Après analyse du projet de loi des finances 2018, Mays Mouissi en est arrivé à la conclusion que l’investissement dans l’éducation chuté de 35% alors que, dans le même temps, celui du sport a augmenté de 282%. Un constat qui en dit long sur les priorités de l’exécutif. Ci-après, la dissection intégrale de l’analyste économique publié le 20 octobre.

Le stade Michel Essongue de Port-Gentil, un des symboles des investissements colossaux dans le sport ces deux dernières années au Gabon. © Gabonreview

 

Le 12 octobre 2017, le gouvernement gabonais a adopté en Conseil des ministres le projet de loi des finances initiale pour l’exercice 2018. Ce budget projette un niveau de dépenses de 2 033 milliards FCFA pour 1 842 milliards FCFA de recettes. Cependant, l’analyse des arbitrages budgétaires du volet dépenses d’investissement opérés en faveur de certains secteurs interpelle sur le sens des priorités du gouvernement.

Au cours de la campagne pour l’élection présidentielle d’août 2016, Ali Bongo Ondimba alors candidat à sa propre succession s’était engagé à « renforcer l’égalité des chances par l’éducation ». C’était l’engagement n°8 de son programme. Précis, il promettait d’investir dans le renforcement des infrastructures préscolaires et scolaires. Pour traduire en acte cet engagement, on aurait pu logiquement s’attendre à un renforcement de l’investissement public dans le secteur éducatif. Cependant, l’analyse des prévisions d’investissement telles transcrites dans le projet loi de finances 2018 du gouvernement démontre le contraire.

En effet, dans ses arbitrages pour l’exercice budgétaire 2018, le gouvernement a choisi de baisser l’investissement public dans l’éducation primaire, secondaire (général et technique) et supérieur de 12,4 milliards FCFA (-35,43%). Dans le même temps, les dotations aux investissements au bénéfice de la rubrique budgétaire Sports et Loisirs ont été outrancièrement revalorisées puisqu’elles se sont accrues de 23,9 milliards FCFA soit une hausse de 282% par rapport à 2017.

De façon globale, en 2018 le gouvernement gabonais a prévu d’investir 22,6 milliards FCFA dans l’éducation contre 32,4 milliards FCFA dans les sports et les loisirs. Un choix budgétaire qui semble indiquer que l’éducation n’est plus la priorité du second septennat d’Ali Bongo Ondimba.

Comparaison des dépenses d’investissement de l’éducation et du sport prévues en 2018

 

34% de baisse des investissements à l’Éducation nationale, 46% de baisse dans l’Enseignement supérieur

Éducation nationale

Les projections de dotations aux investissements au bénéfice de l’Éducation nationale prévues dans le projet de budget 2018 sont donc en baisse. L’analyse approfondie de la rubrique Éducation nationale permet de constater que les prévisions de « Dépenses d’investissement » de toutes ses sous-rubriques reculeront en 2018. L’investissement public en 2018 baissera de façon drastique tant dans l’enseignement primaire, secondaire que supérieur.

-Enseignement primaire

En 2017, l’enseignement primaire bénéficiait d’une dotation aux investissements de 3,1 milliards FCFA. En 2018, seul 1 milliard FCFA d’investissements lui sera consacré. Les investissements publics au bénéfice ce pan du secteur éducatif baisseront de 68% sur un an.

-Enseignement secondaire

L’enseignement secondaire se verra amputer de 8,1 milliards FCFA dans ses dotations aux investissements en 2018, une baisse de 31% par rapport aux crédits qui lui étaient accordés au même titre dans la loi des finances rectificative 2017. Les dépenses d’investissement de l’enseignement secondaire passeront ainsi de 26,2 milliards FCFA à 18,1 milliards FCFA.

-Enseignement technique et professionnel

Alors que les dépenses d’investissement autorisées pour l’enseignement technique et professionnel n’étaient déjà que de 2,5 milliards FCFA en 2017, elles ne seront plus que de 2 milliards FCFA en 2018 (-20%).

-Pilotage et soutien à la politique de l’éducation nationale (PSPEN)

400 millions FCFA étaient prévus en 2017 au titre des dépenses d’investissement de la sous-rubrique PSPEN. En 2018, aucune dépense d’investissement n’est prévue au budget de l’état soit une baisse de 100%.

Dépenses d’investissement dans l’éducation nationale prévues en 2018

 

Depuis plusieurs années, le gouvernement et les partenaires sociaux du secteur éducatif partagent le même constat sur les faiblesses structurelles et infrastructurelles du secteur. Comme les syndicats, le gouvernement admet qu’il est urgent d’investir massivement dans l’éducation pour, notamment, réduire le déficit en salles de classe dans les différents cycles. Candidat, Ali Bongo Ondimba s’était engagé à construire 9 collèges, 8 écoles primaires (ce qui paraît bien faible à l’échelle d’un septennat) et 700 crèches (cf page 68 de son projet de société). Il est peu probable qu’il y parvienne avec le faible niveau des investissements publics que son gouvernement consacre à l’Éducation nationale.

