Au cours des échanges sur les origines de nombreux footballeurs de l’équipe de France, chacun a pu apprécier la hargne, la virulence et même l’agressivité des arguments.

Les footballeurs de l’équipe de France, champions du monde 2018. © D.R.

 

Et si la polémique sur l’africanité de l’équipe de France de football était révélatrice de nos propres peurs ? Et si elle traduisait nos difficultés à affronter le présent pour mieux inventer le futur ? Et si elle nous avait placés face à nos propres démons ? Chacun a pu apprécier la hargne, la virulence et même l’agressivité des arguments échangés depuis quelques jours. Le droit, la psychologie sociale, l’histoire, la géographie et même la philosophie ont été convoqués pour justifier tout et son contraire. D’arguments en arguties, de sophismes en syllogismes tout y est passé. Généralement menés sur les réseaux sociaux et animés par des personnes installées hors du continent, ces échanges ont donné lieu aux amalgames simplistes et à une généralisation hâtive. Rarement, les  équations personnelles de ces jeunes footballeurs n’ont été prises en compte. A aucun moment, les internautes n’ont essayé d’appliquer leur raisonnement aux équipes africaines. Avaient-ils peur d’en mesurer la pertinence ? On ne se risquera pas à l’affirmer.

Afrique diverse et plurielle

En regardant les compositions des équipes nationales africaines, on mesure l’absurdité et la perversité des arguments entendus. On prend conscience des errances idéologiques d’une certaine opinion, prête à céder aux sirènes du nationalisme ou à légitimer la logique de race pure. Au lieu de se conformer à l’esprit de la Coupe du monde, les internautes ont préféré globaliser. Au lieu de défendre les valeurs du sport, ils ont entrepris de discourir sur les questions identitaires. Là où les pays se mettent en compétition, ils ont choisi de parler d’un continent, dérivant ensuite sur une lecture racialiste. Passant par pertes et profits la triple exigence d’excellence, d’amitié et de respect, ils ont nourri tous les doutes sur notre propre vivre ensemble. A-t-on le droit de renvoyer des footballeurs français aux origines de leurs parents ? N’est-ce pas une manière détournée d’ouvrir la voie à des insinuations xénophobes sur certains cadres des équipes nationales africaines ?

Parler de l’histoire de l’Afrique sera toujours légitime. Mais on ne peut occulter une réalité : depuis plus d’un demi-siècle maintenant, chacun de nos pays dessine sa propre trajectoire, forge son identité. Parler d’identité africaine c’est raisonner comme si l’Afrique est homogène et uniforme. C’est faire comme si tous les Africains se reconnaissent dans les mêmes symboles, les mêmes valeurs et, les mêmes représentations. Comme s’ils ont le même mode de vie.  Or, notre continent est habité par des animistes de différentes chapelles, des chrétiens et des musulmans. On y parle français, anglais, arabe, swahili, amharique, haoussa, yoruba, oromo ou lingala. Si on y pratique le culte des ancêtres, on y célèbre aussi certaines divinités et prophètes. A tout point de vue, l’Afrique est diverse et plurielle. Pour les afro-pessimistes, c’est le royaume de la mal gouvernance et de la paresse, où le recours systématique au passé permet de justifier le retard actuel ou de revendiquer une partie des triomphes d’autrui. En attribuant la victoire française à l’Afrique, de nombreux internautes ont conforté cette position.

Pleine citoyenneté, antidote du différentialisme

Les commentaires sur l’équipe de France renvoient, en réalité, au rapport des sociétés africaines à l’immigration. Ils commandent de répondre à la question sous-jacente posée par tout ce ramdam : la reconnaissance et l’acceptation des citoyens d’origine étrangère. Sont-ils fondés à s’impliquer dans l’ensemble des activités ? Peuvent-ils revendiquer leur double appartenance sans s’exposer à la critique voire à des représailles ? Peuvent-ils entretenir des particularismes sans être invitées à l’assimilation ? Sans s’en rendre compte, les internautes ont ravivé le souvenir de certains débats, notamment ceux portant sur l’ »ivoirité » en Côte d’Ivoire ou la place de la « légion étrangère » au Gabon. Organicistes ou essentialistes, toutes les notions ont ainsi été analysées : nationalité, citoyenneté, origine, ascendance, identité, allochtonie, autochtonie, exclusion, intégration, immigration…

Pourtant, au vu des évolutions du monde, le vrai débat réside dans le dialogue entre citoyenneté et démocratie. D’origine étrangère ou « de souche« , les citoyens doivent jouir des mêmes droits. Ces droits doivent être, tout à la fois, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Ils doivent aussi correspondre à des devoirs équivalents.  Au-delà, la volonté générale doit faire droit à l’intérêt particulier. Peut-on rester soi-même après avoir adopté les us et coutumes d’une communauté ? La reconnaissance d’autrui doit-elle être réciproque ou à sens unique ? Voilà des pistes de réflexion. C’est, en tout cas, une manière d’aborder la question de la pleine et entière citoyenneté, antidote du différentialisme.

 
GR
 

9 Commentaires

  1. Ponce Pilate dit :

    Lu sur le net.

