de la Cour constitutionnelle. La démographie étant une science, son rôle dans la validation des opérations de recensement demeure une curiosité intellectuelle. Sa tendance à se substituer au législateur est devenue proverbiale. Les foucades de ses dirigeants sont maintenant vécues comme des manquements humiliants pour l’ensemble de la communauté nationale. Faute d’avoir su rester «neutres», «réservés», «dignes» et «loyaux», ses dirigeants sont maintenant les acteurs principaux de gags, sketches et blagues d’un peuple condamné à l’humour jaune. Chacun peut apprécier l’ampleur des dégâts. Tout le monde peut se faire une idée de la taille de la tâche à venir !
Vingt-six ans d’élections truquées, cinq présidentielles contestées ont cultivé la défiance des populations vis-à-vis des institutions. A des niveaux divers, la validation de la candidature d’Ali Bongo, le refus de tenir compte du mémorandum présenté par les candidats de l’opposition et, l’annonce des résultats au cœur de la nuit, à l’heure des cambriolages, ont été vécus comme les manifestations du cynisme de la Cour constitutionnelle. Le je-m’en-foutisme affiché pour cet ultime recours a achevé de discréditer cette institution et, avec elle, l’ensemble des dépositaires de l’autorité publique. Livrer une sentence au moment de l’échange des mémoires entre avocats est consternant et ridicule. Le faire dans le dos des juges, en l’absence de certains d’entre eux, est dévastateur pour la crédibilité des bénéficiaires de cette décision.
Mauvaise compréhension de la démocratie
Pour reconquérir leur respectabilité perdue, les autres institutions doivent au préalable défendre leurs prérogatives Tel des fauves, elles ont le devoir de marquer leurs territoires, face au gargantuesque appétit du pouvoir de la Cour constitutionnelle. Elles sont, aussi, obligées de s’astreindre au respect des valeurs de la République. Laïcité, égalité de tous devant la loi, respect de la souveraineté et des choix du peuple ne relèvent pas de la grandiloquence conceptuelle. Dans ce climat de méfiance généralisée, le retour aux fondamentaux de la République est une urgence. Le recours aux fondements de la démocratie une nécessité. A la contestation populaire, à l’arrogance de la majorité, les institutions doivent répondre par une pratique basée sur le «respect de la Constitution», la «défense de l’Etat de droit», la «neutralité», la «réserve», la «dignité» et la «loyauté». Il ne s’agit pas de transformer ces notions en incantations. Il est question d’en faire des principes d’action et de vie. Autrement dit, le respect des droits fondamentaux et de la souveraineté du peuple doit devenir la balise des pouvoirs publics.
Il faut sortir les institutions de la logique partisane pour les aider à renouer avec la communauté nationale. Cette entreprise ne fonctionne ni au décret, ni à l’usage de la force publique ni à la corruption. Elle ne tolère ni malice ni mélange des genres. Au contraire, elle requiert honnêteté et humilité. Si cette mutation semble si difficile à engager, c’est en raison de la faible culture politique des dirigeants de nos institutions, de leur mauvaise compréhension de la démocratie et de leur méconnaissance des fondements de la république. N’empêche, dans la situation présente, leur responsabilité personnelle et collective est engagée devant l’histoire et la nation. Les juges constitutionnels et autres dirigeants d’institutions en sont-ils conscients ? Sont-ils capables de se remettre en cause ? Peuvent-ils moins songer à leurs intérêts et davantage à notre communauté de destin ? Il leur appartient de répondre.
 
 

 
GR
 

0 Commentaires

  1. GNAN ITOLIYANI dit :

    VOUS PARLEZ DE LEGISLATIVES:LES PROCES VERBAUX DE 114 ELUS PDG SONT DEJA FAITS PAR LES SOINS DE ABOGHE ELA POUR ASSURER UNE MAJORITE ECRASANTE A ABO/Y A PLUS D INSTITUTIONS AU GABON/C EST LA DICTATURE PURE ET DURE/COMMENT DES GENS INSTRUITS ET COMPETENTS SE FONT MENER COMME DES CHIENS PAR UN MOINS QUE RIEN? DURANT 7 ANS IL A JURE NE DIALOGUER AVEC DES IMPOLIS QUI NE LUI RESPECTENT PAS /ET LE VOILA EN QUETE DE LEGITIMITE, IL INVITE LUI AU DIALOGUE CES MEMES IMPOLIS /ET PUIS LES P.S IMPOLIS COMME DES CHIENS SE BOUSCULENT,se disputent L’OS (DIALOGUE°)jeté PAR ALI/TOUS CES SOIENT DISANTS LEADERS AU GABON FONT PITIE/MAIS QUE TOUS SACHENT QUE TOUS CEUX QUI MILITENT CONTRE LE VOTE DU PEUPLE AU 27 AOUT 2016 SONT DES ENNEMIS DU PEUPLES ET ILS LE PAIERONT TOUS ET BIENTOT.

  2. MURUH TAB dit :

    A la guerre comme a la guerre/reperrons les ennemis du peuple,ne tombons plus a leurs pièges/nous vaincrons/

  3. MURUH TAB dit :

    Et maintenant que JEAN PING le PRESIDENT ELU NOUS PARLENT ,Nous le Peuple,on veut l’écouter/Trop c’est trop OK?

  4. DOUKAGA DOU NGAZI dit :

    Il n’y a aucun danger sauf pour les chairs à canon. Pascaline a financé la campagne de Ping pour donner au peuple le sentiment d’être dans une vraie démocratie. Ce dernier connait donc la ligne rouge. C’est un Bongo par alliance et donc comptable de la situation actuelle de ce pays.

