L’autopsie de l’affaire Santullo-État Gabonais n’a pas fini de livrer ses révélations. Yves Fernand Manfoumbi, Antoine Francis Mbou, Magloire Ngambia (encore) ou Léon Nzouba (encore)… de nouvelles découvertes sont faites tous les jours. Où on découvre comment, du fait de la corruptibilité de certains hauts responsables, un pays peut être si facile à vendre.

© Gabonreview

 

Avec son lot de correspondances et de notes, l’affaire n’est pas sans rappeler «Les Liaisons dangereuses», le fameux roman dans lequel deux nobles manipulateurs ont des échanges épistolaires moralement ambigus. Un dossier dont Gabonreview a pris connaissance révèle en effet que Yves Fernand Manfoumbi, 47 ans, directeur général du Budget jusqu’en 2014, est énormément intervenu en faveur du groupement Santullo-Sericom, aidant bien souvent le promoteur de cette structure, Guido Santullo, à se faire payer des marchés sans constatation réelle du service fait.

Ainsi, en avril 2013, celui qui était alors directeur général du Budget (DGB) a apposé, sur un document ayant pour en-tête Groupement Santullo Sericom Gabon SA, sa signature, son cachet et la certification «service fait» en vue du paiement de 8,75 milliards de francs CFA sur les travaux de construction de l’École de formation d’officiers d’active à Mandilou dans la Ngounié. Pourtant, d’un coût total de 27 milliards de francs CFA, le montant des travaux alors déjà réalisés était plus précisément de 7,9 milliards de francs CFA, selon une correspondance adressée au ministre du Budget par Pacôme-Ruffin Ondzounga, alors ministre de la Défense, qui venait d’effectuer, avec le Génie militaire, une mission de contrôle technique du chantier, on ne sait d’ailleurs à quel titre. Yves Fernand Manfoumbi donnait là un visa de certification du service fait alors même que la fiche de traitement des opérations d’investissement, lui ayant été transmise par Sorel Ongolo, son conseiller financier, indiquait : «absence de PV de réception», «absence de quittance» et «absence de PJ originale (convention)».

Yves Fernand Manfoumbi compterait-il parmi les personnes dénoncées en décembre 2016 par Hervé Opianga dans une interview au quotidien L’Union ayant fait date ? Celui-ci indexait en effet «différents directeurs généraux du Budget, les Trésoriers payeurs généraux (…) les personnalités qui se sont enrichies ostensiblement pendant que les Gabonais continuent de croupir dans la misère».  En tout cas, un autre journal, La Loupe, révélait, le 19 mai dernier, que «selon Guido Santullo (…) Yves Fernand Manfoumbi lui  »aurait fortement suggéré d’augmenter [ses] factures de 15 milliards de francs CFA pour alimenter la caisse noire de la présidence de la République en vue de la campagne électorale d’août 2016 »». Ali Bongo demandait-il réellement ces 15 milliards ou alors l’actuel ministre de l’Agriculture, de l’Élevage, en charge de la mise en oeuvre du Programme Graine faisait-il du «name dropping», cette astuce consistant à utiliser des noms de personnes célèbres ou influentes pour en tirer profit ou simplement pour donner plus de poids ou de crédibilité à une allégation ? Quand on sait l’importance et le rôle du DGB dans le processus de décaissement des fonds publics, on en vient à se demander jusqu’où a pu aller Manfoumbi avec Guido Santullo. Toujours est-il que des chèques Orabank au profit de l’ancien DGB ont été relevés sous les numéros 1457514, 1489257 et 1507435.

Si la réfection du pont de Kango par le groupement Santullo Sericom a emmené le tribunal de première instance de Libreville à soupçonner Landry Patrick Oyaya, ancien DG du Fonds d’entretien routier de deuxième génération (Fer2), et Grégoire Bayima, ancien DG de l’Entretien des routes et aérodromes, d’«association de malfaiteurs, de violation des procédures de gestion, de paiement frauduleux sur fonds publics de biens incomplètement livrés, de faux et usage de faux (et) de paiements excessif pour des services effectués», que faut-il déduire, au regard du laxisme noté plus haut, des paiements du chantier de l’école militaire de Mandilou, aujourd’hui à l’abandon alors que sa construction s’est théoriquement achevée en 2014 ?

Si le journal La Loupe qui aime souligner les liens étroits entre et l’actuel ministre de l’Agriculture, de l’Élevage, chargé de la mise en oeuvre du Programme Graine et Magloire Ngambia, aujourd’hui sous les verrous dans le cadre de l’opération Mamba, a indiqué, le 11 avril dernier, que le patron du Groupement Santullo Sericom soutient n’avoir «rien donné à Magloire Ngambia», il reste que dans le dossier dont Gabonreview a pris connaissance, on note qu’alors qu’il était ministre de la Promotion des investissements, des travaux publics et cætera, Magloire Ngambia a écrit, le 26 septembre 2013, au directeur général des Impôts et à celui des Douanes et droits indirects, en vue d’obtenir, durant la construction des deux immeubles sur le boulevard triomphal Omar Bongo à Libreville, «un allègement fiscal et douanier». Ce dont, après le refus du DG des impôts, pourtant justifié par des références à la loi, l’entreprise a fini par bénéficier «à titre exceptionnel».

