Immigration, xénophobie, terrorisme, coopération internationale et léger malaise sur le plan régional, le ministre des Affaires étrangères, de la Francophonie et de l’Intégration régionale a évoqué les avancées réalisées par son département durant les six dernières années, à la matinale de Radio Gabon, le week-end écoulé.

Avec les journalistes de Radio Gabon, Emmanuel Issoze-Ngondet, ministre des Affaires étrangères, de la Francophonie et de l’Intégration régionale. © gabondirect/Twitter

Avec les journalistes de Radio Gabon, Emmanuel Issoze-Ngondet, ministre des Affaires étrangères, de la Francophonie et de l’Intégration régionale. © gabondirect/Twitter

 

Le Gabon, à l’instar de la communauté internationale, célèbre, le 24 octobre, la Journée des Nations-unies. Pouvez-vous revenir sur les principaux points forts des six dernières années de la coopération entre le Gabon et cette organisation ?

Emmanuel Issoze-Ngondet : Cette année l’occasion est unique. Elle est presque historique, parce cette journée des Nations-unies coïncide avec le 70e anniversaire de l’Onu mais aussi avec l’adoption, au mois de septembre dernier, du nouveau programme de développement, l’agenda post-2015. Deux évènements importants dans la vie des Etats-membres et nous en avons profité pour dire combien le Gabon était attaché à cette coopération. Depuis 1960, la coopération avec cette organisation s’est développée de façon appréciable, avec plusieurs dimensions, qui portent notamment sur la formation des ressources humaines et l’assistance dans les programmes importants touchant la vie des populations, avec des organismes spécialisés tels que le Pnud, l’OMS ou l’Unesco. La coopération a porté également sur les questions politiques, avec l’établissement du Bureau régional des Nations-unies au Gabon. C’est une démarche qui a été menée lorsque nous étions au Conseil de sécurité. Il faut s’en féliciter car c’est la preuve que les Nations-unies ont une appréciation positive de ce qui passe au Gabon et naturellement de la relation que nous entretenons.

Au-delà des Nations-unies, la diplomatie gabonaise se port-elle bien aujourd’hui, et qu’est-ce qui a fondamentalement changé durant les six années passées ?

Dans ma position, je ne peux qu’avoir une appréciation positive de l’action diplomatique menée par le Gabon depuis 2009 ou plus exactement depuis 2010, l’année où le président Ali Bongo prend réellement le pouvoir. Déjà, nous ne pouvons pas parler de changement mais plutôt d’évolution, notamment sur la base des acquis. Le président de la République s’est efforcé à consolider les acquis. Il ne faut pas oublier que durant la présidence d’Omar Bongo Ondimba, le Gabon a été présent sur la scène internationale, aussi bien au niveau sous-régional et continental qu’au niveau international. Et ces acquis nous ont permis de fixer de nouvelles orientations à notre politique étrangère. L’évolution manifeste aujourd’hui, c’est que le Gabon s’ouvre à d’autres zones internationales, qui n’étaient pas prises en compte, en dehors des partenaires traditionnels. Sous Ali Bongo, un accent particulier est mis sur le développement ou le renforcement de la coopération avec des pays comme la Grande-Bretagne et les pays du Golfe, avec l’Arabie Saoudite et les Etats qui sont autour. Dans cette ouverture, nous recherchons davantage à consolider notre coopération à travers des accords sur divers aspects.

En parlant de pays amis, le Gabon a initié, il y a quelques années, une nouvelle coopération avec l’Inde. Les Gabonais qui connaissent mal le fond de cette coopération s’interrogent sur l’apport de ce pays…

La coopération entre le Gabon et l’Inde n’est pas aussi nouvelle qu’on veut le voir. Nous avons ouvert notre ambassade à New Delhi en 2008, et depuis lors nous avons une représentation très active, qui chaque jour œuvre au renforcement de cette relation de partenariat. Mais dans ce domaine, il reste beaucoup de choses à faire. Il y a naturellement la négociation de divers accords pour consolider le cadre juridique de coopération. Il faut également renforcer les initiatives en place dans le domaine de la diplomatie économique, d’autant que l’Inde développe avec le Gabon une coopération financière. Nous avons reçu un certain nombre de crédits pour financer des activités dans le secteur de la communication et de l’habitat social. Mais il faut aller au-delà, pour attirer un maximum d’investisseurs indiens au Gabon. Et en marge de cette coopération bilatérale, il y a un partenariat que l’Afrique entretient avec l’Inde. Dans quelques jours se tiendra le troisième sommet de la coopération entre l’Inde et l’Afrique, et le chef de l’Etat y prendra part, parce qu’il déroule désormais sous un format différent, alors que les deux premières éditions se sont tenues sous la formule de Banjul, qui consistait à faire représenter l’Afrique par les président en exercice des différentes Cer [Communautés économiques et régionales – ndlr]. Cette fois, tous les Etats africains y prendront part, chacun des pays donnera son appréciation de la coopération à mener avec l’Inde, et notre président se fera fort d’exprimer la voix du Gabon à cette occasion.

