Alors qu’il annonçait, le 9 juin dernier à Paris, la nécessité d’une réduction de 30 % des effectifs des ambassades et consulats du Gabon, le ministre des Affaires étrangères, de la Francophonie et de l’Intégration Régionale s’est heurté à la dure réalité du contexte gabonais. L’ambassade du Gabon en France, mission diplomatique «la plus peuplée» a plutôt enregistré, à l’issue du dernier Conseil des ministres, une inflation de son personnel et quelques bizarreries.  

26 Bis Avenue Raphaël à Paris : l’ambassade du Gabon en France. © google/maps

 

Les premières mesures individuelles prises par le Conseil des ministres du 21 juin dernier ne concordent pas du tout avec la déclaration du chef de la diplomatie gabonaise visant «une diminution nette des effectifs de 30% car, ça coûte très cher à l’Etat gabonais» . Au contraire, à l’ambassade du Gabon en France, mission diplomatique «la plus peuplée», le gouvernement a nommé plus de diplomates qu’il n’y en avait jusque-là. Ceux-ci sont passés de 17 auparavant à 24 dorénavant, si l’on comptabilise également les Attachés de Défense et Consul général ayant le statut de diplomate ainsi que le bibliothécaire et l’agent chargé de la sécurité, nommés le 21 juin, mais dont les noms n’apparaissent pas dans le quotidien L’Union du jeudi 22 juin.  Et surtout,  fait curieux : dans un domaine où l’on ne devrait nommer que des plénipotentiaires, des Premiers conseillers, Conseillers et Premiers secrétaires ou Attachés d’ambassade, on a également nommé, tel qu’indiqué ci-dessus, une Chargée d’études de même qu’un bibliothécaire et un agent chargé de la Sécurité rapprochée. «Le mammouth aura du mal à être dégraissé, du fait d’un certain nombre de pesanteurs», écrivait Gabonreview la semaine dernière !

Pacôme Moubelet Boubeya a donc finalement fait le contraire de ce qu’il avait annoncé. Tout seul, il l’a fait lui-même. Car, en interne, dans les services du ministère, on affirme que pour ces nominations le ministre n’a associé ni le ministre délégué, Calixte Isidore Nsié Edang, ni la Secrétaire générale du ministère, Mireille Sara Nzenzé. Il aurait peut-être su, si le travail avait été élaboré de manière collective, que dans la nomenclature des fonctions diplomatiques, il n’existe que des ambassadeurs, des ministres conseillers, des Premiers conseillers, des Conseillers, des Deuxièmes conseillers, des Premiers, Deuxièmes et Troisièmes secrétaires et des Attachés d’ambassade. Et que, dans les postes consulaires, il n’existe que les fonctions de Consul général, Consul, Consul honoraire, vice-Consul ou Consul adjoint et Attachés consulaires. Avec les dernières nominations, le dispositif diplomatique et consulaire du Gabon pourrait devenir la loufoquerie des autres missions diplomatiques, tant il sort des normes.

 «Chargée d’études dans une ambassade : une curiosité !»

Précédemment Deuxième conseiller à l’ambassade, Nancy Réjon devient chargée d’études. Une première ! On pourrait donc se demander pourquoi le gouvernement crée ce poste inédit alors qu’il annonçait tout récemment le besoin d’une réduction des membres du corps diplomatique. Pacôme Moubelet Boubeya aurait-il fait face à quelque pression, à quelques pesanteurs ? En tout cas, réagissant à ces mesures individuelles, un ancien ambassadeur ayant servi en Europe et en Asie estime qu’«en procédant à des nominations aussi curieuses (Conseiller juridique, Chargé d’études, bibliothécaire et agent chargé de la Sécurité rapprochée) le ministre des Affaires étrangères prend le risque de compromettre les fondamentaux de la nomenclature des fonctions diplomatiques». «On se croirait dans un ministère», ajoute-t-il, visiblement dépité.  L’ancien diplomate précise qu’il y a quelques années, Antoinette Epigat Ondimba épouse Bringault avait été nommée Conseiller juridique à l’ambassade du Gabon en France, mais face à une suggestion amicale du directeur des Affaires africaines et de l’Océan indien du Quai d’Orsay, l’intitulé de la fonction a dû être changé. Bien que s’occupant des affaires juridiques, l’intéressée – magistrate et nièce d’Omar Bongo – fut alors nommée simplement «Conseiller à l’ambassade du Gabon à Paris». Le mot «juridique» peu usité dans les missions diplomatiques disparut. Les nominations annoncées le 21 juin dernier comportent, comme on le voit, des «anomalies évidentes». Dans aucun pays du monde, on ne nomme en effet des Chargés d’études dans les ambassades. Le Gabon vient donc de lancer une innovation en la matière.

