A la tête de La Poste SA depuis plus de deux ans, Michaël Adandé évoque dans cette interview la crise que traverse son entreprise, les efforts déployés pour assainir la situation et l’horizon dégagé par la mutation en cours au sein de cette entreprise publique.

Le PDG de la Poste SA, Michaël Adandé. © Gabonreview

 

Quelle différence entre la Poste SA à votre arrivée et celle sous votre présidence ?

Michaël Adandé : La Poste en octobre 2015 était une Poste qui pour des raisons diverses et les tensions de trésorerie, avait fermé portes et guichets. À partir d’une telle situation, tout le monde s’est retrouvé un peu dans le désarroi. Mais, le propriétaire de la Poste (l’Etat) a pris des mesures urgentes, en mettant en place une nouvelle direction avec des orientations claires pour redresser la Poste. La Poste était organisée en holding avec cinq filiales qui généraient des coûts importants avec des recettes très faibles et se retrouvait donc face à l’effet ciseau où les dépenses sont plus élevées que les recettes.

Pendant un moment, le groupe La Poste a pu tenir simplement en utilisant les dépôts de la clientèle. Mais cette utilisation ne pouvait pas durer longtemps. Il est arrivé un moment, où en octobre 2015, la Poste, notamment, la filiale Poste Bank a fermé porte et guichet créant toutes les inquiétudes que nous avons connues. Mais depuis lors, des dispositions ont été prises. Un état des lieux a été fait, un plan de redressement a été validé par les instances internes et confirmé par le gouvernement. Ce plan de redressement a été mis en œuvre en grande partie et a posé quelques problèmes au niveau de son financement, parce qu’il fallait reconstituer les fonds propres de cette filiale bancaire d’au moins 37 milliards de francs et ce montant est apparu très élevé. Nous avons donc reçu instruction de présenter d’autres alternatives.

Au-delà du financement, le plan de redressement s’est attaqué aux faiblesses relevées non seulement par les contrôles internes des commissaires aux comptes et surtout par la Cobac qui est l’organe de surveillance. Le cahier des charges que nous avons élaboré a tenu compte de ces faiblesses. Et au regard de ces faiblesses, on se rend compte qu’il fallait bâtir la filiale bancaire en tenant compte des standards internationaux, des normes connues à travers le monde et de faire de cette filiale une véritable institution financière, une entreprise sécurisée et offrant des prestations de qualité.

Le PDG de la Poste SA, Michaël Adandé. © Gabonreview

La Poste SA a récemment liquidé la Poste Bank et l’a remplacée par Poste Finance. Quelle pertinence ?

La Cobac se devait de faire son travail. Par conséquent, elle a d’abord mis La Poste Bank sous administration provisoire et le renforcement de fonds propres d’au moins 37 milliards, nécessitait qu’on trouve une autre solution. Cette solution nous a conduits effectivement à proposer la création d’une microfinance de deuxième catégorie, une institution financière qui répond aux besoins de la clientèle que nous avons aujourd’hui et qui est une clientèle parfois qui n’est pas prise en compte par le système bancaire local.

Or, l’atout de La Poste c’est sa présence sur l’ensemble du territoire. Et cette clientèle arrive à satisfaire ses besoins et ceux-ci ont été pris en compte et nous pensons qu’avec une entreprise de micro finance de deuxième catégorie, la clientèle peut être satisfaite.

Cette institution de microfinance de deuxième catégorie peut faire l’objet d’incompréhension, mais nous l’avons bâti exactement comme une banque. C’est-à-dire que nous avons respecté toutes les directives, toutes les précautions qu’il faut prendre pour qu’une banque puisse être performante, puisse travailler. Que ce soit en termes de gouvernance, de contrôle, de système d’information, d’organisation ou d’hommes.

Vous savez, c’est un secteur très encadré et nous gagnerions à respecter les directives de la Cobac. Dans un premier temps, il faut que l’entreprise soit créée comme une société. Qu’elle existe sur le plan juridique, légal et une fois qu’elle est créée, il faut passer à la désignation du commissaire aux comptes, à la désignation des administrateurs, du président du Conseil d’administration et des principaux dirigeants. Toutes ces informations doivent compléter le dossier qui sera adressé à l’autorité monétaire pour être examiné et présenté au Conseil national de crédit avant d’arriver à la Cobac, en vue d’obtenir un agrément.

Et les épargnants de La Poste Bank?

Nous prenons toutes les dispositions pour que le dossier qui sera présenté à la Cobac soit un dossier solide. Car la structure est là également pour protéger les épargnants.

