La prochaine Coupe d’Afrique des nations (Can) court le risque de devenir un cas d’école, de sérieux doutes et interrogations récurrentes étant dans tous les esprits.

Ali Bongo, lors de l’inauguration du stade d’Oyem, le 9 janvier 2017. © Presse présidentielle

 

L’épicurisme triomphe. L’hédonisme est au pouvoir. Une compétition sportive au coût d’opportunité inconnue et aux retombées incertaines rythme désormais la vie nationale. Elle est sur toutes les lèvres, dans toutes les conversations. Elle occupe même une place importante dans les manifestations publiques. La Coupe d’Afrique des nations (Can) aura lieu au Gabon du 14 janvier courant au 5 février prochain. Malgré des inégalités persistantes au sein de la population, en dépit d’un net décrochage sur des indicateurs sociaux comme la santé de la reproduction, la prévalence du VIH/Sida, l’alphabétisation, l’accès aux infrastructures de base ou le chômage des jeunes, notre pays s’apprête à célébrer le football.

L’opposition politique et, plus largement, les forces de la contestation ne sont pas les seules à avoir des raisons de regarder cet événement de travers. De sérieux doutes et des interrogations récurrentes hantent l’esprit de nombreux observateurs. L’organisation d’une autre Can, moins de cinq ans après la précédente, est un choix politique osé, risqué. Comme le Grand prix class 1 motonautique en juillet 2012, comme le Carnaval international de Libreville en février 2013, comme l’inauguration de l’Automobile club du Gabon en avril de la même année, cette manifestation semble en rupture totale avec le contexte politique, économique et social. On peine toujours à en cerner la plus-value. On n’arrive toujours pas à en évaluer les retombées éventuelles. Mais, une chose est, d’ores et déjà, établie : les financements mobilisés auraient pu servir à autre chose. Ils auraient pu contribuer à réduire la fracture sociale.

Politisation outrancière

N’en déplaise aux bigots et sectateurs de l’émergence à la gabonaise, notre pays a d’autres priorités. Récurrente, la critique contre cet événement se fonde invariablement sur deux constats : une insécurité multiforme et, une faible inclusion économique et sociale. Avant le 15 août dernier, les principaux candidats de l’opposition avaient, d’ailleurs, battu campagne sur ce thème. Jean Ping avait annoncé vouloir mettre le «Gabon à l’abri de la peur et du besoin». Casimir Oyé Mba proclamait son ambition de parvenir à un «Gabon pour tous». Guy Nzouba-Ndama évoquait la nécessité de penser «Gabon d’abord». Ces trois thématiques de campagne visaient à définir les politiques publiques à partir des problèmes concrets. Leurs concepteurs annonçaient leur intention d’arrêter les priorités sur le fondement du vécu des populations. A leurs yeux, il s’agissait de mettre fin à l’exclusion. Certes, la Can se veut une fête populaire, inclusive. Certes, elle est censée porter les valeurs de l’olympisme, à savoir : l’excellence, l’amitié et le respect. Mais les conditions de son attribution au Gabon et la gouvernance de son comité d’organisation en ont fait un instrument politique. Comme on pouvait s’y attendre, cet événement a subi une politisation outrancière, devenant même un argument de campagne pour Ali Bongo.

La Confédération africaine de football (Caf) et le Comité d’organisation de la Can (Cocan) ont trébuché exactement là où ils étaient attendus : la capacité à mettre l’événement à l’abri des considérations et enjeux politiques. Ils n’ont pas pu obliger la présidence de la République, singulièrement certains proches d’Ali Bongo, de se tenir loin de l’organisation. Ils n’ont pas su s’ouvrir à toutes les compétences. Les lignes de fracture idéologique et l’appartenance politique ont prévalu tout au long de la période d’organisation. Dans ce micmac, la Fédération gabonaise de football (Fegafoot) et le ministère des Sports ont joué les voitures-balais. D’éminentes personnalités du monde sportif ou des journalistes sportifs connus et reconnus ont été mis à l’écart. Lucide et conscient de son impopularité, le président du Cocan a fonctionné en vase clos.

Liaisons dangereuses

Dans un tel contexte, la Can suscite railleries et commentaires peu amènes. Les pénuries d’eau et coupures intempestives d’électricité se rappellent au bon souvenir des gens. Le taux de chômage des jeunes revient en boucle. Les difficultés d’accès aux infrastructures d’assainissement semblent désormais insupportables. L’état de dénuement des hôpitaux et salles de classe exaspère de plus en plus. Naturellement, ces comparaisons rappellent un précédent peu glorieux : le peu d’impact de la Can 2012 sur le développement des entreprises locales et le quotidien des populations. Jusque-là, personne ne le rappelait. Tout le monde feignait l’avoir oublié. Mais, la dernière présidentielle est passée par là : elle a ravivé les tensions, exacerbé les passions et entraîné une coupure du pays en deux blocs distincts et radicalement opposés. Plus grave, l’accident survenu le 9 janvier courant à Mitzic dans le Woleu-Ntem a donné du grain à moudre aux adversaires de la Can. Sans en avoir demandé tant, les forces de la contestation voient un boulevard s’ouvrir devant elles. Par opportunisme ou par réalisme, elles sont tentées de saisir la perche ainsi tendue.