    « on donnerai la même équipe à un pays africain qu’elle ne passerai même pas la première phase :
    -l’argent des préparations serait détourné
    -La délégation remplie de maîtresses et de parents pour le tourisme
    -Le préparateurs psychologues remplacé par des pasteurs et des féticheurs
    -Le médecin choisit par affinités avec le Ministre
    -…

    Bref, la couleur ne suffit pas pour dire que cette équipe est africaine.

    • Ngota dit :

      Je suis entièrement d’accord.

      Il nous manque vraiment du temps pour nos apitoyer sur notre propre sort pour en perdre à revendiquer celles d’autrui quoi.

      Certains africains font honte par leurs raisonnement. On dirait qu’ils sont incapables d’être autre chose que noirs. C’est difficile à dire mais… Hélas!

      Je parie que certains d’entre eux pensent que c’est la France qui a tout fait pour qu’aucun pays africain ne passe le premier tour de la coupe du monde.

      Le culte de la théorie du complot reflète la paresse, le complexe et le refus de s’affranchir comme l’ont fait les asiatiques et les latinos americains, de la colonisation. Chiche!

  2. MEYE dit :

    Ponce Pilate. Merci pour tes propos.

    Pourquoi ces jeunes partent ? Parce que l’Afrique ne leur offre rien de bon. C’est la politique qui tue tout en Afrique Francophone. Des présidents à vie et de père en fils. Mon fils qui est au PSG, dans deux ans, il va signer son premier contrat pro. S’il est bon, il jouera pour l’équipe de France, même je le lui dis tous les jours à chaque fois qu’on en parle. Il doit vivre sa vie comme il l’attend et comme il le veut

  3. Denegre Alain dit :

    Combien de temps faudra-t-il à l’humain pour ne plus utiliser le mot race en parlant de l’humain .Sur cette terre il n’y a qu’une race .le noir et le blanc sont de la même race sinon ils ne pourraient pas procréer ensemble Un chien et un chat sont bien de races différentes ils n’arriveronr Jamais à faire un enfant
    Le noir le rouge le jaune et le blanc sont tous de la même race
    Par contre la bêtise humaine est la seule chose qui donne une idée de l’infini Malgré mon nom de famille dont je suis fier je suis blanc mais de souche affricaine il y a plus de 450 ans alors de quelle race serai je si on parlait de race en fonction de la couleur ??

  4. Elop dit :

    Cet article, un peu trop touffu, nous rappelle l’intervention du Père Paul MBA ABESSOLE, qui refuse quasiment aux Africains le droit de revendiquer ou de souligner l’origine africaine d’une partie de l’équipe de France de football, gagnante de la coupe du monde 2018.

    Il faut peut-être vous rappeler ce qui suit.

    On n’est pas Africain parce que l’on vit en Afrique, que l’on y est né ou que l’on y a été formé. Autrement, les Noirs Américains ne se réclameraient pas de l’Afrique et n’exigeraient d’être identitairement désignés comme « Africains-Américains ».

    D’autre part, les joueurs noirs de l’équipe de France peuvent ne pas eux-mêmes se réclamer de l’Afrique, mais les autres français les voient comme des « Africains » et ne manquent pas de le dire. Yannick NOAH, Thierry HENRY, Jean TIGANA, … en savent quelque chose. A la moindre accasion, on leur balance au visage leur couleur de peau qui rappelle l’Afrique.

    Enfin, comment pouvez-vous refuser aux Douala du Cameroun le droit de se reconnaître en Kilian MBAPPE, né de leur frère Wilfrid MBAPPE !!!

    Peut-on reprocher aux BASSA du Cameroun de vibrer pour Samuel UMTITI, né à Yaoundé, arrière petit fils du résistant indépendantiste Ruben UM NYOBE ?

    Savez-vous que le grand frère de Paul POGBA (même père même mère) joue dans l’équipe nationale de … Guinée Conakry?

    POGBA, MBAPPE, MATUIDI, UMTITI, KANTE, … sont certes Français, mais aussi Africains.

    • Bibang Serge dit :

      @Elop. Vous avez lu un autre article. Je vous résume celui-ci : »Si Pogba est guinéen, est ce que Ecuele Manga est camerounais ? Si les Panthère s gagnent. c’est la victoire du Gabon ?

    • LeGambanais dit :

      Elop, savais-tu que les frères Boating jouent pour 2 pays différents? L’Allemagne pour l’un et le Ghana pour l’autre?

      Je n’arrivent pas à comprendre pourquoi on veut toujours identifier ces joueurs à l’Afrique. Les mecs sont français et point. Vont-ils venir chez nous abandonner leurs modes de vie, leurs vies?

      Moi, pour ma part, je ne m’identifie qu’à ceux qui me reconnaissent, nous reconnaissent. PEA est l’une de ces figures qui honorent mon pays, dans bientôt nous auront le petit Bouanga.

      Donc les « Bâ » POGBA, MATUIDI et consort, ce ne me regarde pas. Ils sont Française, même si ils ne sont pas si Galois que ça.

      • Elop dit :

        Bien sûr que je sais que les frères BOATING, Jérôme et Kevin Prince, jouent respectivement pour l’Allemagne et le Ghana. Ils sont de père ghanéen et de mère allemande. Reconnaissons aux ghanéens et aux allemands le droit de se reconnaître en ces deux binationaux. Je ne vois pas pourquoi il faut en faire une polémique.

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