Il arrive toujours un moment où les actes doivent se mettre au diapason des paroles. A la fin des fins, il faut défendre l’intérêt général. Cette réalité est celle à laquelle doivent désormais faire face les parlementaires membres de «Héritage et Modernité», confrontés à la question de la validation de textes portant sur des matières hautement sensibles.

Autour d’Alexandre Barro Chambrier, les membres du mouvement Héritage et Modernité, en juillet dernier à Libreville. © Gabonreview

Autour d’Alexandre Barro Chambrier, les membres du mouvement Héritage et Modernité, en juillet dernier à Libreville. © Gabonreview


 
Quelle est la plus-value de «Héritage et Modernité» dans le débat politique national et le fonctionnement de nos institutions ? On le saura sans doute bientôt. Voici, en raccourci, l’enjeu éventuel de la session parlementaire en cours. Pour certains observateurs, la fronde menée par Alexandre Barro Chambrier, Michel Menga et leurs amis ne saurait se résumer à une bataille d’appareil, un combat pour le dépoussiérage de la vieille machine du Parti démocratique gabonais (PDG). A leurs yeux, elle doit se traduire dans leur comportement au sein des institutions, là où se prennent les décisions, là où se forge notre avenir commun. Durant l’actuelle session parlementaire, l’attitude des 90 députés et sept sénateurs de «Héritage et Modernité» sera scrutée, analysée sous tous les angles. Pourquoi ? Parce que durant l’intersession, le Conseil des ministres a adopté pas moins de 17 ordonnances dont quatre particulièrement sensibles.
Inutile de chercher midi à quatorze heures : le Parlement doit prioritairement ratifier des ordonnances présidentielles modifiant l’organisation et le fonctionnement de la justice, le Code pénal, le Code de procédure pénale et le statut général des fonctionnaires. Or, l’actuelle session parlementaire est d’abord budgétaire. Autrement dit, elle a pour principal objectif l’examen de la loi de finances 2016 et de la loi des règlements. Les quatre mois impartis seront-ils suffisants pour, à la fois, aller au fond des questions budgétaires et s’appesantir sur des matières comme la justice ou le régime juridique de la Fonction publique ? On peut valablement en douter. Sauf à tenir le Parlement pour des chambres d’enregistrement, on peut déjà craindre des remous.
Respect des principes
Que vont faire les frondeurs de «Héritage et Modernité» ? Là réside l’intérêt politique de cette session. Alexandre Barro Chambrier, Michel Menga et leurs amis pourraient décider de ne pas ratifier les ordonnances en question. Ils pourraient exiger du gouvernement des projets de loi en bonne et due forme. Le principe de séparation des pouvoirs s’en trouverait conforté. Mais, un tel acte les mettrait en porte-à-faux avec leur formation politique. Inévitablement, ils seraient accusés de faire le lit de l’opposition. On serait alors au bord de la crise de régime. Et pour cause : l’autorité judiciaire ne manquerait pas de recevoir l’onde choc de ce rejet et l’on aurait beaucoup de mal à assurer la solde des fonctionnaires sans base légale. Les parlementaires de «Héritage et Modernité» peuvent-ils prendre ce risque ? On demande à voir… Déjà, certains interrogent leur appréciation de la question.