Au-delà de l’Inde, on parle également de l’ouverture de l’ambassade du Gabon à Cuba. Fallait-il forcément attendre le renouement des relations entre ce pays et les Etats-Unis pour le Gabon se lance ?

Non. Le Gabon n’a pas attendu la décrispation des relations entre les Etats-Unis et Cuba pour ouvrir son ambassade. Le Gabon a un lien très fort avec Cuba depuis des années. Il vous souviendra que lors du débat général de l’Assemblée générale des Nations-unies, la question de l’embargo que les Etats-Unis ont imposé à Cuba, lui interdisant d’avoir des relations économiques et commerciales avec le reste du monde, s’est souvent posée. Et le Gabon fait partie des pays qui, clairement, condamnaient cet embargo, et invitaient les Etats-Unis à le faire cesser, en les encourageant à normaliser leurs relations avec Cuba. Aussi, les discussions entre le Gabon et Cuba, en vue de l’ouverture de cette ambassade datent du dernier voyage que le chef de l’Etat a effectué à la Havane bien avant que la normalisation avec les Etats-Unis soit effective. On peut donc dire que l’avons précédé.

Et qu’est-ce qu’on y gagne?

La coopération, elle est à plusieurs niveaux. Il y a le niveau politique, économique et le culturel. Pour le moment, nous avons une coopération effective avec Cuba sur le plan culturel. Nos étudiants y sont en formation dans le domaine de la médecine et du sport. Et dans le cadre de cette coopération, nous avons à Libreville la présence d’une brigade de médecins cubains, alors que le Gabon éprouve quelques difficultés à fournir une offre en personnel pour répondre aux besoins dans le domaine de la santé. Cuba fait donc partie des pays qui nous aident à avoir sous la main un certain nombre de médecins qui travaillent également dans les zones rurales. Au regard de notre satisfaction, nous songeons d’ailleurs à accroître le nombre de ces médecins.

Où en est-on avec le projet de la libre circulation dans la sous-région? Qu’est-ce qui bloque?

Il faut d’abord préciser que le Gabon fait partie d’une sous-région qui a deux communautés économiques et régionales : la Cemac qui compte six pays et la CEEAC qui en compte onze aujourd’hui, avec le retour du Rwanda. La question de la libre circulation des personnes se pose à la fois au sein de la Cemac et au sein de la CEEAC, et cette question est très complexe parce qu’autour de celle-ci, certains aspects ne sont pas à perdre de vue : les aspects sécuritaires particulièrement. La décision a été prise au niveau des chefs d’Etat, il faut l’appliquer. Mais ce qu’on oublie c’est que cette décision s’appuie sur une feuille de route qui précise un certain nombre de préalables à remplir. Pour ce qui est de l’appréciation du Gabon, nous n’avons pas à ce jour rempli l’essentiel de ces préalables. Nous pensons qu’il faut passer par cette voie avant de rendre la libre circulation effective. C’est une décision qui a été prise et on ne peut pas accuser le Gabon, d’autant que même dans l’Union européenne, lorsque des situations mettent en difficulté des intérêts nationaux de l’Etat, les Etats membres de l’UE viennent à revisiter leur position par rapport à ces décisions communautaires.

Quels sont précisément ces préalables ?

Il faut, entre autres, sécuriser les documents de voyage. Nous avons aujourd’hui des documents biométriques, contrairement à beaucoup de pays de la sous-région. Il faut avoir une politique communautaire en matière d’actes civils, pour que nous sachions identifier les nationaux de la communauté, alors que certains pays de notre zone ont signé des accords de libre circulation avec des pays situés hors de notre communauté.

N’est-ce pas cette réticence qui est à l’origine de la xénophobie dont est taxé le Gabon?

Le Gabon ne peut accepter une telle accusation. Moi, je circule beaucoup dans le monde et en Afrique. Il y des situations, dans des pays africains, qu’on ne retrouve pas au Gabon. Loin de moi l’idée de taxer ou de pointer du doigt ces pays, mais il faut reconnaître que des pays considérés comme ouverts heurteraient notre sensibilité. Le Gabon ne peut pas être taxé de xénophobe parce que nous un pays d’ouverture. Depuis la colonisation et depuis l’indépendance nous recevons chez nous des frères et sœurs des pays africains qui, aujourd’hui, demeurent et participent à la vie nationale. Il y a des règles au niveau international et national qu’il faut respecter, et le gouvernement se fait fort de les mettre en application.

Interview réalisée par Romuald Koumba et Kennie Kanga pour Radio Gabon

 

 

 
GR
 

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