  5. LERUS ROUGE dit :

    qu est ce que ca fait a nos institutions si la population ne croit plus en elles……
    mon arriere grand mere # NENA # me disait qu il faut lorsque je reste sur terre savoir faire une seule chose: c est de faire la difference entre les humains qui n ont plus la notion de honte et ceux qui savent encore avoir honte.
    elle me citait souvent la liste des actes qui enlevent la honte aux humains:
    – les maladies mentales
    – les sectes
    – la sorceleries
    – les tueries
    – la sauvagerie ou l ignorance
    alors les menbre de nos institutions ne se retrouvent ils pas dans tous ces elements?

  6. guidouma dit :

    tres bonne analyse, toutefois ce qui nous manque dans ce pays c’est un modele. Comme SANKARA a été pour le BURKINA FASO, JERRY RAWLINGS pour le GHANA…

  7. MURUH TAB dit :

    Tous les recours sont épuisés,le Peuple est depité ,plus de securité ,replions nous dans nos villages quittons les villes y a plus rien à gangner:vivre ou mourir

  8. Charles Okinda dit :

    L auteur de cet article a deroge a toutes les regles d impartialite et d objectivite de la profession de Journaliste.
    Qu a cela ne tienne…
    Pourquoi encore menacer les juges, en agitant la menace du #Gabon qui serait en danger#?
    Les gens ne finiront par ne plus lire Gabonreview; site sur lequel sont tantot publies des artciles incendiaries, tantot des articles publies par des journalists de l opposition, tantot par des journalists qui sont plus favorable au dialogue.
    Ce n est plus du journalisme, mais de la manipulation de consciences. Le journaliste ne peut pas s accorder le droit de manipuler le chaud et le froid.
    Votre site va finir par ressembler a une tribune de reseau social , de groups d amis a la facebook.
    En ce qui consernent les juges si parce qu ils ne sont pas alles dans le sens que vous l aurait souhaite, eh bien…c est parce que peut etre TOUS estiment que les documents qui leur ont ete transmis sont fantaisistes et grossiers.

    • imagine2016 dit :

       » Ce n’est plus du journalisme, mais de la manipulation de consciences. Le journaliste ne peut pas s’accorder le droit de manipuler le chaud et le froid »
      Okinda Charles, je ne sais pas ce qui en est de GR, mais s’agissant de la presse écrite, je ne suis pas loin de penser comme vous.
      C’est quand même triste, ces journalistes que les politiques tiennent en laisse, ils n’ont plus leur indépendance, pcq muselés par les Cfa que leur jettent les politiques, et moi qui croyais qu’il n’y avait que les journaux du bord de mer à faire de la prostitution, de l’intox et de la manipulation, j’étais loin de m’imaginer qu’un jour la gangrène s’étendrait aux journaux de l’opposition.
      Je fais cette réflexion pcq je la connais mieux cette presse de l’opposition….Si un jour il y a une guerre civile dans ce pays, les journalistes tant de l’opposition que de la majorité en porteraient en partie la lourde responsabilité et seraient aussi coupables que les politiques en effet, on connait dans les deux camps qui s’affrontent, les hommes et les femmes dont la haine pour l’autre n’a ‘égal que celle des djihadistes pour l’oncle Sam, de même, il n’est pas difficile d’identifier , les Radios, les TV et les journaux mille collines » de ce pays.
      Continuez à jouer avec l’émotion des gabonais, ce n’est pas tout que de brandir la menace de la CPI, certains finiront par y aller tout droit à moins que le Gabon à l’instar d’autres pays ne se retirent du traité de Rome, donc vous finirez à la CPI, non pas comme témoins mais en qualité d’accusés, ne vous y trompez pas.
      Continuez les uns et les autres à souffler sur les braises, à attiser le feu, la suite nous instruira.
      L’avidité, la cupidité et la dépendance de certains journalistes gabonais ont triomphé sur l’objectivité, à croire qu’ils veulent que ce pays prennent feu pour se faire de l’argent, un peu comme ces marchands d’armes qui se font du beurre en période de conflit….
      Se prostituer pour une voiture, un logement, un costume, qqs billets, c’est vraiment pas cher payé et, à ce propos, j’aurais souhaité qu’AMINATA ONDO qui s’occupe de tout et de rien se répande, porte un regard critique sur les missions du journaliste.
      On critique BBY de jeune Afrique et pourtant, ces journalistes que j’indexe font exactement comme lui, pitié pour cette presse qui pollue les esprits les plus faibles, un coup on est pour tel leader et on injurie l’adversaire du leader en question à longueur d’articles , un autre coup on se ravise et on l’encense pcq l’on a fumé le calumet de la paix et enterré la hache de guerre.
      C’est quoi cette danse?
      Non, messieurs les avocats, la CC n’est pas allée au bout de sa bêtise, ne vous dérobez pas à la vérité, c’est vous qui êtes allés au bout de vos incohérences, votre client a tellement d’argent à ne savoir quoi en faire que vous avez décidé d’aller au devant de la même juridiction que vous qualifiez de Tour de Pise, dites moi de quelle côté siège la bêtise, de la vôtre ou de la CC?
      Je ne suis pas juriste cpdt, mon pragmatisme m’aurait dissuadée d’une telle démarche, on sait quand même que depuis 1993, c’est la même chose (rebelote sur rebelote) alors pourquoi cette ballade à la CC? endormir les gabonais, leur donner des illusions? heureusement que votre client à de l’argent et les gabonais de la naïveté à revendre à gogo!

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