Le nombre de malades mentaux errants dans les rues de Port-Gentil, sans famille et menaçant l’ordre public, ne cesse d’inquiéter la population. Abandonnés à leur triste sort, ils méritent pourtant le regard des pouvoirs publics et de tous.

Fou à Port-Gentil Gabon

 

En 1948, l’Organisation Mondiale de la Santé a défini la santé comme «un état de complet bien-être physique, mental et social, et (qui) ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité». La composante mentale est essentielle dans cette définition donnée par OMS. Mais que constate-t-on, notamment à Port-Gentil ?

A l’entrée d’une boulangerie au centre ville, dans le deuxième arrondissement de la ville pétrolière, deux malades mentaux font régulièrement la quête, l’un moins agressif accompagné de chiens errants et l’autre, agressif. A quelques encablures de là, un autre malade fait les selles les dans l’indifférence générale des passants. Au quartier Château cette fois, c’est une femme qui pourchasse régulièrement les jeunes filles de 10 à 13 ans de retour de l’école. Les enfants poursuivis se précipitent de traverser la voie à grande circulation avec tous les risques possibles. Un peu plus loin, au carrefour Jean Rémy Ogoula, une autre malade mentale expose sa nudité aux regards des passants. Au carrefour Léon Mba, un déficient mental entretient un feu quotidiennement sur le trottoir, avec tous les risques que cela comporte.

Ces scènes quotidiennes montrent que les populations sont exposées aux violences des déficients mentaux. Mais La situation ne semble gêner personne. «Cela donne parfois l’impression que l’Etat ne fait rien pour cette catégorie de personnes. Pourtant, des actions discrètes sont faites comme à Libreville, mais elles demeurent insuffisantes car la couverture sanitaire dans le domaine ne couvre pas les 9 provinces, surtout les grandes villes. Le sort de ces hommes, femmes et enfants, est pourtant très déplorable. Les familles incapables de contenir les violences et les comportements étranges de certains d’entre eux, ne savent quelles solutions prendre», relève Martin Omanda, un citoyen de Port-Gentil.

La prise en charge et le traitement des malades sont quasiment inexistants dans cette ville de plus de 150.000 âmes. L’absence des spécialistes (psychiatre, psychoclinicien et psychopathologie) et d’une structure pour les accueillir en sont la preuve. Certains parents soucieux font recours aux guérisseurs et aux pasteurs des églises du réveil plutôt qu’aux psychiatres qu’on ne rencontre qu’à Libreville. «Les parents viennent avec leurs enfants ou membres de leur famille, malades mentaux. Les uns trouvent la guérison et d’autres non. Dans notre métier, il n’y pas de science exacte. Les feuilles qui guérissent l’un peuvent être inefficaces pour l’autre», explique Mabounba, un guérisseur traditionnel.

Pour certains pasteurs des églises dites du réveil, la foi est la panacée. «L’homme soigne, mais c’est Dieu qui est le médecin par excellence, celui qui guérit toutes les maladies par le sang et le nom de Jésus. Nous avons reçu plusieurs cas, ceux qui ont cru, ont retrouvé leur conscience. Ce qu’on déplore, c’est l’abandon des parents. Ils viennent déposer le malade et c’est fini, ce n’est plus leur affaire. Tout revient au pasteur», déplore un devancier du Christianisme céleste.

En l’absence de statistiques, il est difficile de trancher sur le nombre de malades mentaux qui errent dans les rues de Port-Gentil. Une situation qui s’aggrave au fil des jours en raison du manque de structure d’accueil.

Des nombreux Port-Gentillais pensent que les préjugés qui entourent les maladies mentales, généralement considérées à tort comme irréversibles, sont pour beaucoup dans la stigmatisation des personnes ayant souffert de troubles mentaux à un moment de leur existence. «Parfois, les membres la famille pensaient que mon frère consommait  des drogues, que c’est pourquoi il était devenu fou et que c’est cela qui constitue la cause de ses rechutes», souligne Merlin qui a perdu son cadet malade mental renversé par un camion au marché du Grand Village, l’année dernière.

Aucune stratégie d’encadrement n’est visible au niveau communautaire. Certaines familles désespérées, après avoir tenté de trouver la solution chez les hommes d’églises et guérisseurs traditionnels, ne se donnent plus la peine de s’occuper de leurs malades et finissent par baisser les bras. D’où le nombre croissant des malades mentaux qu’on rencontre dans les rues.

Durant des siècles, les maladies de l’esprit ont été considérées comme un mal social totalement indépendant de la santé physique. Aujourd’hui, cependant, la plupart s’accorde sur le fait que les troubles mentaux ne surviennent pas seuls. Selon certains psychologues, ils sont souvent liés ou associés à d’autres problèmes médicaux, tels que les maladies cardiaques, le diabète, le cancer et les troubles neurologiques, et se produisent en réponse à de nombreuses situations de vie. Les problèmes d’ordre médical et personnel d’une personne n’affectent pas seulement une partie de son corps, mais bien le corps dans son ensemble, chaque partie ayant une incidence sur les autres. Il semble évident qu’en choisissant une approche holistique et intégrée pour traiter les problèmes de santé d’une personne, on obtient un meilleur résultat et de meilleures perspectives en termes de rétablissement et de productivité.

 
GR
 

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