Conduite par Dieudonné Minlama Mintogo, président du Collectif des organisations de la société civile pour la lutte contre la pauvreté, une vingtaine de Gabonais issus d’ONG et d’associations diverses, de syndicats et de confessions religieuses, a séjourné en Malaisie durant la première semaine de mars courant.

La délégation gabonaise à Kuala Lumpur. © Jean-Rock Abaga

La délégation gabonaise à Kuala Lumpur. © Jean-Rock Abaga

 

Après le Forum sur l’emploi des jeunes organisé en août dernier, et après l’annonce, en décembre dernier par le chef de l’Etat, du projet Graine (Gabonaise des Réalisations agricoles et des Initiatives des Nationaux engagés), Dieudonné Minlama Mintogo vient, avec des ONG et associations luttant contre la pauvreté et la précarité au Gabon, de séjourner, du 1er au 7 mars 2015, en Malaisie «un pays qui a permis à de petits paysans de devenir des agriculteurs prospères».

Quelques moments du périple en Malaisie de la délégation gabonaise. © Jean-Rock Abaga

Quelques moments du périple en Malaisie de la délégation gabonaise. © Jean-Rock Abaga

Toute l’industrie mondiale du palmier à huile s’est donné rendez-vous à Kuala Lumpur 

Pendant une semaine, les membres de la délégation gabonaise ont d’abord pris part à la Conférence internationale sur l’industrie du palmier à huile (POC 2015) qui a réuni, les 3 et 4 mars à Kuala Lumpur, près de 2000 participants, à savoir les majors agro-industriels venant des grands pays producteurs d’huile de palme, les experts de la société civile luttant contre la pauvreté, des représentants de gouvernements et des acheteurs potentiels. Lors de la cérémonie d’ouverture de cette 15ème conférence qui se tient une fois par an et qui avait cette fois pour thème «Commercialiser, couvrir le monde et se tenir au-devant des marchés», les participants ont suivi le discours du ministre malaisien de l’Industrie de production et des Facilités. Celui-ci a mis en exergue le fait qu’il fallait aller vers une plus grande production de l’huile de palme, tout en insistant sur la nécessité de préserver l’environnement.

Le groupe Olam «aux côtés de l’Afrique»

A la suite de cette allocution d’ouverture, les participants ont pu entendre diverses expériences nationales dans le secteur de l’agro-industrie, notamment en ce qui concerne l’industrie du palmier à huile. Un des patrons du groupe Olam International, Sunny Verghese, a ainsi présenté l’expérience de son entreprise en Afrique. Dans son speech qui portait sur les «Opportunités et Défis du palmier à huile en Afrique», le co-fondateur d’Olam  a annoncé que le groupe allait renforcer sa présence sur le continent en investissant massivement au cours des prochaines années dans le secteur de l’agro-industrie. Le groupe est déjà présent dans une dizaine de pays africains. Il s’est aussi réjoui de l’action d’Olam au Gabon et a soutenu que le projet Graine qui est porté par ce groupe et par le gouvernement gabonais était porteur d’espoir «parce que, a-t-il dit, porteur de prospérité». D’autres pays ont présenté leurs expériences dans la culture du palmier à huile. C’est le cas de l’Inde, de la Thaïlande et de la Malaisie, grands producteurs du palmier à huile. «Une conférence enrichissante et instructive», comme l’a qualifié Marcel Bridon, un expert gabonais.

Le projet Graine présent à l’Exposition

En marge de la conférence, les participants ont visité l’exposition qui se tenait tout juste à côté de la salle de réunion. Une cinquantaine d’exposants venus d’Asie et d’Amérique, tels que Pacific Oleo, Oiltek, KLK Oleo (Malaisie), Felda Global Ventures (Malaisie), Okachi (Japon), Dalian Commodity Exchange (Chine), Wilmar (Singapour), étaient présents à cette foire, ainsi que le projet Graine (Gabon) qui a été présenté ici par les responsables d’Olam.

