Notre collaborateur a été interpelé le 3 août dernier à la Cour d’appel judiciaire de Libreville, puis relaxé après trois heures d’audition. Il lui était reproché d’avoir photographié la troisième audience de mise en état de l’affaire opposant Léon Paul Ngoulakia à Ali Bongo. Que dit la loi à ce sujet ? N’y aurait-il pas eu du zèle ?

© Gabonreview/Shutterstock

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Essayant de faire son métier, Loïc Ntoutoume a été interpelé, le 3 août courant, par la présidente de la Cour d’appel judiciaire de Libreville. Paulette Ayo Mba épouse Akoli reprochait à notre collaborateur d’avoir pris en photo un moment du conciliabule entre le juge, ses assistants et les avocats des parties.

Invité à montrer ses prises de vues, Loïc Ntoutoume a été mis à la disposition des agents de la Brigade spéciale de la police judiciaire (BSPJ) du tribunal de Libreville. Il y a été soumis à un interrogatoire et à la procédure d’enregistrement de sa filiation pendant près de trois heures, avant de recouvrer la liberté. De l’avis général, si Loïc Ntoutoume n’était pas journaliste, il aurait été gardé à vue et présenté au procureur. Y a-t-il eu rappel préalable des principes régissant la police des audiences ?

Il est communément admis qu’il est interdit de photographier une audience du tribunal, sans doute du fait de la présomption d’innocence dont doivent bénéficier certains prévenus et de la nécessité de protéger certains plaignants. Mais très peu d’hommes de loi interrogés à la faveur de l’incident du reporter de Gabonreview n’en attestent l’existence d’une disposition légale. À titre d’illustration les mots «film», «photo», «photographie» ne figurent nulle part dans les 171 pages de la version électronique du Code de procédure civile (ordonnance n° 1/77/PR du 2 février 1977).

Il reste qu’à la lecture des articles 346, 347 et 348 du même Code de procédure civile, on constate qu’il n’est nullement interdit de filmer une audience, même si des dispositions précises encadrent le comportement au tribunal. «Le président exerce la police de l’audience. Tout ce qu’il ordonne pour le maintien de l’ordre à l’audience est exécuté sur-le-champ. La même disposition est observée dans les lieux où les magistrats et les greffiers exercent les fonctions de leur état», «ceux qui assistent aux audiences doivent se tenir découverts dans le respect. Si un ou plusieurs individus, quels qu’ils soient, interrompent le silence, donnent des signes d’approbation ou d’improbation, soit à la défense des parties soit aux discours et ordres des magistrats, causent ou entretiennent du tumulte de quelque manière que ce soit, et si, après l’avertissement du président, ils ne rentrent pas dans l’ordre, il leur sera enjoint de se retirer. Ceux qui résistent seront saisis et déposés à l’instant à la maison d’arrêt pour 24 heures. Ils y seront remis sur l’ordre du président, qui sera mentionné au procès-verbal d’audience», précisent les dispositions en la matière. Or, Loïc Ntoutoume n’a pas usé de flash. Mieux, il n’a nullement émis de bruit pouvant troubler la quiétude des échanges.

Un magistrat interrogé au tribunal de Libreville évoque, lui, les dispositions 290 à 293 du Code de procédure pénale. «L’article 290 dispose que le président assure la police de l’audience et dirige les débats. Pour une meilleure sérénité de l’audience, le président demande à l’assistance de bien vouloir arrêter ou mettre en mode silence leur téléphone. L’article 293 dispose quant à lui que lorsqu’à l’audience un prévenu ou un membre de l’assistance trouble de quelque manière que ce soit le bon déroulement de l’audience, le président demande son expulsion de la salle. Si ce dernier continue, le président le place sous mandat de dépôt. M. Ntoutoume a-t-il troublé la sérénité de l’audience ? A-t-il été expulsé de la salle ? A-t-il continué le trouble pour être placé en garde à vue», fait remarquer et interroge le magistrat.

Il est établi que la justice est rendue au nom du peuple et, dans bien des cas, le tribunal invite la presse à filmer des audiences. On se souvient encore du tout récent procès en contestation de la candidature du président de la République devant la Cour constitutionnelle, abondamment relayé par la télévision publique. Pour de nombreuses personnes, le reporter de Gabonreview a simplement été victime soit d’un excès de zèle, soit du contexte relativement tendu au tribunal ce mercredi 3 août. Heureusement, que les choses ne se sont pas enlisées. Tout est bien qui finit bien.

 

 
GR
 

4 Commentaires

  1. La pieuvre dit :

    Pour que le harcèlement des journalistes s’arrête, il faut boycotter pendant 3 jours toutes les activités pouvant être promues…..

  2. Meradie ndossi dit :

    Tout ce qu’il ordonne pour le maintien de l’ordre à l’audience est exécuté sur-le-champ.

  3. OSSAMI dit :

    Oui Webmaster, pourquoi l’article sur Ngoulakia a été vite retiré alors que nous n’avions pas fini de débattre. Y a t-il une raison à celà ou trop sensible???? Merci de me repondre.

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