L’opposition congolaise a tenu, le dimanche 28 septembre dernier à Brazzaville, son plus grand rassemblement depuis le retour au pouvoir du président Denis Sassou Nguesso en 1997 pour dire «non au coup d’État constitutionnel» qui permettrait au chef de l’État de se représenter en 2016.

© lolakayacongo.com

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L’opposition réunie au sein de l’I.d.c (Initiative pour la démocratie au Congo) et du Frocad (Front congolais pour l’alternance démocratique et le respect de l’ordre constitutionnel) a organisé, dimanche 27 septembre 2015, à partir de 13h, un grand meeting populaire, au boulevard général Alfred Raoul, à Brazzaville, pour réitérer son refus au référendum constitutionnel qu’elle considère comme «un coup d’Etat constitutionnel». Selon les organisateurs, vingt-cinq mille personnes ont assisté à ce meeting qui a vu défiler plusieurs orateurs, dont le dernier, l’ancien ministre André Okombi-Salissa, a galvanisé la foule par son discours. Il a appelé les militants et sympathisants à attendre le mot d’ordre de la marche, dès que le président de la République annoncera la date du référendum. «Soyez prêts, l’heure est à l’action», a-t-il dit, tout en demandant à la population de ne pas avoir peur, car «la peur a changé de camp».

© zenga-mambu.com

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L’opposition a surpris par la réussite de son meeting en pleine ville capitale. La mobilisation de ses partisans est la preuve de sa détermination à barrer la voie au changement de la Constitution. Des banderoles étaient affichées sur la clôture du palais des congrès et sur lesquelles on pouvait lire: «Non au changement de la Constitution; Non au référendum»; «Oui à l’alternance politique»; «Non au troisième mandat présidentiel»; «Non au coup d’Etat, oui à l’alternance».

L’assistance attendait un mot d’ordre pour marcher jusqu’au palais présidentiel. Mais, dans sa modération, Guy-Romain Kinfoussia a calmé le jeu. Il les a exhortés à garder le calme et à rentrer tranquillement chez eux. «On va vous provoquer dans la rue, ne leur répondez pas», leur a-t-il conseillé. Six dirigeants de l’opposition ont pris la parole, tour à tour. Après le mot des femmes et de jeunes, Claudine Munari, président du Must, a demandé à la foule si elle allait accepter qu’on change la Constitution. Un «Non» a retenti. Pour elle, le temps est arrivé pour le président de partir. Tout en tonnant la chanson Yiwiri (en lari, c’est fini), elle a laissé entendre que l’opposition est débout et elle ne reculera pas.

Guy Brice Parfait Kolélas, le secrétaire général du M.c.d.d.i dont les militants s’étaient fortement mobilisés pour ce meeting, a commencé son allocution par le chant: «Nous irons jusqu’au bout du monde, l’imposture ne passera pas!». Une mélodie reprise par la foule en liesse qui a entonné d’autres chants qu’aimaient chanter le vieux Kolélas, lors de ces meetings pour haranguer la foule. Comme pour faire un mea culpa, il a demandé pardon, au nom de son parti, au peuple pour avoir aidé à installer un régime qui, aujourd’hui, veut se «cramponner au pouvoir. Ça suffit», a-t-il dit.

Mathias Dzon a, quant à lui, exhorté l’assistance à être débout. Il a plaidé pour une alternance politique et a critiqué l’opération de révision des listes électorales, notamment le temps de quatre jours imparti à cette opération. «On appelle ça le hold up électoral. Tant qu’il n’y aura pas de bonne gouvernance électorale, nous n’irons pas aux élections. Nous refusons le coup d’Etat constitutionnel et le président doit revenir à la raison. Sinon, nous allons nous fâcher», a signifié l’ancien ministre des finances, président de l’U.p.r.n.