Enseignement supérieur et recherche scientifique

Comme pour l’Éducation nationale, les crédits accordés à l’Enseignement supérieur et à la recherche scientifique sont en baisse.

Des 4 sous-rubriques de ce secteur, seule celle dédiée à l’Enseignement supérieur sera dotée d’un budget d’investissement en 2018. Toutes les autres sous-rubriques auront une dotation aux investissements nulle. Il s’agit des sous-rubriques :

–        Recherche scientifique et innovation (code 12.479),

–        Vie de l’étudiant (code 12.486),

–        Pilotage et soutien aux politiques de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (code 12.493).

Ainsi, la dotation aux investissements dédiée à l’Enseignement supérieur sera-t-elle de 1,5 milliard FCFA en 2018 alors qu’elle n’était déjà que de 2,8 milliards FCFA l’année précédente (soit une baisse de 46%).

Dépenses d’investissement dans l’enseignement supérieur prévues en 2018

 

L’investissement dans les sports et les loisirs en hausse de 282%

Si l’Éducation nationale, l’Enseignement supérieur et la recherche scientifique sont plutôt mal lotis en termes d’investissements, il n’en est pas de même pour les sports et loisirs. Au regard des arbitrages budgétaires du gouvernement et des montants des dotations aux investissements réalisés, il apparait que les sports et loisirs sont prioritaires devant l’éducation.

En effet, le chapitre Sports et loisirs du budget (code budgétaire 18.647) agrège à lui seul 29,4 milliards FCFA de dépenses d’investissement. Si on ajoute les 3 milliards FCFA prévus au titre des dépenses d’investissement pour la Promotion du sport (code budgétaire 63), on obtient une dotation aux investissements globale pour les sports et loisirs de 32,4 milliards FCFA.

Dépenses d’investissement dans les sports et les loisirs prévues en 2018

 

A la lumière de cette analyse, dont tous les chiffres sont issus du projet de loi des finances initiale 2018 adopté en Conseil des ministres le 12 octobre, on peut s’interroger sur l’avenir d’un pays qui en période de crise privilégie l’investissement dans le sport et les loisirs plutôt que dans l’éducation, l’enseignement et la recherche.

Mays Mouissi

Sources principales :

-Projet de loi des finances initiale 2018 (PLFI 2018) adopté en Conseil des ministres le 12 octobre 2017

-Rapport économique social et financier (RESF) accompagnant le PLFI 2018

 

 
GR
 

5 Commentaires

  1. Maroga dit :

    Eh eh eh…Comment voulez vous que des gens qui n’ont pas « schooler » du tout ou qui ont leurs « school » hors du Gabon pensent à investir dans l’éducation au pays! la réussite scolaire, l’éducation doit rester entre « eux » pour continuer à nous manipuler! !! C’est une stratégie de conservation du pouvoir! !!

  2. Les membres du gouvernement n’y sont pas grâce à leurs capacités intellectuelles… Quoi de plus normal..

  3. AloZack dit :

    Merci Mays Mouissi, parce que ton analyse nous permet de voir plus clair, sans avoir lu le projet de loi de finances adopté lors du Conseil des Ministres du 12 octobre 2017.

    Nous espérons que nos députés et sénateurs feront la même analyse et marqueront leur indépendance en privilégiant les impératifs de formation et d’éducation. Pour cette cause, ils pourront se départir de leur rôle de chambre d’enregistrement.

    Nous espérons également que nos syndicalistes, y compris la société civile dans son ensemble, feront front commun pour servir d’aiguillon à l’Exécutif et au Législatif.

    Qu’il est loin le temps des écoles Ngoua Ngou.

  4. Ysiance dit :

    Quel honte, après le fiasco de la Can, pas étonnant pour des personnes qui ne sachent que dépensé l’argent du contribuable a boire du champagne plutôt que de faire évoluer le pays notamment par l’éducation qui est un socle fondamental du progrès et de l’évaluation des mentalité et du savoir! Un cancre reste un cancre même s’il vit dans un château

  5. Nzea Lionel MASSANDE dit :

    Parcequ’il faudrait que l’on ne soit pas instruit afin que nous soyons plus faible. Triste continent Africain, après l’esclavage physique « 4 siècle d’esclavage « c’est l’esclavage intéllectuel. Au point où L’Africain devient le bourreau de son frère.

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