A propos de ce projet, les membres de la délégation gabonaise ont pu s’imprégner de l’expérience malaisienne en matière agricole. Cette délégation au sein de laquelle se trouvaient des responsables d’ONG tels qu’Hervé Omva (IDRC Africa), Pépécy Ogouliguendé (Malachie), Josiane Ndongoué (Rafael), Livane Ngoua (CFFC), des responsables de syndicats, tel qu’Aloïse Mbou Mbine, des agriculteurs, notamment Apollo Ollomo Mba et Ngomo Sama, des experts, notamment Marcel Bridon, Emmanuel Edou Eyené, Ghislain Etoughet, Christian Matchayi, Faustin Ontsougou et Jean-Rock Abaga, a en effet visité les plantations du Programme Felda à 120 kilomètres de Kuala Lumpur.

Créé en 1956 au moment où la Malaisie n’était pas encore le petit dragon d’Asie qu’il est devenu, au moment où ses différentes communautés (les Malais, les Indiens Malaisiens et les Chinois Malaisiens) ne connaissaient pas la prospérité, le programme Felda a permis à ce pays de se développer grâce à l’agriculture ces dernières vingt-cinq années. Près de 120.000 paysans sont devenus de prospères agriculteurs qui ont permis à leur pays (30 millions d’habitants, dont 2 millions dans la capitale, Kuala Lumpur) de devenir un «petit dragon» et de compter bientôt parmi les pays émergents. Le Parlement malaisien avait pris l’initiative d’une loi destinée à permettre aux personnes qui étaient économiquement faibles de devenir des producteurs. Elles étaient d’abord locataires des terres d’Etat, puis ces personnes devenaient progressivement, si leurs revenus le leur permettaient, propriétaires de ces terres.

«Modèle de réussite agricole et sociale», selon Dieudonné Minlama Mintogo

Les plantations Felda sont constituées essentiellement de palmiers à huile. Sur une superficie de 1800 hectares, il y a 150 palmiers par hectare, soit 600 à 700 palmiers par planteur sur les 4,5 ha mis à la disposition de chaque planteur.  La visite du «village des planteurs» avec ses habitations cossues et ses parcs automobiles impressionnants a permis d’édifier les membres de la délégation gabonaise sur ce «modèle de réussite agricole», comme l’a dit Dieudonné Minlama Mintogo. «J’ai dit à nos partenaires d’Olam, que je tiens à remercier, qu’il nous fallait voir, constater, vérifier ce que Felda a fait en Malaisie, pour imaginer ce que Graine peut faire pour le Gabon en termes de lutte contre le chômage des jeunes et la précarité de nos populations», a souligné le président du Collectif des organisations de la société civile pour la lutte contre la pauvreté.

L’huile de palme est présente notamment dans l’industrie cosmétique et dans le secteur pharmaceutique.

 

 
GR
 

5 Commentaires

  1. Sibel2.0 dit :

    Mais là du coup, nous sommes loin de ce qui nous a été vendu c’est à dire un projet pouvant permettre le developpement de l’autosatisfaction alimentaire… Donc la culture de plusieurs types de fruits et legumes, permettant de reduire les importations…
    Je pense qu’il faut etre realiste, ce n’est la culture de palmiers qui va permettre baisser le coût du panier de la menagere. A travers le projet la Graine, nous allons juste developper une nouvelle industrie, faire plus d’exportation, enrichir les multinationales qui feront office de trader. Cela peut etre etre interessant pour les caisses de l’Etat, mais une fois de plus on ne repond pas à la veritable problematique du peuple… « Increase the value for money », et je ne pense pas que se soit une solution pereenne.
    De plus le modèle malaisien se trouve etre une vrai catastrophe sur le plan environmental.

  2. Petit Yannick dit :

    Pourquoi ne pas mettre l’accent sur les cultures vivrières. Le Gabon n’est pas auto-suffisant sur le plan alimentaire. Cette huile de palme qu’est-ce-qu’elle va réellement rapporter aux Gabonais? Ça va servir a quoi si ce n’est à remplir les caisses d’Olam et directement les poches de notre président qui est un actionnaire de cette boîte.
    On va me répondre « ça va servir à créer des emplois ». Je suis d’accord.Les villageois vont laisser leurs plantations pour aller travailler toute la journée,comme des esclaves,pour un salaire de misère.
    Salaire qui ne suffira pas a nourrir la grande famille puisque tous coûtent chère chez le « libanais ».Et comme l n’y a plus de plantations c sera encore plus dure.
    Et à la fin, de la misère, que l’on pensait s’en être sorti, on se rendra vite compte que l’on ait encore bien dedans.