René Serges Blanchard Oba a fait savoir que la dérive quitte la dimension du petit cours d’eau pour devenir un océan. «Mu par le vertige de la longévité au pouvoir, notre président est devenu sourd à tout. Le nez dans le guidon, il fonce droit devant lui et ne distingue plus rien. Sa boulimie l’emporte», a-t-il dit. S’il persiste dans sa logique, «dès l’annonce de la date du référendum, tout le Congo sera dans la rue», a-t-il prévenu. Par ailleurs, il a stigmatisé l’interdiction faite aux opposants de sortir du territoire national. «Nous demandons aux pays étrangers, d’interdire l’accès dans leurs pays aux membres du gouvernement congolais», a-t-il lancé.

Ragaillardi par cette mobilisation, Pascal Tsaty-Mabiala, le premier secrétaire de l’U.pa.d.s a indexé certains leaders de la majorité qui, selon lui, n’allaient pas dormir cette nuit-là. «Après 32 ans, ça suffit! Même Jésus n’avait pas pu terminer son œuvre», a-t-il déclaré et s’adressant à la foule: «Le peuple, c’est vous. Aujourd’hui, nous avons pu attraper le président de la République et nous ne le lâcherons plus. On va l’accompagner jusqu’en 2016. Mais, pas avant. Il est le président que nous avions élu. Maintenant, s’il fait quelque chose avant, il peut aussi partir. Lorsqu’un dirigeant commence à se rendre indispensable, il devient dictateur», a-t-il précisé.

Dernier orateur, André Okombi-Salissa a été très ovationné dès qu’il s’est présenté devant la foule. «Il n’y a que les hommes qui ont peur», a-t-il lancé, d’un ton déterminé. «Nous sommes ici pour dire non au référendum constitutionnel et à l’escroquerie politique», a-t-il ajouté. Répliquant à la majorité présidentielle, le président de la C.a.d.d a fait savoir que les leaders de l’opposition sont des hommes de paix. Il a répond au président de la République qui lui avait demandé, le 29 novembre 1992 d’être un homme d’honneur: «Je lui réponds, je reste un homme de parole». Il a rappelé qu’en 1992, l’opposition menée par le président Sassou-Nguesso avait dit non au président Pascal Lissouba: «Aujourd’hui, je dis non à mon propre président. Même Dieu, notre créateur, ne nous oblige pas à croire en lui. Le peuple dit non et nous n’allons pas reculer».

André Okombi-Salissa a pris rendez-vous avec les militants et sympathisants, pour répondre à l’appel de l’opposition: «Est-ce que vous allez marcher?». Un «Oui» retentissant est sorti de la foule. Pour l’orateur, il faut démontrer à la majorité que l’opposition a la force du peuple. «Mais, nous ne l’utiliserons pas tant qu’ils ne sont pas en erreur. Mais, le jour qu’ils vont annoncer la date du référendum, nous vous appellerons et nous serons devant, nous-mêmes», a-t-il dit, tout en précisant qu’après le Burkina Faso, le tour du Congo est arrivé. Pour cela, il a demandé à la foule d’être prête: «L’heure est l’action; rentrez chez vous sans provocation. La peur a changé de camp; n’ayez pas peur!». Après quoi, les militants et sympathisants de l’opposition sont repartis chez eux, à pied, dans le calme, comme ils étaient venus n’ayant pour motivation que leur seule détermination. Aucun n’incident n’a été signalé.

Auteur : Cyr Armel Yabbat-Ngo

 

 
GR
 

4 Commentaires

  1. matho dit :

    « Après quoi,les militants et sympathisans de l’opposition sont repartis chez eux à pied et dans le calme,comme ils etaient venus… ».Admirable, ça laisse reveur.

  2. ossami dit :

    Une opposition responsable qui maîtrise sa foule qui rentre tranquillement chez elle.Bravo

  3. Fiocca dit :

    Sassou Nguesso a peur de quitter le pouvoir. il est entre le marteau et l’enclume. S’il refuse de se présenter, le PCT va se déchirer et sa famille sera en difficulté.

  4. ODABO dit :

    Voici des exemples a suivre! le congo est en marche vers une vraie democratie, le peuple congolais a compris qu’il represente une force et il faudra compter avec lui en 2016. Sassou et les siens, malgrés leurs manigances, partiront de grés ou de force et devront rendre des comptes. Que tout cela inspire le peuple gabonais, qu’il se leve et marche pour un changement.

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