Après plusieurs reports, le sommet des chefs d’Etat de Cemac qui devait se tenir les 7 et 8 janvier dernier, comme déjà indiqué, a encore été ajourné. Selon de nombreux observateurs, les relations, qualifiées de mauvaises, entre les présidents du Gabon et du Congo seraient, entre autres, à l’origine de ces vrais-faux «problèmes de calendrier».

Ali Bongo lors d’une visite éclair de moins de 12 heures à Brazzaville, le 11 septembre 2009. © lesamisdesassou.afrikblog.com

Ali Bongo lors d’une visite éclair de moins de 12 heures à Brazzaville, le 11 septembre 2009. © lesamisdesassou.afrikblog.com

 

Dans sa parution du 10 septembre 2014, l’hebdomadaire panafricain Jeune Afrique révélait qu’«Ali Bongo et Denis Sassou Nguesso ne débordent pas d’affection, l’un pour l’autre». Il est difficile de ne pas croire à une telle information. Ce journal, dont le directeur de la rédaction, François Soudan, est réputé proche de la famille Sassou, paraît bien informé sur le Congo. Jeune Afrique s’étonnait d’ailleurs de ce que les deux chefs d’Etat n’aient que de rares contacts, bien qu’ayant des amis communs tel que Richard Attias, «en affaire» aussi bien à Libreville qu’à Brazzaville. L’un des signes de ces rapports difficiles a été l’inauguration, le 15 décembre dernier, par Sassou Nguesso d’une route de 90 kilomètres partant d’Okoyo au Congo pour aboutir à la frontière du Gabon «en l’absence de son homologue gabonais et de toute autre personnalité officielle du Gabon», avaient noté des observateurs. Prenant la parole lors de cette cérémonie, le ministre congolais des Travaux Publics avait tenu à rappeler que la construction de cette route  -symbole d’intégration sous-régionale-  qui va permettre d’augmenter les échanges entre les populations du Gabon et du Congo, était «un projet des présidents Sassou Nguesso et Omar Bongo», en omettant de préciser sans doute involontairement – que les présidents Ali Bongo et Denis Sassou Nguesso en avaient posé la première pierre en 2011.

Moins d’échanges bilatéraux au niveau des chefs d’Etat 

Depuis l’accession d’Ali Bongo au pouvoir en 2009 – quelques mois après les décès successifs d’Edith et Omar Bongo – Denis Sassou Nguesso n’a effectué que quatre visites au Gabon, et il ne s’est agi chaque fois que d’échanges au niveau de la coopération sous-régionale. C’est en effet uniquement dans le cadre des sommets de chefs d’Etat de la CEMAC et/ou du New York Forum Africa. Les observateurs notent le peu d’échanges au niveau bilatéral depuis quelque temps, «alors que les deux pays avaient entamé une coopération qui s’annonçait dynamique sur les questions environnementales autour du bassin du Congo».   

Pour d’autres analystes, «la brouille date en fait de janvier 2011». Ali Bongo n’aurait que peu apprécié l’attitude de Sassou Nguesso qui aurait appuyé le chef de l’Etat équato-guinéen dans son désir d’instituer le principe de la rotation des postes au sein des structures sous-régionales. C’était à Ndjaména, et en son absence – Ali Bongo n’était arrivé dans la capitale tchadienne que le jour de l’ouverture du sommet, alors que tous ses homologues s’y trouvaient depuis la veille et l’attendaient, mais le président de la République gabonaise avait argué d’une cérémonie de vœux pour retarder son départ sur le Tchad. Tout avait donc été décidé avant l’arrivée du chef de l’Etat gabonais. Résultat des courses : le Gabon perdit le gouvernorat de la Banque des Etats de l’Afrique centrale, et ne reçut en lot de consolation la présidence de la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale (BDEAC), une institution beaucoup moins prestigieuse que la BEAC. Avec le soutien du président congolais, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo réussit à imposer le principe de la présidence tournante des institutions.

Conflit familial ? 

Ali Bongo n’aurait pas non plus apprécié que son homologue congolais ait reçu Jean Ping à Brazzaville à la fin de l’année 2013. L’ancien président de la Commission de l’union africaine avait sollicité et obtenu cet entretien, «uniquement pour aller remercier Denis Sassou Nguesso de tout l’appui que lui avait accordé celui-ci dans ses fonctions continentales», révèle un ancien diplomate congolais. «Le journal La Griffe, proche de la présidence gabonaise, en avait fait, toujours selon le même diplomate, fait un compte-rendu un peu limite plusieurs mois plus tard».   

Par ailleurs, Brazzaville semblait, un moment, être devenue la capitale des «anti-Ali». Depuis plusieurs années en effet, le président congolais est l’objet de moult sollicitations de la part des «anciens dignitaires de l’ère Omar Bongo déçus par Ali Bongo». Après avoir longtemps hésité, Sassou Nguesso a fini par leur ouvrir ses portes. Il a notamment reçu, début-2013 avant sa mort, Madame Dukuly, ancien conseiller spécial du président Omar Bongo qui faisait surtout office de directeur de cabinet de la première dame Edith Lucie Bongo. Puis, les portes du palais présidentiel congolais s’étaient ouvertes pour le Général André Oyini, ancien commandant en chef de la Garde républicaine sous Omar Bongo. Celui-ci était allé exposer à Sassou Nguesso les problèmes de santé auxquels il faisait face. Il finira par mourir en novembre de la même année. Antoinette Ndo, la dernière directrice générale du Protocole d’Omar Bongo, n’était pas en reste. Cette dame qui avait refusé, en octobre 2009, le poste de secrétaire général du ministère des Relations avec le Parlement, a elle aussi été reçue à la présidence de la République congolaise, après le braquage dont elle a été l’objet. La générosité du chef de l’État congolais aura en tout cas été sollicitée par bien d’anciens dignitaires du Gabon qui ont trouvé porte close chez Ali Bongo.

Mais, selon d’autres sources, ces mauvaises relations trouveraient leur origine dans «les conflits familiaux» entre les Sassou et les Bongo. Selon une source qui a refusé de s’étendre sur le sujet, «depuis le décès d’Edith Bongo, toutes les questions relatives à l’héritage n’auraient pas été réglées entre les deux familles». Fille du président congolais, Edith-Lucie Bongo, dernière épouse d’Omar Bongo décédée en mars 2009, a laissé Queenie Yacine et Denis Omar Junior, deux demi-frères Congolais du président Ali Bongo, qui sont de jeunes adultes maintenant et qui ont leur part dans l’héritage d’Omar Bongo.

Il reste à espérer que le sens de l’Etat et l’intérêt supérieur des deux pays dépasseront rapidement ces problèmes personnels.

 

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Patrick ANTCHOUET dit :

    Maintenant, on comprend tout.

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