Guido Sentullo aurait-il mouillé toute la haute administration du pays ? L’enquête relative aux avantages faramineux dont aurait bénéficié l’homme d’affaires démontre en tout cas comment de nombreux hauts responsables se sont mis à son service. À titre d’exemple, un mail datant du 04 août 2011 rédigé par Irène Patricia Manguila Boussamba, alors secrétaire particulière du ministre alors en charge des Infrastructures, des Travaux publics et de l’Aménagement du territoire, demande à Guido Santullo l’envoi «à madame Denise Nathalie Lenani, épouse du ministre de l’Économie du Gabon, une invitation pour l’Italie». En compagnie de son fils et de trois autres personnes, l’épouse de Magloire Ngambia devait alors effectuer un voyage en Italie.

Toujours dans la rubrique des villégiatures à l’étranger, des factures d’une agence de voyage et de tourisme ont été découvertes. Elles portent sur des billets d’avion payés par Sericom au bénéfice d’Antoine Francis Mbou, Général de Brigade et Secrétaire permanent de la Haute autorité de la sûreté et de Facilitation de l’Aéroport International Léon Mba. Celui-ci a ainsi bénéficié de billets d’avion, entre avril et décembre 2014, pour des allers-retours sur le Congo (Pointe-Noire), la France et l’Afrique du Sud notamment. En échange de quoi, peut-on se demander si l’on ne tombe sur une correspondance, datée du 27 janvier 2016, à travers laquelle Antoine Francis Mbou demande au directeur de la Police de l’air et des fontières (Paf) de faciliter l’entrée au Gabon d’une individualité devant séjourner une dizaine de jours au Gabon au bénéfice de Santullo Sericom. La sécurité du pays peut ainsi être exposée à d’éventuels risques, du fait de la boulimie financière ou de l’âpreté au gain de certains.

Si elle vise réellement l’assainissement des finances publiques, la traque et la sanction de l’enrichissement illicite, l’opération Mamba a résolument du pain sur la planche.

 

 
GR
 

14 Commentaires

  1. Airborne dit :

    Vraiment avec ce que je viens de lire, il semble que « mamba » est à bout de souffle, il n’a plus de venin pour mordre ceux là qui sont sur son chemin à moins que mamba soit aveugle où ne les sent pas.
    Sinon l’administration gabonaise est corrompu

  2. lemoimeau dit :

    Vraiment Mamba hien, un serpent moribond à l’image du pays!!!!!
    Ce pays manque de LEADERSHIP.

  3. Le Villageois dit :

    A mon avis l’affaire Santullo n’est que la petite pointe de l’Iceberg. Si on allait regarder de près tous les chantiers entrepris au Gabon depuis l’arrivée au pouvoir de cette équipe de prédateurs en 2009, on verrait les mêmes pratiques de corruption et de détournements des fonds. Mamba, commissions de luttes anti corruption, égalité des chances etc… ne sont que des slogans pour divertir le peuple !

  4. Il me semble que sous peu Ali va se débarrasser du gênant Yves-Fernand

    • BEYEME dit :

      @ Tonton Boussamba,

      Tu as raison mon frère, la mine qu’avait YFM lors de son passage dans une société agroalimentaire de la place, n’était pas celle des beaux jours. Attendons voir au prochain Gouvernement. En occident par exemple, lorsque son nom est cité dans des affaires, la personnalité concernée démissionne ou se tue. Mais sous les tropiques, c’est tout le contraire. Oh Gabon !

      • Serge bekalé dit :

        Bon sang, n’oublions pas que ce gars a été chassé par les guinéens et que le président Bongo et le Président Condé ont certainement eu à discuter de ce dossier.

        Voilà pourquoi que celà m’étonnerait que ce soit le président Ali Bongo qui ait protégé et facilité tout pour ce SANTULLO.

        Mais…qui a fait entrer ce Santullo au Gabon?
        Ce gars il rentre au Gabon et en moins de sept ans, il fait comme si il avait vécu au Gabon depuis des lustres…Même les français, et les corses qui ne sont à négliger au Gabon n’ont pas pu étendre le poison de la corruption aussi rapidement.

        Il faudrait que les pays africains créent un fichier interpol des délinquants économiques de telle sorte que tous les brigands et bandits à col blanc (Blanc ou africians) qui écument le continent et viennent s’enrichir en Afrique; que tous ceux ci soient FICHES.

        On ne peut pas se FOUTRE de l’AFRIQUE à ce point et après cracher sur les Africains dans leur pays d’origine et sur le drapeau des pays où l’on s’est enrichi dès que l’on dit STOP.

  5. messowomekewo dit :

    le pays est géré par des mafieux,ils se tiennent tous par la barbichette, tout ça est vraiment triste. Ceux qui décident pour tout le pays se comportent comme des vulgaires bandits ,vraiment le Gabon, un pays dont nous devrions être tous fiers,voilà ce que certains en font.Honte à vous.

  6. La tronçonneuse dit :

    Le comble est que le pays croupit dans la misère et la galère. Pas d infrastructures digne de ce nom, pas d école, pas de logement, pas de fierté pour ce petit pays le gabon. J espère qu aomar voit ce qu il a laissé comme héritage depuis ou il est tout muet.

  7. Toutoung dit :

    ça flibuste serieux au pays, moi meme j aimerai faire ça mais j’ai pas le niveau

  8. DZIMENGOGO dit :

    Chuuuuuttt! Silence, la Ndrangheta est aux commandes.

  9. Allo241 dit :

    Vous êtes vraiment des vrais démons.
    Allez tous en enfer !

  10. Dieudonné yalah nzembi na ybamba dit :

    Jean – Jacques est où ? Qu’il vienne parler.

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