Comme en France où le président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale et celui de la Commission des finances du Sénat sont issus de l’opposition, le Gabon ne devrait-il pas désigner, dans une trentaine de mois, lors du renouvellement des conseillers-membres de cette institution, un membre de l’opposition pour diriger le Conseil national de la Communication (CNC) ? Cela donnerait un bol d’air frais à cette institution qui en manque cruellement. Parce que, pour le moment, le CNC est tout sauf une institution qui assume clairement ses responsabilités, au sens démocratique du terme.

Une réunion au CNC sous la présidence de Guy-Bertrand Mapangou, en octobre 2013. © Gabonreview
Une réunion au CNC sous la présidence de Guy-Bertrand Mapangou, en octobre 2013. © Gabonreview

 
Alors que tous les observateurs s’attendaient à une condamnation par le Conseil national de la communication les actes de piratage dont ont été victimes, ces trois dernières semaines, deux hebdomadaires nationaux, à savoir L’Aube et La Loupe, l’assemblée plénière du CNC réunie sous la présidence de Jean-François Ndongou, le mercredi 17 septembre 2014, n’a rien dit sur ce déni de démocratie. Même l’organisation de défense et de protection des journalistes, Reporters sans Frontières (RSF), a saisi les autorités gouvernementales pour dénoncer un tel acte, et en demander les raisons ; cela aurait pu aider le Conseil national de la Communication à surfer sur cette affaire, mais il a plutôt choisi de se taire. C’est un scandale ! C’est un mutisme honteux ! Un mutisme qui n’honore pas cette institution ! Pourtant, cette institution compte quand même en son sein des personnalités comme Gilles-Térence Nzoghé, universitaire, historien et journaliste qui, aux côtés de Marc Saturnin Nan Nguéma et de Paul Mbadinga Matsiendy, a créé Fréquence 3, la deuxième radio libre du Gabon en 1993, après Radio Liberté.
Il est vrai que ce n’est pas la première fois depuis l’arrivée de l’ancien premier flic du Gabon à la présidence du CNC que l’institution de régulation de la communication manifeste une telle indifférence à des actes ayant eu tendance à obstruer la liberté d’expression et d’opinion et le pluralisme, socle de tout système démocratique. Il est vrai que le statut des conseillers-membres du CNC peut parfois passer pour précaire, parce qu’ils peuvent être débarqués de leurs responsabilités avant la fin de leur mandat, ainsi qu’on la vu avec un bon nombre de présidents de l’institution, «libérés» pour entrer au gouvernement, à l’instar tout dernièrement de Guy-Bertrand Mapangou ; ce qui les rend extrêmement prudents, obséquieux à l’égard du pouvoir et les fait ressembler à des béni oui-oui. La faute à qui ? La faute aux hommes de média qui ne se battent pas pour que le CNC soit une institution démocratique. Ils se devaient de mener un combat qui ne saurait tolérer aucune résignation. La faute à qui d’autre ? La faute au système qui a établi que seuls des hommes et des femmes proches du pouvoir pouvaient siéger dans le Collège de telles institutions.
En réalité, il n’y a rien à reprocher à Jean-François Ndongou et à ses collègues conseillers membres de cette institution. Choisis par le président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale, Jean-François Ndongou, Brigitte Anguile-Diop, Fidèle Etchenda, Gilles Térence Nzoghé, Jean de Dieu Ndong Ovono et les autres ne peuvent réellement avoir les coudées franches dans l’exercice de leurs attributions et missions. «S’il y en a un qui se lève dans le but d’amener les autres membres du Collège des conseillers-membres vers une affirmation d’autonomie ou d’indépendance à l’égard des tenants du pouvoir, il sera broyé par ses pairs d’abord, par les autorités nommantes ensuite», affirme un ancien conseiller-membre qui y a siégé entre 2007 et 2012.
En fait, c’est au président de la République de décider, pour donner un peu d’air à la démocratie gabonaise, de donner au CNC une réelle autonomie morale en désignant quelqu’un qui ne lui soit pas proche au sommet de cette institution. Cela constituerait une évidente modernisation de la vie des institutions, de la vie politique tout court. «L’opinion est massivement consciente de l’anachronisme» que représentent aujourd’hui les personnalités nommées au Conseil national de la Communication. Celles-ci sont décriées dès la minute qui suit leur nomination, parce qu’il s’agit toujours généralement de personnes encartées PDG. Il faudrait donc prendre des mesures pour corriger ce quasi-monopole des membres ou des proches du Parti démocratique gabonais (PDG) au niveau des candidatures, car «l’idée d’un CNC homogène, unicolore, à la pensée unique, «politiquement correct», apparaît dorénavant d’un autre âge». 
Aussi, quel que soit celui qui exercera la fonction suprême au moment du renouvellement des conseillers-membres du CNC, il faudrait qu’il laisse une personnalité de l’autre bord diriger l’institution de régulation de la communication. Cela donnerait plus de cohérence à la vie publique, à la démocratie que ce pays mérite d’avoir près de vingt-cinq ans après le retour au multipartisme. Cela permettrait aussi au CNC de devenir une institution responsable. Le Gabon ne peut continuer à être un pays moderne qui garde des traits archaïques.
 
