Inspiré par une tribune publié dans le JDD du week-end dernier, axée sur la quasi-dépendance mutuelle entre la France et l’Afrique, le Secrétaire exécutif adjoint chargé des élections à l’Union nationale, livre à travers le libre-propos ci-après, publié in extenso, son point de vue sur une «relation (qui) doit faire sa mue». S’il invite la France à reconnaître qu’elle a acquis sa puissance grâce à l’Afrique, Paul-Marie Gondjout lui propose 5 principales approches pour l’aider à «inverser la longue tendance baissière de ses parts de marché en Afrique».

Paul-Marie Gondjout, en mai 2016 au siège de l’Union nationale à Libreville. © Gabonreview
 

Après le sommet Afrique-France de Bamako les 13 et 14 janvier dernier, nombre d’observateurs continuent de se demander ce qu’il faut retenir de ce type de rassemblement qui pourrait être dit du jardin afro-français, ou franco-africain, c’est selon. J’ai lu une tribune libre dans le Journal Du Dimanche (JDD), signée de Jean-Louis Borloo, Jack Lang, YJ Djimi et Pascal Lorot, sous le titre de «La France a besoin de l’Afrique». Elle m’a inspiré la réflexion suivante :

On note aujourd’hui que dans son rapport à notre continent, la France perd du terrain. Son positionnement est perçu, tantôt comme peu ou pas cohérent, et tantôt comme une absence de vision à long terme de ce qu’elle entend mettre en œuvre ou renforcer en termes de stratégies politiques, économiques et militaires avec le continent. La politique de la France était critiquée et objectée sous les ères gaulliennes et mitterrandienne ; mais elle avait, à ces époques, le mérite de la cohérence et d’un objectif clair de rayonnement international de ce pays, qui passait, entre autres, par son positionnement économique, politique et militaire en Afrique.

Qu’en reste-t-il aujourd’hui, si ce n’est une hypocrisie entretenue de part et d’autres des différents pouvoirs français et des présidences africaines francophones ?

D’un côté il y a la France qui se tourne vers l’Europe en lorgnant du coin de l’œil l’Afrique, dans une forme d’indifférence, feignant d’oublier que sans elle et son énorme potentiel encore peu exploité, elle ne serait probablement pas la 2ème puissance européenne. De l’autre côté, il y a les Pouvoirs africains qui font semblant de se désintéresser de la France mais se précipitent à Paris pour conforter un pouvoir quand ils sont en mal de légitimité ou la veille des élections, pour s’y faire adouber. Un jeu qui semble être de dupes, mais qui n’en est pas.

Alors oui, je dis comme l’affirment Jean Louis Borloo, Jack Lang, Yves Justice Djimi et Pascal Lorot, que «la France a besoin de l’Afrique» et celle-ci a aussi besoin de la France dans un autre type de relation qui ne voudrait pas que la France ait choisi de se marier à l’Europe en prenant pour maitresse l’Afrique.

De mon point de vue, cette relation doit faire sa mue, et la France doit humblement reconnaître qu’elle doit aussi sa puissance, sa liberté et son indépendance, à l’engagement de l’Afrique à ses côtés ; d’abord sous l’ère de la tutelle coloniale, et ensuite à travers des relations spéciales tissées après 1960 avec les anciennes colonies devenues indépendantes, qui lui ont permis, à bon marché, de jouir quasi exclusivement de ressources qu’elle n’aurait pu avoir ailleurs, dans les mêmes conditions.

Cette reconnaissance aura le mérite d’impulser une dynamique nouvelle, et de décomplexer une relation vis à vis de l’Afrique, pour s’engager dans la voie d’une vraie coopération d’intérêts objectifs, basée sur le respect des règles de l’économie de marché et de l’Etat de droit, et sur celui des valeurs démocratiques et des droits humains. C’est souvent dit, mais si peu de fois appliqué, qu’on assiste à une confusion qui naît du traitement à géométrie variable, de situations pourtant similaires selon que tel ou tel pays est sur la sellette.