Dégraisser les ambassades, l’impossible pari

Paris (ambassade, consulat général et mission militaire réunis) constituait déjà, avec ses 17 diplomates et assimilés, la mission diplomatique aux effectifs les plus pléthoriques. C’est naturellement donc par cette ambassade que la volonté de réduire les effectifs devait commencer. Mais, que constate-t-on ? Dans les faits, le mot «confirmé» accolé à ces fonctions est faux. Le dernier Conseil des ministres a plutôt procédé à des créations de postes, par les nominations de Conseiller chargé des Relations avec le Portugal, la Suisse, Andorre et Monaco, de Conseiller académique chargé de l’éducation à l’OIF (en fait, à la Représentation permanente du Gabon à l’OIF), de Conseiller chargé de la Francophonie économique à l’OIF, de Conseiller culturel chargé de la Coopération culturelle à l’OIF… Pourquoi donc tant de personnels au nouvel ambassadeur du Gabon en France et auprès de l’OIF ? Germain Ngoyo Moussavou, l’ambassadeur sortant, cumulait pourtant lui aussi les deux fonctions.

 «Nommé en 2011 au poste d’ambassadeur haut représentant du Gabon en France, l’éminent journaliste avait, quelques mois plus tard, été, comme ses prédécesseurs, désigné au poste d’ambassadeur du Gabon au Portugal, en Suisse (Berne), à Monaco et à Andorre, avec résidence à Paris, bien évidemment. Puis, un peu plus tard, il fut nommé Représentant permanent du Gabon auprès de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). On ne mit pas, à ses côtés, autant de collaborateurs pour la Représentation à l’OIF. C’est plutôt au moment où l’on parle de réduction des effectifs que l’on voit arriver autant de nouveaux diplomates», note l’ancien ambassadeur aujourd’hui à la retraite. Pour certains agents, en interne, «le nouvel ambassadeur à Paris et auprès de l’OIF a exigé d’être accompagné «comme il faut» pour mener à bien sa mission, et le ministre a cédé».

Après donc avoir dit que le Gabon n’avait pas besoin d’avoir une vingtaine d’agents dans une ambassade pour travailler efficacement, voilà que Pacôme Moubelet Boubeya est démenti par les faits, démenti par la «réalité du terrain». Ces pesanteurs, ces pressions douces et amicales auxquelles ont fait face ses prédécesseurs, il les subit lui aussi aujourd’hui. Il est décidément difficile de dégraisser le mammouth. Question : comment le ministre des Affaires étrangères va-t-il pouvoir réduire les personnels dans d’autres missions diplomatiques, alors que le contraire a été fait quant à celle de Paris, connue comme  «la plus peuplée» ?

12 jours après sa déclaration de Paris, Pacôme Moubelet Boubeya a été contraint de se dédire, en quelque sorte. Il n’a pas réussi à transformer l’essai ; Gabonreview le prédisait. La mise en œuvre de son projet s’est transformée en Bérézina.

 

 
GR
 

12 Commentaires

  1. Allo241 dit :

    La première équipe n apportait rien. Aucun rendement. Certains étaient là depuis des décennies. Le retraité dont vous parlez n a rien apporté à cette mission qui a été coupée de la diaspora. la suite nous la connaissons
    Il fallait un toilettage.
    Attendons de voir la suite peut être que certaines Ambassades unitiles vont être supprimée et le compte sera bon.
    Affaires de chargée d études, on sent les règlements de compte.
    Acceptez les décisions.

  2. BONNIER dit :

    Mais c’est quoi ce foutoir ? Il n’y a même plus de consulat au Gabon pour légaliser les documents d’état civil. Les Gabonais sont obligés d’aller faire légaliser leurs documents au Cameroun, à plus de 2000 km de là !! Qu’on m’explique svp.

  3. Ossimane dit :

    Bonjour,
    J avais jusque là tendance à accorder beaucoup de crédit à Gabonreview mais je dois avouer ma déception à la lecture de cet article. Je pense qu’ une démarche d information constructive aurait exigé que vous vous impregniez des textes des AE afin de nourrir votre article et donner la bonne information à vos lecteurs. Sans relever toutes vos « bizarrerie », je me permets simplement de vous faire savoir que jusqu’en février dernier, le volet Organisation Internationale de la Francophonie était gérée à la Délégation permanente chargée de l Unesco et de l OIF.Cette Délégation permanente est d ailleurs dirigée par un Ambassadeur qui se trouve être une dame et qu’ on ne peut donc pas confondre avec l ancien Ambassadeur qui n a jamais eu ce volet dans ses attributions. Ainsi, le volet Francophonie étant revenue à l Ambassade du Gabon en France, le suivi de cette coopération a tout simplement était répartie parmi les Conseillers en fonction des domaines. Vous auriez fait preuve de professionnalisme en vérifiant cette information avant de relayer des propos de quelqu’un qui visiblement n y connaît pas grand chose. Et c est facilement vérifiable. Par ailleurs, dans une Ambassade il n y a pas que le personnel diplomatique. Il y a également ceux qu’ on appelle personnel local, excusez du peu, ce ne sont ni des plénipotentiaires, ni des conseillers des affaires étrangères, etc. Ça encore c est facile à vérifier. Enfin, pour votre information il existe un embryon de bibliothèque à l Ambassade du Gabon à Paris qui ne fonctionne quasiment pas. La volonté de la redynamiser et mettre à la disposition du public un lieu de culture au sein de cette Ambassade vous échappe t-elle au point de trouver incongrue qu’ on y nomme un bibliothécaire !?