 

 
GR
 

0 Commentaires

  1. Jean-Marcel BOULINGUI dit :

    Pour donner un souffle nouveau à la démocratie gabonaise, ce serait bien. Mais le pouvoir peut-il le faire ?

  2. jean bille dit :

    il y a d’autres postes qui mériteraient d’être confiés à des opposants « gueulards et donneurs de leçons en toute gestion »: enrichissement illicite, cour constitutionnelle, inspections des services ministériels, etc….mais est ce là un critère de compétence? j’en doute car tout pouvoir corrompt, et particulièrement chez les nègres que nous sommes. d’où le rapport compliqué à l’argent et au pouvoir que nous avons.

  3. Nzalemutubu dit :

    Et pourtant nous savons tous que l’opposant une fois nommée adhère vite au lendemain de sa nommination au parti de Masse pour préserver ses chances d’y rester longtemps! Ah c’est ca le Gabon!

  4. Bil Ngana dit :

    Aussitôt ressuscitée en 1990, la démocratie gabonaise avait mis en place, de nouvelles institutions comme le CNC afin de se donner des habits neufs et séduisants ainsi qu’un visage avenant d’honnêteté et d’équité ; malheureusement, sans préoccuper des dégâts collatéraux consistant à faire perdre au parti unique alors au pouvoir, l’essentiel de ses énormes attributs politiques. Les hauts responsables de ce parti, sans doute, d’un côté, grisés par le pouvoir absolu dont ils voyaient des pans entiers leur échapper, et de l’autre jouissant toujours du pouvoir de nuisance que leur conférait toujours la maitrise de tous les leviers de l’exécutif, se sont alors attachés à démanteler minutieusement les acquis de cette renaissance démocratique, en rejetant la majorité des nobles idées attachées au profond désir de justice, de vérité, d’équité et de loyauté envers la Nation exprimées et désirées du plus profond de leur être par la majorité de la population. Ils ont ainsi modifié l’essentiel des outils mis en place par la Conférence Nationale pour asseoir à nouveau la démocratie au Gabon. Les héritiers de ce système continuent à garder résolument ce cap d’un avenir faussement serein, comme s’ils se disaient « … Continuons ce que nous faisons et arrêtons seulement quand le vent tournera… » A ce sujet, il faut penser qu’ils continuent à se tromper, comme l’avait reconnu l’ancien président Omar Bongo dans son discours testamentaire. Par exemple, on observe que la journée de la démocratie est passée récemment de manière furtive sans que (peut-être ne suis-je pas bien informé) des débats soient organisés entre les acteurs de notre démocratie pour aider les jeunes à comprendre le sujet, ou les grands à se rassurer quant à l’avenir du pays englué dans des contradictions épiques. Un appel à la nomination d’un opposant risque fort d’être vain, tant la crainte de promouvoir un citoyen du camp d’en face est trop grand. Même au nom de la démocratie. A moins que ce soit au nom de l’apaisement.

  5. l'observateur dit :

    je pense à mon avis qu’il faut arracher votre liberté chers journalistes ,les syndicats se battent pour défendre leurs intérêts et meilleurs conditions de travail c’est comme ça que petit à petit ils gagnent leurs batailles
    Vous croyez que nos dirigeants sont des enfants de cœurs ? ils savent bien ce qu’ils font pour confisquer pour rester au pouvoir à vie ,
    Conseil battez vous ,un exemple qui est d’actualité au BURUNDI si j’ai bonne mémoire ,certains médias ont boycottés la conférence de presse des gouvernants pour défendre une noble cause ,pourquoi pas vous ?

  6. Pas posssible dit :

    Ok c’est une question posée… Je pensais que c’étais une affirmation, car vous pouvez toujours vous gratter jusqu’à la moelle mais cela ne se pourra jamais….

  7. IPANDY dit :

    D’entrée je dirai déjà sans risque de me tromper que MAPANGOU ou encore mieux NDONGOU sont des piètres président du CNC. Le passage de MAPANGOU au CNC ressemblait au passage d’un ministre au gouvernement. On peut remarquer que celui de NDONGOU sera pire. C’est dommage car le PDG et les BONGO est tuer le quatrième pouvoir dans ce pays. Je pense aussi que certains journaliste nous donnent l’impression d’etre contre la liberté de la presse, surtout ceux de la RTPDG. Bien sur pas tous. Il y a quand meme des journaliste comme sylvain ABESSOLO qui grace à certaine émission ou se distingue. Aujourd’hui combien de gabonais se fient au information de la chaine nationale? Combien lisent l’union? Combien ont foi au CNC? Nous préférons payer 600f pour nous informer via les journaux privé.

  8. Jean-Marcel BOULINGUI dit :

    J’ai bien aimé cet article, et je l’ai lu et relu. Je pense aussi que  »le Gabon ne peut continuer à être un pays moderne qui garde des traits archaïques », et que  »l’idée d’un CNC unicolore, à la pensée unique, politiquement correct, apparaît dorénavant d’un autre âge ». Belle plume, Gérald Mounomby !

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