Prenons le cas du Gabon, mon pays, où bien qu’ayant officiellement soutenu la Mission d’Observation des Élections de l’Union Européenne, la France a choisi, malgré le rapport accablant de cette mission, de se taire sur la forfaiture du candidat d’un régime vieux de 50 ans, qui ne finit pas de mettre le Gabon à genoux par le pillage de ses ressources, la corruption, le déni de droit, etc. Un régime qui fracture gravement le tissu social, et qui est un frein au développement et à l’intégration économique sous régionale.

Même au nom du cynisme politique, on ne peut pas vouloir quelque chose d’une main et la rejeter de l’autre. C’est incohérent.

Loin de moi l’idée que la France doive décider dans le processus des élections dans nos pays. Mais tout de même, comment peut-on laisser faire quelque chose quand on a la capacité politique et militaire de peser sur le cours des évènements, pour que la vérité et la souveraineté des peuples soient établies et respectées. Faire le contraire c’est de la non assistance à peuple en danger, et dans le cas du Gabon, la France qui y entretient une base militaire et des personnels dans les forces de sécurité et de défense, doit assumer une partie des massacres des sicaires du pouvoir perpétrés sur des populations innocentes et dont elle a forcément eu connaissance.

L’incohérence, c’est aussi quand le discours n’est pas en conformité avec les vrais objectifs visés.

On ne peut pas nous faire croire que quand la France intervient en Afrique, elle ne cherche pas à influer sur sa politique, encore moins à capter ses ressources. Je serai heureux et me sentirai respecté que le discours le reconnaisse pour enlever de moi ce doute qui me forcerait à penser que l’intervention française serait le résultat d’un altruisme ou d’un humanisme désintéressé. Je cale dessus, et cela n’aide pas à nous comprendre pour faire avancer les choses entre la France et l’Afrique.

La France s’est depuis mise à dos une grande partie de la jeunesse et des élites africaines. A leurs yeux elle ne représente plus que le passé, laissant l’avenir aux nouvelles puissances de ce monde.

Alors oui, il faut faire évoluer les rapports entre l’Afrique et la France, pour leur donner un nouveau sens. Certes la langue que nous avons en commun nous rappelle que nous avons avec la France des liens de vieille sécularité, mais si la France veut inverser la longue tendance baissière de ses parts de marché en Afrique pour espérer participer à l’émergence de l’Afrique et maintenir sa position en Europe et dans le monde, je vois les approches suivantes, pour amorcer des relations nouvelles et productives qui amènerait la France à :

1- Investir lourdement en Afrique dans les infrastructures, et se départir de la philosophie d’économie de «comptoir» héritée du passé ;

2- Renforcer et/ou Créer des partenariats pour des pôles de recherches orientées vers les besoins locaux ;

3- Substituer aux efforts de dépenses liées aux accords de défense, des efforts dans l’investissement pour des formations de pointe, par le biais de partenariats locaux ou interétatiques ;

4- Revoir les critères de fonctionnement du Franc CFA (FCFA) et attacher à la garantie de sa convertibilité, des conditionnalités politiques comme le respect scrupuleux des règles de l’alternance démocratique, et la transparence dans la gestion des affaires publiques, notamment les finances publiques des Etats ;

5- Redéployer la coopération militaire et policière, pour la garantie de la sécurité mutuelle des Etats.

Auteur : Paul-Marie Gondjout, Secrétaire exécutif adjoint chargé des élections à l’Union nationale (UN).

 
GR
 

14 Commentaires

  1. CHARY dit :

    Si ali bongo était un vrai président, il aurait été de sa responsabilité de prendre ce type d’initiatives, urgentes, vitales, conformément a l’évolution des temps. Mais bon, il n’est que  » gouverneur en charge de la répression, et de la supervision de la fraude et du pillage ».

  2. le nouveau dit :