    • gabonreviewadmin dit :

      Les règles du métier nous recommandent un minimum de 3 sources différentes. Il peut se trouver que 3 ou même 5 sources disent la même chose et voilà le journaliste induit en erreur. Cet article a été rédigé après entretiens avec de nombreux diplomates, aussi bien de la centrale à Libreville que d’autres de l’étranger joints au téléphone et un ancien ambassadeur dignitaire. Le journaliste n’est pas un voyant et nous ne voulions ni écrire un livre scientifique, ni rédiger un mémoire de fin détudes, ni mener une enquête policière sur l’organisation des Affaires étrangères du Gabon. C’est pas de la faute du journaliste si le personnel diplomatique ayant servi de source « n’y connaît pas grand chose ». Les concernés apprécieront et viendront sans doute glisser leur avis ici.

      L’objet de l’article est la difficulté de dégraisser le personnel tel qu’envisagé par le ministre des Affaires étrangères. Celui-ci se heurte justement aux notables et gourous justifiant éternellement tel ou telle option confortable pour eux. Bibliothécaire, gardien ou même cuisinier, le personnel local existe partout en effet, mais il est recruté sur place, d’où le terme personnel local. On n’a pas besoin de les nommer en Conseil des ministres et il faut le reconnaître, « chargé d’études » dans une ambassade est tout de même une bizarrerie, tout comme les autres entorses à la nomenclature des postes diplomatiques relevées ici.

      Pour économiser il y a tout plein de pistes pouvant être empruntées. Il semble que ce n’est pas le cas avec les mesures individuelles du dernier conseil des ministres. Soit dit en passant, personne, surtout pas Gabonreview n’est contre une bibliothèque, mais un préposé pouvait être embauché sur place. Merci de continuer à nous suivre.

      • Ossimane dit :

        « Il peut se trouver que 3 ou 5 sources disent la même chose et voilà le journaliste induit en erreur. » En effet! Le journaliste bien que n écrivant pas « un livre scientifique » ou ne menant pas « une enquête « policière « a la responsabilité de vérifier ses sources et ne pas prendre pour argent comptant les propos des uns et des autres pour peu, dans le cas présent, qu’ ils se disent personnel diplomatique car malheureusement tous n y connaissent effectivement pas grand chose. On le voit avec la gestion du volet OIF! Par ailleurs, rien n interdit de recruter le personnel local hors de la juridiction pourvu que le pays d accréditation en soit informé. Enfin,je comprends bien l objet de votre article et votre préoccupation. Vous comprendrez également que la nécessité de « dégraisser « les ambassades ne peut pas se faire à tout va sans tenir compte de ces différentes ambassades et autres représentations permanentes. Certaines gèrent le bilatéral, d autres le multilatéral et d autres encore les deux volets, comme c est désormais le cas de l ambassade du Gabon en France. En toute logique, la question du »dégraissage « ne peut donc obéir à un seul schéma mais plutôt envisagée au cas par cas.

        • Franco Sifredi dit :

          Que le gouvernement et vous arrêtiez de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Nous savons que certaines de ces nominations ont été rendues officielles pour la protection juridique de ces personnes nommées car certaines d’entre elles, honorables correspondants des services de renseignements Gabonais, le sont sous couverture des affaires étrangères. Pourquoi le ministre délégué et le secrétaire général du ministère devaient être impliqués dans une affaire qui ne les regarde pas. Ben voyons

  4. Philibert dit :

    Ca c’est l’effet Pantheres. La peur a changer de camp. C’est noua qui tiront les cartes maintenant. #leRhumeAuNez

  5. espoir dit :

    Bien repondu, si leur patron ministre putchiste est un apprenti des missions diplomatiques la faute est a qui? c’est la preuve que le pays est dirige par des incompetents dont leur seul but est de se maintenir au pouvoir.

  6. Ange BOUSSAMBA dit :

    Je soutiens pleinement ce que dit Gabonreviewadmin. C’est ça là même la vérité, comme on dit au quartier. Le personnel local n’est pas nommé en conseil des ministres ; donc si un bibliothécaire est nommé en conseil des ministres, il a le statut de diplomate avec passeport diplomatique. Je soutiens aussi pleinement le journaliste. Michel Ndong que je lis et que j’apprécie n’écrit rien qui soit dépourvu d’objectivité. Quant à mon cher Ossimane, je veux lui dire qu’il n’a pas l’ait de maîtriser, comme il veut le faire croire, les arcanes de la diplomatie gabonaise. Certains faits échappent à son analyse. Bonne journée à tous. J’étais juste de passage.

  7. Axelle MBALLA dit :

    Etonnant quand-même pour Gabonreview qui semble concourir à l’effort de neutralité et qui pourtant, pour un fait touchant à Ali BONGO, du fait de son beau-père, vous lui offrez l’exclusivité en bande passante, chèrement payée? ou déjà payée?
    Là encore, ai-je tort de questionner votre…..professionnalisme et votre neutralité?

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