Dans le cas de Poste Bank, nous pouvons nous féliciter du fait que l’État est soucieux des épargnants. Il a donc donné sa garantie pour désintéresser les clients. Ce qu’il s’est passé à La Poste Bank a permis aux clients, à certains épargnants et parfois en interne à ceux qui travaillent, d’arriver à des opérations irrégulières.

La garantie de l’État va couvrir les opérations régulières. Les épargnants qui ont effectivement mis leurs épargnes à Poste Bank, finiront par être désintéressés. Le processus peut paraître long, à une période où l’État est également en restriction budgétaire. Mais des efforts sont déployés pour couvrir le gap qui a été constaté au niveau du groupe La Poste SA et particulièrement au niveau de sa filiale Poste Bank.

Certains postiers ont été interpellés pour malversation financière. Ce dossier est-il bouclé ?

C’est vrai que c’est l’État qui a porté plainte. Nous sommes dans un pays organisé, un État de droit et ce processus suit son court. Autant, je vous disais que le redressement peut paraître lent, autant on peut avoir l’impression que la Justice est également lente. Mais je crois que la Justice est en train de faire son travail et n’étant pas spécialiste du domaine, je ne peux pas rentrer dans les détails.

La Poste a été victime d’un incendie le 23 janvier. Avez-vous déjà des éléments de l’enquête?

Nous sommes dans un pays organisé. Chacun intervient dans son domaine. Les pompiers sont intervenus pour maîtriser l’incendie et sécuriser les lieux. Ils feront leur rapport technique rien qu’en ce qui concerne le feu, y compris des propositions pour sécuriser davantage le site.

Maintenant, je crois que ce rapport va passer aux mains des administrations chargées de l’enquête, et l’enquête va se poursuivre avant de pouvoir se prononcer formellement sur la cause réelle de cet incendie.

Cela peut paraître long, mais je sais que les équipes sont à pied d’œuvre. C’est un travail délicat dans la mesure où tout a cramé. Mais comme il y a des spécialistes en la matière, je crois qu’ils feront correctement leur travail et fournir un rapport conséquent.

Le PDG de la Poste SA, Michaël Adandé. © Gabonreview

Comment voyez-vous La Poste dans cinq ans?

Avec beaucoup d’espoir et beaucoup de sérénité. Le chemin est parfois plein d’embuches, mais nous avons fait des progrès énormes et avancées importantes.

Entre La Poste de 2015 et La Poste d’aujourd’hui, nous avons une éclaircie et un horizon qui est plein d’espoir. Ce n’est pas parce que nous avons un retard à désintéresser les clients ou des décalages pour payer des salaires, que la Poste n’est pas redressée. Ce qui compte dans un premier temps, c’est la pérennité de l’entreprise qui repose sur les conditions d’exploitation et celles de gestion.

L’entreprise possède aujourd’hui des outils performants, sécurisés, une organisation et une gouvernance avérée.

Parce qu’il y a désormais des standards que nous avons mis en place et qui permettront à La Poste de faire des performances, d’être autonome, d’alléger le trésor public et surtout de faire des bénéfices et pourquoi pas, payer des impôts sur ces bénéfices.

Je suis persuadé que nous avons une équipe ici, qui peut être fière du travail qui a été fait. Parce que c’est en interne avec ces équipes que ce redressement a été fait. Donc nous sommes capables de faire d’avantage.

Certains de vos clients disent avoir perdu confiance en La Poste.

Je comprends ces Gabonais, et je crois qu’au lieu de faire beaucoup de tapage ou de publicité, c’est mieux de les laisser constater les améliorations et les transformations qui se déroulent aujourd’hui à La Poste. A partir de ce constat, je crois que la confiance sera totale. Nous avons encore beaucoup de nos compatriotes à la Poste. Nous faisons tous les jours des efforts pour améliorer les prestations que nous leur fournissons et comme je viens de vous le dire, nous avons fait des avancées énormes. Nous ne sommes pas encore équipés en monétique, en distributeur automatique de billets, sinon il n’y aura plus tellement d’affluence devant nos guichets.

J’en appelle à l’indulgence de la clientèle, à l’adhésion du personnel au plan de redressement qui a été mis en place. C’est ensemble que nous pouvons relever ce défi, faire la Poste une entreprise solide, performante et pérenne.

 
GR
 

5 Commentaires

  1. LE VOYAGEUR dit :

    les gabonais ne s’occupent dans du charabia des gestionnaires ou économiste. le gabonais veut savoir si la fin du mois il pourra payer ses factures. à quand les meilleures condition de travail et les salaires des agents?

  2. Pascal NTOUTOUME dit :

    Lorsqu’il disent ceci : Les épargnants qui ont effectivement mis leurs épargnes à Poste Bank, finiront par être désintéressés. qu’est-ce qu’ils veulent dire par la ? qu’ils ne vont plus remboursés et nous allons oubliés ?

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