    Donc vous souhaitez que la France ait un regard et mette des valeurs sur les comportements des régimes
    N’ est ce pas contradictoire tout cela , n’ est ce pas un retour à la bonne gouvernance tant critiquée par les africains ?
    En matière de recherche, l’ IRD a été créé pour être un outil sur tt ce qui est agronomie , agriculture, forêt et développement.Basé en France , il est entièrement tourné vers l’ Outre Mer
    L’ armée française a un accord de neutralité sur les mouvements internes au Gabon , comment peut il en être autrement ? Elle n’ est pas un appui à un Régime et ne saurait intervenir sauf en cas de danger pour les français au Gabon, et uniquement en leur faveur
    Oui la France a été maitre de ses colonies,
    oui les Pays sont devenus souverains et gardent une relation très forte avec la France
    par la langue, la culture, l’ économie , le métissage , le soutien militaire
    A eux de rétablir l’ équilibre dans ces relations et dans chacun de ces domaines
    Pour cela il existe la diplomatie, les contrats, les accords multi partis et si les peuples africains
    ont de plus en plus conscience de tous ces enjeux, à eux de rétablir l’ équilibre
    Ne demandons pas à la France de reconnaitre qu’ elle a été un colon, c’ est reconnu et dans tous les livres ; la question est : comment peut on la transformer en partenaire à notre profit ?
    accentuons plutôt la pression sur nos décideurs pour rétablir l’ équilibre dans les échanges
    mais aussi exigeons la meme chose de certains de nos nouveaux partenaires qui s’installent à grand pas et transforment le pays sans taxes aux frontières,sans impôt, sans salaires minimum, sans le respect de beaucoup de nos lois …

  3. Steed dit :

    Ce dont parle Mr Gondjout concerne la mise en cohérence de la politique africaine de la France par référence à ses ideaux et aux accords internationaux signés par leur parlement. Et l’action de la France est essentiellement motivée par des accords secrets qui sont à l’opposé de ces idéaux et qui profitent directement au portefeuille de ceux dont on recherche le changement. En entretenant cette forme de schizophrénie, les politiques français sont cohérents. Il n’y a rien à attendre d’eux. C’est un grand classique politique français de dire une chose et faire exactement son opposé. Les anglo-saxons charient souvent les français à ce sujet. Dans ces conditions, l’ histoire nous enseigne que continuer d’attendre de la France un changement à leur initiative sur ces questions est une faute. Une faute politique majeure.

  4. mabialax dit :

    le mur des lamentations

  5. Laura Sagesse dit :

    Très bonne analyse.Si nos présidents africains de la zone franc cfa, et plus particulièrement de l’Afrique Centrale pouvaient prendre de telles initiatives vis à vis des relations franco- africaines, ce serait déjà un véritable pas en avant vers une vraie indépendance des pays concernés.Mais hélas, vue ce qui s’est passé à Bamako, ce n’est pas pour demain.Puisse Dieu accorder aux générations futures la Grâce de vivre cela.

  6. Ré-Nimah dit :

    NOUS N’avons plus besoin de la France,c’est fini/le divorce sera consommé avec la fin des dictatures qu’elle a fabriqué en Afrique contre les peuples pour les depouiller de leurs richesses afin de les maintenir dans un état de pauvreté inhumaine/Regardez le dernier exemple en date au Gabon le trio Hollande-Valles-Herault/Ils ont avalisé des tueries dans l’attaque au QG d’un opposant qui a remporté les élections presidentielles avec plus de 60% de surfrages et cela au prix des mallettes d’argent sous le couvert de pseudo interets de la France au Gabon/Avec quoi Valls finance sa campagne pour etre président de la france/Le moment venu une lourde facture sera présentée à la France,et elle devra la payer.

  7. Tiyamama dit :

    Merci à vous de mettre ce dossier sur la table. Soyons sérieux un instant, quel est le bilan après bientôt cinquante sept ans d’indépendance? Presque zéro. N’oubliez pas, il y a cinquante les chinois mourraient de faim, regardez la Chine d’aujourd’hui. Tout ce que nous vivons depuis 1960 a été programmé par des gens tapis dans l’ombre; nous avons les cadres pour démonter tous ces plans démoniaques, qui font de nous des esclaves pour l’éternité. Arrêtons de nous plaindre et mettons nous au travail.

  8. jean -jacques dit :

    Prendre qui ce type ventre affamé , il dit quoi rien du tout. Il pense qu’Ali va le prendre au gvnement. il faut trop rêver.

  9. jean -jacques dit :

    Celui qui parle de l’attaque , il faut cette action qui a permis de capturer votre hacker ivoirien, sinon votre vieillard et sa bande allaent dire que c’est faut le gouvernement ment. si c’etait en Turquie aujourd’hui tout ce qui se trouvait dans ce temple personne n’allait pas sortir vivant. l’helicopter faisait sauter tout ce temple à une fraction de minutes.

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