Cru et explicite comme «Howl», le célèbre poème en prose d’Allen Ginsberg, le coup de gueule d’Ika Rosira cette semaine est un blues guttural, une litanie brossant le triste tableau des réalités gabonaises. Ces réalités ou vérités qu’un bon nombre de personnes bien-pensantes interdit de pointer du doigt, de critiquer, au nom d’une perfide neutralité elle-même dénoncée par la lucidité poétique d’une petite gabonaise du siècle.

Dénonciation interdite : Une villa dans le voisinage du palais des Bongo à Franceville. © jp-rougou.blogspot.com

Dénonciation interdite : Une villa dans le voisinage du palais des Bongo à Franceville. © jp-rougou.blogspot.com

 

C’est vrai que certains disent qu’il est inutile de répéter, non, de rabâcher ce qui ne va pas, ce qui ne marche, ce qui n’évolue pas, ce qui, semble-t-il, n’est pas près de changer. C’est vrai qu’ils jugent dérisoire de mettre l’accent sur les manquements, les besoins fondamentaux, les manipulations politiques et économiques, voire même sociales.

C’est vrai que parler des injustices commises dans toutes les sphères de la société gabonaise, qu’il s’agisse du milieu de la culture en pensant à la défaite récente et incompréhensible de Queen Koumb au concours Airtel Trace d’Akon ; qu’il s’agisse du milieu éducatif quant à la torture récente des jeunes universitaires qui ne faisaient que dénoncer leurs conditions de vie et d’études déplorables au sein des structures sensées promouvoir leur épanouissement ; qu’il s’agisse du plan de relance économique qui ne semble pas inclure la fourniture d’eau potable et d’électricité à tous les citoyens comme une prérogative essentielle depuis plus de 5 ans. Les choses se dégradent et seuls ceux qui peuvent s’offrir des groupes électrogènes et des systèmes de stockage d’eau voire même de carburant et de gaz, ne ressentent pas réellement l’urgence de la situation.

Qu’il s’agisse de recherches et de développement de nouveaux remèdes, de nouveaux systèmes, de nouvelles structures ou de renforcement positif et de bien d’autres axes qui vont au-delà de la santé, de l’économie, de la culture, de l’éducation et surtout de la politique… en fait, certains pensent qu’il est préférable de ne pas en parler, de ne pas aborder ces sujets, de se concentrer sur le constructif et sur le positif, d’omettre ou d’exclure tout ce qui est négatif dans notre pays.

Le problème avec ce type de raisonnement, c’est qu’on évolue dans une partie du monde dans laquelle, la vérité est un luxe, le silence est d’or, le respect n’est pas dû au mérite. Certaines personnes sont «réellement» au-dessus des lois et nous naissons dans un pays corrompu jusqu’à la moelle. On marche sur du goudron corrompu, on accouche dans des hôpitaux corrompus pour la plupart, on se marie dans des mairies corrompues pour la plupart, on envoie nos gosses dans des établissements scolaires corrompus pour la plupart et ainsi de suite…

La corruption est admise, elle est même génétiquement transmise, parce qu’on n’a pas besoin de nous dire quoi faire. C’est inné ! On sait qu’il faut mouiller la gorge de X, avoir un parent bien placé ou simplement glisser des billets dans une poche pour passer un contrôle, obtenir des papiers, des diplômes, des avantages, des contrats, un avenir plus serein et plus sûr.

On dit que le gabonais se doit de changer de mentalité, que le gabonais doit prendre modèle sur l’esprit d’entrepreneuriat des autres africains qui sont constamment humiliés, maltraités, enviés du fait qu’ils ont choisi le Gabon comme Eldorado. Et que malgré tout ce qu’ils subissent, ils parviennent avec l’argent du Gabon, à subvenir aux besoins de leurs familles, à investir et à construire des buildings dans leurs pays d’origine.

On dit aussi qu’il n’est pas nécessaire de pointer du doigt les dirigeants de ce pays, qu’ils ne sont pas entièrement responsables des échecs et de l’incapacité de certaines personnes à réussir leur vie ou à la gagner simplement. On entend même dire qu’en fait la souffrance des gabonais est relative, qu’on en fait trop, qu’on en parle trop, qu’on met trop l’accent sur ces choses et qu’il ne faut surtout pas se mêler de politique.

En réalité, si certains préfèrent enfiler des œillères et des caches oreilles, si certains préfèrent refuser d’agir pour le commun et ne sont obnubilés que par leurs réussites personnelles ; si certains voient le peuple trimer, les gens agoniser, la misère et la bassesse de certains, l’hypocrisie et le narcissisme des autres et choisissent délibérément la neutralité, c’est tout simplement parce qu’ils ont eu des facilités.

Ils vous diront qu’il suffit de travailler fort à l’école, d’être motivés, de croire en soi, mais ils n’ont pas eu l’enfance café-misère, haillons et pêche au marigot. Ils n’ont pas connu les rations ou la vie d’un unique repas par jour. Ils n’ont pas été à l’école publique entassés à trois sur une table banc bourrées de germes. Ils n’ont pas vécu le fait de partager un trou sans option vidange avec plus de 30 autres personnes en guise de toilette publique durant plusieurs années. Ils n’ont pas eu les sans-confiance comme chaussures toutes saisons. Ils n’ont pas vécu la tristesse des parents quand approche Noël et les anniversaires. Ils n’ont pas marché du neuf-étages jusqu’aux bas-fonds des mapanes de Louis à l’âge de 6 ou 7 ans pour se rendre ou revenir de l’école. Ils n’ont pas habité dans des maisons en tôle ou semi-tôle ou séjourné dedans en plein mois de mars. Ils n’ont pas vécu dans des maisons en planche, semi-planche, en dur sans peinture ou semi-dur, éloignées de la route ou du sentier boueux qu’on confond à une route ou risqué l’érosion qui fait dire aux imbéciles heureux : «Qui leur a dit d’aller habiter là hein! Kiéééé ! Eux-aussi, c’est se mettre en danger cadeau !!!», comme si le choix avait soudainement cessé d’être un luxe.