Dans une publication, le 3 septembre dernier, sur son compte Facebook et sur son blog, leur porte-parole revient sur l’Etat de droit. S’il n’évoque pas explicitement le fonctionnement de l’autorité judiciaire, il situe le respect des principes au fondement de la bonne gouvernance et du progrès économique et social. Manifestement, sa religion est faite : rien ne pourra se faire si l’on ne restaure pas préalablement «la confiance des Gabonais, entre citoyens, dans l’Etat, dans la République et l’engagement pour la cause publique». Autrement dit, il plaide pour des mécanismes compris et partagés par tous. Est-ce l’objectif poursuivi par un usage massif des ordonnances ? Peut-on accroître la légitimité de l’autorité judiciaire en modifiant ses règles de fonctionnement par ordonnance ? La justice étant la garantie de notre vivre ensemble, sa réforme doit faire l’objet d’un vrai débat national, susceptible de permettre à toutes les forces de s’exprimer et de garantir l’appropriation des nouveaux mécanismes par l’ensemble du corps social. On l’a vu en France quand il s’est agi d’introduire dans le code civil le mariage entre gens de même sexe. Est-ce l’objectif visé par l’usage d’une ordonnance ? Il est permis d’en douter…
Alexandre Barro Chambrier plaide aussi pour une croissance inclusive, «fondement de la cohésion sociale et de la stabilité politique». Pour lui, elle doit «se manifester par une offre abondante de travail pour le plus grand nombre et notamment pour les jeunes, par le logement pour tous, par la qualité de l’éducation et des soins de santé, par les développements urbains qui privilégient la qualité du cadre de vie et la sécurité pour tous». Peut-il alors se contenter d’une augmentation des salaires au bénéfice des seuls fonctionnaires ? N’est-il pas fondé à militer pour une démarche globale intégrant les salariés sous régime privé ? Ne peut-il pas faire prévaloir un traitement holistique de la question de la vie chère ? Il y a quelques temps, la Banque mondiale rendait les conclusions d’une étude sur la croissance et l’emploi au Gabon. Elle y évoquait l’adaptation du système éducatif, l’appui au secteur privé, l’assouplissement de la législation du travail, la réforme du système de sécurité sociale et le renforcement du cadre institutionnel de promotion de l’emploi. Mais, le Conseil des ministres a choisi l’angle de la hausse des salaires. Du coup, seuls les employés de l’Etat sont concernés. Est-ce bien une manière de promouvoir la croissance inclusive ?
Défendre le bien commun
Placés devant leurs responsabilités, les parlementaires, notamment les membres de «Héritage et Modernité», sont à l’épreuve des faits. Tout au long de l’actuelle session parlementaire, on cherchera à voir si leurs actes sont conformes à leurs paroles. A moins de laisser croire à un coup de folie, un coup de gueule sans lendemain, ils doivent bien mettre en pratique leurs idées. Ont-ils le devoir de soutenir le gouvernement issu de leur majorité et défendre le président du parti politique dont ils sont issus ? Certes. Mais, sur le principe, le mandat impératif est nul. Les ordonnances concernées ayant trait au pouvoir d’achat et surtout à la régulation de notre vivre ensemble, il faut, à la fin des fins, mettre en avant l’intérêt général. Intérêt général ? Cette notion n’appartient ni à la majorité ni à l’opposition. Elle est au cœur de la promesse républicaine. Pour Alexandre Barro Chambrier, Michel Menga et leurs amis, c’est l’heure de vérité.
En légiférant par ordonnance sur des matières comme le fonctionnement de la justice, le Code pénal, le Code de procédure pénale ou le statut général des fonctionnaires, on ne laisse pas aux parlementaires le choix de faire valoir leur libre arbitre ou de défendre le bien commun. On leur demande plutôt de voter mécaniquement et de se transformer en godillots. Vont-ils l’accepter ? A eux de choisir entre les intérêts particuliers et l’intérêt général…
 