Pour la Caf et la majorité au pouvoir, cette Can pourrait bien virer au cauchemar. Elle peut devenir un Waterloo. Si l’instance continentale du football a pris le risque de voir sa compétition majeure intégrer un agenda de politique intérieure, les organisateurs ont, pour leur part, tout fait pour récupérer cet événement. Au final, même si personne ne sait comment tout cela va se dénouer, il y aura toujours des enseignements à en tirer. La Caf doit cesser de se complaire dans l’opacité et les liaisons dangereuses de son président. Elle doit se montrer plus transparente, notamment sur la procédure de sélection des pays organisateurs de la Can. Généralement tentés de politiser les choses, les gouvernements peuvent considérer l’édition 2017 comme un cas d’école. Pour l’heure, les amateurs de football croisent les doigts. Pendant ce temps, l’économie est toujours aussi dépendante du secteur pétrolier, les offres de formation toujours aussi inadaptées aux opportunités d’emploi, le climat des investissements toujours aussi contraignant, la législation sociale toujours aussi rigide et coûteuse pour les entreprises et, le cadre institutionnel de promotion de l’emploi toujours aussi inefficace. Pour éviter l’incertitude liée à la Can 2017, on aurait pu chercher à corriger cet état des lieux…

 
GR
 

27 Commentaires

  1. Fabien Engouang Ovono dit :

    Très belle analyse.

    • Gabon Post electoral=bienvenus chez les imbéciles dit :

      Vous en voulez lire la vérité!

      Vous allez faire quoi?

      Le Gabon est il le seul pays sur la planète a orgnaiser des évènements grandioses malgré que le pays traverse des situations de crise?

      Brésil Coupe du Monde…situation de crise.

      France Euro 2016 ….situation de crise.

      Quatar………..Ituation de crise.

      Russier Sotchi……..Situation de crise.

      Coupe de la ligue en europe….Situation de crise

      Et alors..?

      Vous allez voir o copbien vous êtes petits et ^O combien vous ne pouvez rien faire parce que le monde va de l avant.

      CANAL +, Bollore, TOTAL, CELTEL, AIR FRANCE…

      Vous pensez que tous ces opérateurs économiques ne vont pas contribuer a ce que la CAN 2017 ait un succès?

      Ils y ontmis leurs sous ils vont tous faire pour que cela marche.

      Le Gabon en tirera profit!

      Chaque billet d avion, chaque match regardez sur CANAL + ou sur toutes les chaunes de la planète, cela va rapporter à l Etat gabonais.

      Toutes les chaines de Télévision étrangère qui vont emettre. Le loto sportif etc…etc…

      Les jeunes gabonais que vous croyez acquis à votre cause et qui ne rêvent que de jouer au football dans un championnat professionnel.

      Vous pensez qu ils vont vous suivre alors qu il y aura des chasseurs de têtes des cubs internationaux qui seront là pour prendre des contacts?

      Que vous alliez au stade ou pas, L’ Etat rentabilisera cet évènement.

      Vous n irez pas a la CAN mais la CAN ira a vous grace aux médias.

      Alors soyez prêts pour la schyzophrénie.

      Ca vous emmerde…mais vous n y pouvez rien!

      Vous n y pourrez rien!

  2. Jean-Marcel BOULINGUI dit :

    Article de très haute facture. Même le quotidien français le plus prestigieux, Le Monde, aurait pu le publier. Bravo Gabonreview !

    • on en a marre dit :

      Vraiment passion quand tu nous tiens… » Article de haute facture, très bonne analyse,… », bravo Gabonreview. Quand c’est un article qui froisse l’opposition, tous les mots sortent. LE JOURNALISTE SON TRAVAIL C’EST PAS DE FAIRE UNE ANALYSE, IL DOIT JUSTE FAIRE ÉTAT DE CE QUI SE PASSE RIEN DE PLUS.

  3. NYAMA dit :

    BRAVO, analyse avec professionnalisme – Ce pouvoir n’a rien compris des priorités du peuple gabonais qui vit dans la misère.