  3. John SIMPLIX dit :

    Pauvres bantous d’Afrique Centrale toujours complexés, vous préférez allez à plus de 10.000 km pour apprendre ce que nos frères qui habitent de l’autre côté du Ntem maîtrisent parfaitement dans un contexte culturel similaire au nôtre. Les colons ont vraiment très bien travaillé pour que nous soyons divisés à ce point.

    Les Camerounais ont compris il y a dix ans que leur émergence est stratégiquement liée à celle de leur voisin nigérian et pour faciliter les échanges les deux nations ont levé les visas (le Nigéria ne fait pourtant pas partie de la Cemac).

    Comment ont-ils pu arriver à ce niveau de coopération alors qu’il y a justement 10 ans ces deux nations étaient en guerre pour la souveraineté de l’île de Bakassi gorgée de pétrole ?

    BGFI Bank s’est pourtant très bien installé au Cameroun, avec des résultats d’exploitation plus que satisfaisant. Ces derniers mois, le Congo, la Guinée Equatoriale et le Cameroun ont été pour le Gabon des points de levage de plusieurs emprunts obligataires. Qu’est-ce qui nous empêche de prendre des participations, voir le contrôle d’entreprises stratégiques Camerounais opérant dans le secteur agricole ? Le problème est que notre agriculture à déjà été confiée à des gens qui viennent de loin. C’est pour cela que nous devrons allez au loin à chaque fois qu’il faudra évoluer dans ce domaine.

    Ce problème de notre modèle de coopération est crucial pour l’émergence populaire, pas l’émergence économique, l’émergence du peuple. En effet les partenariats avec des peuples culturellement et géographiquement éloignés coûtent cher, ne peuvent et ne doivent être durables, imposent généralement un interfaçage gouvernemental et produisent un effet d’enclavement.

    C’est une erreur stratégique et une dilution culturelle.

    La mauvaise gestion des ressources et des hommes, c’est aussi cela.

  4. ya kiakia dit :

    Exact ! Dans la région de l’ouest du Cameroun ils sont incroyablement mais alors là merveilleusement avancés dans ce domaine depuis plusieurs années ! Mais le complexe du gabonais va le ruiner avant de le tuer. Dans le cadre des échanges des pays de la Cemac, effectivement, les gabonais auraient avantage à apprendre de leurs frères du Cameroun voisin. Mais non. L’orgueil dans zéro qui nous habite depuis le sommet jusqu’au petit makaya des mapanes fait qu’on préfère s’il le faut, aller au bout du monde chercher conseil chez des gens qui ne parlent même pas notre langue !!! Ah, mon pauvre pays…

  5. Gioto dit :

    J’avais posté un commentaire lors du lancement du programme Graine en décembre dernier, pour dénoncer une opération d’enfumage destinée à favoriser le développement de la culture du palmier à huile, au profit de la multinationale OLAM, aux frais du contribuable et au détriment des cultures vivrières dont le Gabon fait cruellement défaut. Cette équipée de Kuala Lumpur conforte mon point de vue. Ce projet, vendu à l’Etat gabonais (disons au bord de mer) par les malaisiens me rappelle tristement, dans une moindre mesure, le PSGE conçu artificiellement par des consultants étrangers et dont la mise en œuvre tarde à produire des effets. On risque de déplorer dans quelques années les conséquences environnementales et sociales que va engendrer l’intensification de la culture industrielle du palmier à huile chez nous. Les méfaits sont déjà visibles dans les zones d’implantation d’OLAM (paupérisation des populations rurales, abandon des villages et des cultures traditionnelles, déstructuration des familles, etc.) j’espère que mon point de vue va susciter des réponses sensées, et non les éternelles injures proférées par les avocats du diable.

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