 
GR
 

0 Commentaires

  1. petitpap dit :

    J’attends voir la réaction à la bande à ABC !

  2. YOVE dit :

    Ali Bongo et les émergents se sont toujours moqués de l’institution parlementaire dont ils estiment être les propriétaires des élus qui la constituent, pour les avoir « investis dans le cadre du parti », selon la formule de l’inénarrable ABO.
    Aujourd’hui, au vu de la prise de conscience qu’ils ont opérée, de leur discours critique à l’égard de l’Exécutif, et compte tenu de leur nombre (90 députés et 7 sénateurs), les parlementaires se réclamant de H&M devraient pouvoir se rendre compte de leur force commune et agir en conséquence.
    Comme le laisse entendre Roxane B. dans son article, l’enjeu est de taille. A mon petit niveau, j’encourage donc tous les parlementaires membres de H&M à faire mieux que se rebiffer, en posant les actes forts sur lesquels ils sont attendus, au nom de l’intérêt général et pour un meilleur vivre ensemble. Là est le lourd privilège des gens de pouvoir.

  3. Le gabonais dit :

    Ils ont dénoncé. Il faut maintenant joindre l’acte à la parole. See and wait. On doit voir votre réelle détermination.

  4. Francophone dit :

    Que voulez-vous que ABC&Co fassent ? restons sérieux !
    Le fait de légiférer par ordonnance ne plaide t il pas pour eux ?
    ALI et son Vaudouman n’en font que pour leurs intérêts ….
    Comme tous les gabonais(es) ,une seule exigence ;ALI DÉGAGE !

  5. imagine56 dit :

    Eh bien c’est l’heure de vérité
    suspense, que va faire Héritage et Modernité?
    tan pri souplè ABC ne me déçois pas, Yove m’attend au tournant pour rire à gorge déployée si tu te comportes comme un crétin
    sois courageux, planchez uniquement sur la loi des Finances
    je croise les doigts.

  6. Steeven Wenshecelas dit :

    L’autre a dit il ne reçoit pas les injonctions des personnes qu’il a lui même investi. Pour dire que les parlementaires sont nommés et non élus. Qui vivra verra.

  7. kombila dit :

    Pour les PDGistes, c’est un problème de très haute importance que Roxane soulève ici. Il concerne autant les parlementaires que leur distingué camarade Ali Bongo et l’avenir même du PDG.
    En effet, ce qu’il faut reconnaitre d’emblée, c’est que les ordonnances ne se sont pas retrouvées là, par hasard, sous forme d’avalanche, devant les parlementaires. Ce phénomène poursuit un objectif bien précis, qui peut revêtir plusieurs interprétations. On peut gloser là-dessus à l’infini, mais l’endroit n’est pas adapté. Toutefois, on peut penser que le calcul à mieux de justifier cette « avalanche d’ordonnances », est masqué derrière une volonté du pouvoir, du moins du distingué camarade du PDG, de tester la détermination de ses amis, partisans des thèses de H&M, Héritage et modernités, dans le but de s’assurer s’ils peuvent le désavouer ou non.
    Pour être direct, je suis absolument en adéquation avec la thèse de Roxane, proclamant la venue de l’heure de la vérité. Cette heure met en évidence deux camps distincts au sein du PDG. Le premier, conduit par Ali, défend les intérêts de la famille Bongo, avec tout ce qu’il comporte d’affaires financières et politiques, et les intérêts additionnels de ceux qui les soutiennent. Tout ce beau monde, pour la plupart, est empêtré dans des questions soit de négoce, soit d’affairisme que la politique leur permet de résoudre facilement et de les protéger aussi, si nécessaire. Ils choisissent de mener ces questions, la plupart du temps, en y associant plutôt des étrangers ou d’autres individus empêtrés pour la plupart, dans des procès judiciaires. Il s’agit d’un type de culture politique que les Gabonais dans leur ensemble, dénoncent et rejettent aujourd’hui avec vigueur.
    Au sein du PDG, « H&M » veut passer pour la voix de cette frange de militants désireux d’extraire de leur mouvement ce qu’ils ont qualifié eux-mêmes, de «militants aux pieds profondément enfoncés dans la boue de l’enrichissement… » Ce qualificatif traduit toute la différence entre ceux qui regardent l’Etat comme un bien familial dédié à leur seule jouissance à travers la facilitation de l’accès aux biens matériels, financiers et juridiques ; et d’autres qui considèrent ce même Etat comme un bien commun qu’il faut destiner à donner à chacun de ses enfants selon ses droits.
    Pour ceux-ci, même si pendant près de quatre décennies de règne, le PDG a commis de grossières erreurs de gouvernance et de partage des richesses nationales, ces erreurs sont devenues plus criardes encore depuis ces dernières années, avec en sus, une arrogance très gênante et une manière subtile de narguer les exclus de certains cercles.
    Face à une telle situation, les militants ont tôt fait de se recroqueviller dans un silence prudent et d’observer ces nouvelles manières en vigueur au sein de leur parti, qui s’apparentent des guéguerres inutiles et contreproductives. Ils ont beau fait de se retrouver entre eux, avec confiance et toujours avec ce don de militantisme qui les caractérise depuis des décennies, sans jamais plus ressentir ce charme d’antan, qui faisait la force invisible de leur parti. Il suffit aujourd’hui, pour s’en convaincre, de se trouver dans quelque milieu, jusque sur ce site, pour avoir un aperçu de leur désarroi, résumé par la signature du « pdgiste déçu ».
    Les projets d’ordonnances déposés sur leurs tables aujourd’hui interpellent en effet les députés dans leur ensemble et, particulièrement ceux de « Héritage et Modernités ». Ils leur donnent l’occasion de faire la preuve, en toute âme et conscience, qu’ils sont des députés du PDG, certes, mais obligent chacun à préciser son obédience : celle des béni oui oui, que la hiérarchie destine à avaliser des décisions parfois iniques et doit peupler toute l’Assemblée ; …ou celle de ces autres députés, brusquement conscients de leur charge de représentants des populations et des autres militants du PDG, leurs véritables juges et leurs électeurs, dont les cris de détresse déchirent constamment leurs oreilles à chaque déplacement dans l’hinterland et devant lesquels ils manquent désespérément de nouveaux arguments pour les rassurer ?
    Finalement, on est en droit de se demander vers quoi peuvent conduire toutes ces gesticulations ? A une dissolution de l’Assemblée nationale ou simplement, à une exclusion de certains militants du PDG ? Qui pourrait tirer avantage de telle ou telle perspective ? Là se situe, à mon sens, l’un des autres enjeux de la controverse que soulève la présentation de ces textes devant le parlement.