  4. Jean-Marcel BOULINGUI dit :

    En fait, si Issa Hayatou était juste rigoureux, il n’aurait pas, dans le contexte actuel, laissé le Gabon organiser la compétition. Il y a déjà des blessés graves à Mitzic parce que le pouvoir veut à tout prix faire croire à une fête populaire. Pitié…pitoyables, piteux !

  5. Jean Charles MASSE dit :

    Admirable tout simplement !

  6. larepublique dit :

    Quand le gabonais se mais a écrire le ifouala, chapeau Roxane pas les journaliste de Gabon 24

  7. BLACK PANTHER de la foret des Abeilles dit :

    Très belle analyse, très Objective, chapeau bas à l’éditorialiste. espérant que le fanatisme du boycott ne prenne en otage nos hôtes Africains qui n’ont rien avoir avec nos problèmes,en tant que militant du panafricanisme, j’exhorte mes frères Gaboma, de ne pas céder au fanatisme aveugle qui risque d’entacher l’image de notre Femme Gabon qui malgré sa pathologie, reste toujours aussi belle…
    dans nos ethnies gabonaises, le grand père du village combien de fois ne nous a-t-il pas dit: « petit papa si ta femme et toi vous êtes en crise conjugale aiguë et que pour une cérémonie au sein de votre foyer vous avez des étrangers, il faut vous faire violence: taire momentanément vos querelles et les reprendre une fois les convives partis »… à bon entendeur…

  8. diogene dit :

    Il ne faut pas confondre Épicure et Sade, le premier est le tenant d’une sobriété heureuse, le second jouit des souffrances qu’il inflige.
    Ici il s’agit de sadisme…
    Tous deux ont subi les déformations mensongères de deux siècles de bêtise et de haine chrétiennes, mais vous savez d’habitude démêler le vrai du faux.
    La CAN ne représente que des intérêts financiers et politiques : la TOTAL CAN ou PDG CAN.
    Avec des joueurs déguisés en annonces pub, des affiches qui vantent l’alcool, le luxe…Mais aussi ces drapeaux, ces hymnes, la distribution de prébendes…
    Les rencontres deviendront virtuelles d’ici peu tellement le ballon n’a plus la moindre importance, gagner ou perdre ? Aucun sens, lorsque la question est combien?
    Le monde du ballon rond est corrompu de la FIFA aux joueurs sur payés et capables de truquer les rencontres…
    néanmoins cet évènement reste une opportunité de faire entendre les voix dissidentes et indignés.

  9. MWANE NYAMBI dit :

    L’analyse est peut-être de bonne facture, mais, citer PING, NZOUBA ou OYE MBA comme partisans de la bonne gouvernance me pousse à émettre de sérieux doutes sur la neutralité de votre journal et la pertinence de votre article;
    Combien de milliards de fca ont été détournés par ces 3 du temps de Bongo père? NZOUBA se souciait-il de ce peuple dont il entend faire la priorité du temps où il était PAN avec 160.000 millions de salaire mensuel?
    Le taux de chômage, les difficultés d’accès aux infrastructures d’assainissement . L’état de dénuement des hôpitaux et des salles de classe… Ces maux datent-ils d’hier?
    Ali est-il seul responsable de ces maux qui minent la société gabonaise?

    • Nelson Mandji dit :

      Il suffit vraiment de peu pour que vous en veniez à distribuer les mauvais points à ce journal que vous pouvez pourtant arrêter de suivre, mais qui pour nous autres n’est pas aussi marqué que l’Union, que Echos du Nord ou La Loupe ou le Mbandja. Est-il interdit de rappeler seulement sur quels thèmes ces trois leaders, opposants devenus, ont battu campagne ? Mme Bournguidi veut seulement démontrer que le besoin de bonne gouvernance est patent, évident et qu’il est appelé par le peuple de tous ses vœux, les leaders politiques l’ont si bien compris que cela figurait dans leur offre politique, vraie ou démagogique.

    • Jean-Marcel BOULINGUI dit :

      Mwane Nyambi, vous sortez une vanne-là : salaire de Nzouba à 160.000 millions CFA par mois ? Même Billie-bi-Nzé, le mythomane, n’est pas allé jusque-là.

      • mouthou dit :

        Qui a donné à Nzouba ce salaire de 160 Millions/mois?
        Avez une idée du salaire de sieur ALI Bongo? du salaire du Président actuel de l’Assemblée Nationale? du salaire de la Présidente du Sénat? du salaire du PM?
        Si Nzouba n’avez pas démissionné de son poste de PAN, nous n’aurions jamais su que le PAN touche 160 Millions de F CFA/Mois……!

    • Matho dit :

      Nous nous sommes donc trompé en croyant qu’il voulait, et à pris, le pouvoir pour corriger ces disfonctionnements. Avec votre intervention nous voyons que ce n’était pas son objectif. Mais alors qu’est il venu faire?