En fait, ceux qui choisissent pour la plupart la neutralité n’ont aucune idée de ce que c’est de naître dans la pauvreté, de partir du fond du baril, de suivre la télé chez les voisins parce qu’on a pas chez soi l’électricité à longueur d’années ; de puiser l’eau à la pompe publique, parce qu’on n’a même pas les moyens d’avoir un robinet. Ils ne savent pas ce que c’est de ne connaître personne, de n’avoir aucun parent bien né ou bien placé, de devoir évoluer en partant de rien dans un pays extrêmement riche sans justice et sans équité.

«La vie est dure, le destin s’en écarte, on n’est pas nés sous la même étoile», mais le Gabon est un pays trop, bien trop riche pour qu’on cesse de dénoncer les exactions commises pour camoufler que ce sont toujours les mêmes qui ont des facilités et que ce sont toujours les mêmes qui vivent en passant de difficultés en difficultés, qui doivent patauger dans la misère, éclaboussés par le luxe qui nous pend tous au nez. Un luxe qui n’est réservé qu’à cette poignée d’humains qui écrit des lois, créent des règles, instituent leur propre vision, leur confort et leur standing de vie, comme une norme à respecter et à encourager.

#bringbackourcountry

 

 
GR
 

6 Commentaires

  1. grou: moi moche et mechant dit :

    Ika, votre prose serait semblable a celle de Allen Ginsberg..? Il y a de la matière en effet. Cependant à tout seigneur tout honneur quand vous empruntez ne serait-ce que 1 vers a 1 auteur  » il faut rendre à César ce qui est a césar », sinon cela s’appelle du plagiat..!!!

     » La vie est belle, le destin s’en ecarte le berceau lève le voil, multiples sont les routes qu’il devoile tant pis, on n’est pas nés sous la même étoile… »: Refrain de nés sous la même étoile de IAM (groupe de rap Marseillais)

    • akiééé dit :

      Je dis heinnn quand on met les guillemets et on écrit en italique sa ne veut pas dire qu’on cite un auteur bien qu’on n’écrit peut être pas le nom…cela signifie que ce qu’on écrit ne viens pas de nous,où est le plagiat????
      Au lieu de voir la pertinence de ce qui est écrit et encourager ceux qui on le courage de parler haut et fort pour nos droits et celui de nos enfants,gaboma tjr entrain de critiquer pour rien..
      Du courage ika et bonne continuation….

  2. l'ombre qui marche dit :

    Eh oui! ainsi va le gabon effectivement la défaite de queen koumb est une injustice une insulte à l’art on va nous parler de vote par sms! hum! le talent vrai n’a pas été reconnu dans cette histoire et voilà airtel mèlé à quelque chose de puant! Shan’l a t’elle la conscience tranquille? sinon qu’elle prenne son courage à deux mains et remette le trophée de vainqueur à queen koumb on en à marre de cette combine à tous les niveaux! Seigneur n’y a t’il donc pas un secteur un peu propre au gabon?

  3. OKOSS dit :

    Je suis résolument de ceux qui pensent qu’il faut dénoncer et toujours dénoncer ce qui ne va pas chez nous. Et ce même si cela lasse certains, mail il faut le faire.
    Dans les faits, ceux la même que le fait de rabâcher les problèmes auxquels font face les gabonais et ceux qui pensent être au dessus des autres (parce qu’ils ont une petite portion pouvoir) subissent comme tout le monde les affres des décisions iniques de nos décideurs , je veux parler des coupures d’eau et d’électricité, je veux parler de l’incapacité à être soigné correctement, je veux parler des routes de notre capitale qui sont des pièges d’éléphants et j’en passe.
    Et en cela j’ai du mal a comprendre la logique qui anime ces compatriotes qui subissent comme tout monde les conséquences du manque de clairvoyance de nos hommes politiques et qui trouvent des arguments pour défendre les politiques de ceux la même qui sont la cause de leurs galères quotidiennes.
    Que se passent-il bien dans la tête de ces compatriote ?

  4. hurricane dit :

    Dénonçons,dénonçons,dénonçons même si cela déplaisent à quelques compatriotes sans humanisme, abrutis par le système Bongo/Pdg.

  5. Nietz dit :

    « [Ils]n’ont aucune idée de ce que c’est de naître dans la pauvreté, de partir du fond du baril, de suivre la télé chez les voisins parce qu’on a pas chez soi l’électricité à longueur d’années ; de puiser l’eau à la pompe publique, parce qu’on n’a même pas les moyens d’avoir un robinet. Ils ne savent pas ce que c’est de ne connaître personne, de n’avoir aucun parent bien né ou bien placé, de devoir évoluer en partant de rien « ;
    non, ils n’en ont aucune idée…meme le droit de pleurer et de se plaindre est interdit?

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