  8. Gabon d'abord dit :

    plus fort que le « Rire à gogo »

  9. doukdouk dit :

    j’attends une chose, que les élus d’héritage et modernité interpellent les ministres et fassent appliquer les lois à l’assemblée- a ce moment on verra réellement leur degré d’intégrité-

  10. FLASH dit :

    La problématique posée par Roxane est à mon avis mieux appréhendée par Mr Kombola dans son analyse. Mais en fin de compte l’objectif final desservira l’intérêt général car in fine c’est le courant H&M qui est visé par cette procédure parlementaire des ordonnances.

  11. DIBALE DI MOUTOU dit :

    Vraiment mon pauvre GABON ,qu’as tu fais as tes enfants pour qu’ils puissent te déshonorer aux limites extrêmes de la bêtisé !
    Comment comprendre qu’un pays aussi riche en matière grise et en matière minérale soit géré par un cancre aux bornes de la stupidité ?voici un illuminé de l’ombre qui se prend pour un gourous dans son temple !
    Gabonais et Gabonaises:
    « Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. »
    « Soyez résolus de ne servir plus, et vous serez libres.  »
    « Chose vraiment surprenante (…) c’est de voir des millions de millions d’hommes, misérablement asservis, et soumis tête baissée, à un joug déplorable, non qu’ils soient contraints par une force majeure, mais parce qu’ils sont fascinés et, pour ainsi dire, ensorcelés par le seul nom d’un bongo, qu’ils ne devraient redouter, puisqu’il est seul, ni chérir, puisqu’il est, envers eux tous, inhumain et cruel »
    SACHEZ CHERS GABONAIS : « Il y a trois sortes de tyrans. Les uns règnent par l’élection du peuple, les autres par la force des armes, les derniers par succession (ali bongo)… ».
    proverbes tirés de Discours de la servitude volontaire de Étienne de La Boétie

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