  10. nzam ata dit :

    C’est cela les reves d’enfant:devenir président comme son père,devenir aussi riche que son père et organiser la CAN comme pour son père les jeux d’Afrique Centrale en 1976 avec pour Ministre des Sports JB Assélé .Alors quoi d’autre?Le reste de nos préoccupations est sans importance.

  11. PITIE POUR VOUS dit :

    Aucun sens de lobjectivite dans les 8 comentaires.

    Ils applaudisent tous des critiques a peu de choses verifiables comme des mouches applaudissent la chiote.

    Ils se taisent face aux inauguration des infrastructures qui vont faire la fierte du pays et surtout des localites destinataires ou les jeunes et les sportifs sont souvent en manque.

    Donc donner aux jeunes et aux sportifs de telles structures sportives pour sexprimer et rever a devenir aussi grand comme Bolt ou Messi est un crime parce quon devait dabord construire le logement social et autres. Ils chantent des critiques comme si le devenir du gabon sarrete la ou comme si le pays ne va se developpe seulement qu`avec le logement social, le courant et l`eau partout, les primes dans les poches, etc. C`EST VRAIMENT PATETIQUE.

    Il n`ya plus de pbs sociaux, economiques, politique, culturels, spirituels, de fain et meme de sorcellerie et autres dans les pays qui ont dabord developpe tout ce quils revendiquent la, avant d`organiser ce genre de competition? CEST TOUT SIMPLEMENT PITIE CETTE PERCEPTION DES CHOSES.

    • la_cenap dit :

      si je vous ai bien compris, la priorité pour vous c’est les infrastructures en sportives ensuite les logements sociaux?

    • mouthou dit :

      Dans toute chose, il y a un degré dans les priorités. Pour les Gabonais, la CAN et ses infrastructures est loin, très loin derrière, dans le rang des priorités des Gabonais qui souhaitent d’abord se soigner, s’instruire, se loger, développer un cadre sociale où le vivre ensemble, loin de la peur de l’autre.

    • LB dit :

      Parce que les stades et autres infrastructures de 2012 ont été optimisé pour la jeunesse et le sport?

      Avant d en arriver il faudrait d abord un réel plan d action pour le sport au Gabon. Nos championnats toute discipline confondu sont nuls. On ne sait mm plus combien de temps dure un championnat de foot au Gabon. Les joueurs évoluent dans des conditions misérables et les fédérations sont inefficaces et vous pensez que c est construire un stade qui règle le pb.

      Les anciens stades là, vous avez organisés quoi dedans ? Vous les avez rentabiliser a hauteur de combien ? Je suis même sûre que les charges d entretien sont exhorbitantes…

      Et vous voulez que les gens crient oyeee parce qu il y a un nouveau stade

    • Matho dit :

      C’est juste de l’humour noir, je crois, car il n’est pas possible de penser sérieusement comme ça!

  12. Ngouss mabanga dit :

    Ali bongo veut laver son image (dirty face) en organisant coûte que coûte sa CAN. Je me demande bien quel karma la nation gabonaise paye pour avoir des gens de la sorte…

  13. Hermann O. dit :

    1.22 Milliards d’euros!!!!C’est l’estimation des retombées économiques pour la France à l’issue de l’organisation de la dernière coupe d’Europe des nations. Bien malin qui pourrait nous dire quelles ont été les retombées chiffrées de la CAN 2012. Pire quelles sont les prévisions pour ce qui est de la CAN 2017. Ailleurs on détermine une baseline ou une référence qui sert de critère de réussite ou d’échec selon que l’on en soit au dessus ou en dessous. La France avait estimé le « gain » autour de 1 milliard.

  14. AIR dit :

    C vraiment triste! Je m’adresse aux pourfendeurs de cet article. N’est il pas bon de réfléchir sur les priorités du peuple ? La vérité est que le peuple ne veut pas de cette CAN. Roxane fait une analyse lucide. Le fait de citer NZOUBA et OYE MBA n’altère pas du tout la justesse de son propos. Tous les Gabonais s’inscrivent dans ce raisonnement !

  15. Thiboy'z dit :

    un vrai gabonais qui aime sa patrie ne peux nier le fait que la CAN n’est pas une de nos priorités!il n’y a qu’a observé l’environnement éducatif, des routes,des hôpitaux, sans oublié le chômage qui ronge notre jeunesse!nous venions a peine de co-organisé la CAN avec la soeur voisine, ça nous a rapporté quoi?quel bilan ces gens ont fait comme ça se voit dans des pays civilisés!?on n’a pas besoin d’avoir bac+100 pour le comprendre !

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